Chapitre 7 : Ensemble le temps d’un week-end
Vendredi. Après les cours.
Exceptionnellement, nous n’avions pas entraînement aujourd’hui et les petites nouvelles du club de basket ont voulus inviter leurs aînées, ainsi que quelques garçons du club masculin, à aller s’amuser au karaoké. Les troisièmes années ont passé leur tour et quelques deuxièmes années, dont moi, ont accepté l’invitation. Elles disaient que c’était pour apprendre à mieux se connaître et tout, mais Keiko comme moi soupçonnions que c’était une excuse pour traîner avec les garçons sous couvert d’une sortie entre membres de clubs. Après tout, on faisait ça aussi dans mon ancien club.
Néanmoins, on ne peut pas dire qu’on ne s’amusait pas. Les nouvelles pouvaient traîner avec les plus âgés et les autres sympathisaient. Comme Kôtani.
Lui et moi, on discutait de temps en temps avant et après les entraînements. Il était vraiment sympa et ne me matait pas comme la plupart des garçons ! Enfin… Moins. Je l’ai quand même surpris une fois ou deux en train de me regarder bizarrement. Mais comme il était plutôt du genre gentil et que c’était très rare, je laissais couler. Par contre, ce serait une autre histoire s’il devient entreprenant… Il n’empêchait qu’on s’amusait bien avec lui ! Il faisait un peu le clown devant les autres et quand il avait un micro dans les mains, il se donnait à fond. J’ai même chanté en duo avec lui, sous les applaudissements des autres. Ah, ce que c’était bien…
-Dîtes ! Dîtes ! m’interpella l’une des nouvelles. Nanahara-senpai ! Vous et Kôtani sortez ensemble ?
BLEUARG !
J’ai bu de travers mon jus et en ai recraché la moitié, mouillant un peu la banquette où nous étions assises. Pendant que Keiko me donnait de quoi m’essuyer, une autre des nouvelles dit à ma place :
-T’es bête ou quoi ? Elle a déjà un copain !
-Hein ! Vraiment ?
-Attends, me dis pas que tu l’as pas vu ! Il était là, pour le match amical contre Hoshi…
-Hein ! Pas possible ! J’ai fait attention à tous les beaux mecs qu’il y avait et ils étaient pas nombreux…
-Tu t’attendais à quoi, dans un ancien lycée pour fille… Mais il y était ! Même que Senpai était toute love love dans ses bras et tout…
J’ai rougi d’embarrassement. Je n’y pouvais rien, moi, si j’adorais avoir mon copain dans mes bras…
-Attends… Si ton copain est au lycée Hoshi, Nanahara-senpai, et qu’il n’est pas spécialement beau… ça veut dire que c’est un intello ?
(Pourquoi tu prends cet air dégoûté en demandant ça, sale petite…)
-Hé ! intervint Keiko. C’est quoi, cette question ? En plus, vu comment tu l’as formulé, ce n’était pas poli…
-P…pardon ! C’était pas mon intention ! Mais je suis curieuse, c’est tout !
Curieuse ou pas, je n’avais pas aimé comment elle parlait de Shûhei. Mais je lui ai quand même répondu :
-En quelque sorte. Shûhei est un garçon sérieux et travailleur. Et c’est pour sa personnalité que je sors avec lui, pas son physique.
-Pourtant, il n’est pas si mal, quand on le regarde de plus près…
Les deux premières années furent surprises de la déclaration de Keiko. Et moi aussi, d’ailleurs !
-Te méprends pas ! ajouta-t-elle en me regardant. Je compte pas te le piquer. De toute façon, c’est pas mon genre de mec… Mais tu m’avais dit que physiquement, il était plutôt normal. Moi, je trouvais qu’il avait un petit truc en plus, mais je saurais pas te dire quoi…
-Qu’est-ce que tu veux dire ?
-Je sais pas… On dit qu’une personne paraît un peu plus belle lorsqu’elle est amoureuse. C’est peut-être ça…
-Tu penses ?
-En tout cas, il doit être sacrément amoureux pour supporter ton côté capricieux…
-Mais heu ! Je suis pas capricieuse ! Pas vrai ?
J’ai regardé les deux premières années pour avoir du soutien moral. Elles ont préféré détourner le regard.
(Traîtresses !)
-De quoi vous parler ?
Kôtani vint se joindre à la conversation, pendant que les autres s’amusaient.
-On parlait du petit copain de Nanahara-senpaï ! dit l’une des premières années.
-Oh ? Il est comment ?
-Plutôt normal, répondit l’autre. Un garçon du lycée Hoshi. Même qu’après le match amical, Nanahara-senpaï est restée avec lui alors que nous repartions. Avec la bénédiction du capitaine et de la coach.
J’ai encore rougi d’embarras, avant de demander qu’on parle d’autre chose. Ainsi, elles ne parlèrent plus de ce qui s’était passé après ce match mais voulurent en savoir plus sur nous. Et naïvement, j’ai répondu :
-Vous êtes ensemble depuis quand ?
-Un an.
-Qui s’est déclaré en premier ?
-Moi.
-Vous avez déjà couché ensemble ?
(Hé !)
-Hé ! intervint de nouveau Keiko, en étant vraiment énervé. C’est privé, ce genre de truc !
-On… on devrait vraiment parler d’autre chose, non ? fit Kôtani en tentant de son mieux pour calmer la situation.
Les deux filles étaient très déçues de ne pas avoir leurs réponses mais elles s’en tinrent là et discutèrent plutôt avec Kôtani.
-Ça va aller ? me demanda Keiko.
-Oui, pas de soucis… Je les comprends un peu, cela dit. J’ai été à leur place, avant.
-C’est pas une excuse.
-C’est vrai.
Nous avons siroté nos jus et avons continué à nous amuser avec les autres. Et cela me faisait du bien, de changer un peu ma routine quotidienne et de m’amuser avec d’autres gens. Mais plus que tout, je voulais m’amuser avec Shûhei.
-Il te manque à ce point ? demanda Keiko alors que nous revenions des toilettes.
-Hein ? Je l’ai dit tout haut ?
-Assez, oui.
-Ah, mince…
-Et ? Tu n’as qu’à programmer un rendez-vous avec lui, non ? Comme tout couple civilisé…
-C’est déjà fait. Il m’invite à passer le week-end chez lui.
-Hein !? Tu vas être seul avec ton copain dans son petit appartement ?
-Mais non ! Il vit avec sa mère !
-Ah… Donc, tu ne seras pas vraiment seul avec lui…
-Si. Sa mère bosse assez tôt et rentre tard…
-De quoi faire des galipettes toute la journée, quoi…
-On ne fait pas ça ! On ne pense pas qu’au sexe, lui et moi.
-Mais vous y pensez quand même, d’après ce que tu viens de me dire.
J’ai choisi de ne pas poursuivre la discussion, alors que Keiko ricanait de ma réaction.
Sans le savoir, nous sommes restés au karaoké jusqu’à la tombée de la nuit. Certains voulaient encore traîner un peu, d’autres décidèrent de rentrer, comme moi, Keiko et Kôtani.
Une fois à la pension et après un dîner animé où Hikitani-senpaï avait essayé une fois de plus de me draguer sans succès (d’ailleurs, il commençait aussi à s’intéresser à Mizuhara…), dans ma chambre, j’ai vérifié une nouvelle fois que ma valise était fin prête. Je ne restais chez Shûhei que pour une nuit mais je ne voulais rien oublier. J’étais toute excitée et me suis dit que j’aurais du mal à m’endormir en pensant à tout ce que nous pourrions faire ensemble.
Une fois la valise bien faite, j’ai vérifié mon réveil, puis Shûhei m’a appelé pour discuter un peu avant que je ne me couche. Il m’a alors raconté qu’il était sorti ce soir, qu’il avait croisé un élève de sa classe qui l’a invité à un karaoké avec ses amis et qu’une fille l’avait embrassé. Dire que je n’étais pas contente serait bien en-dessous de la vérité ! J’étais folle de rage ! Au point où j’aurais pu crier ! Pas contre Shûhei, car j’avais compris qu’il ne l’avait pas fait de son plein gré, mais contre cette pouffiasse ! Heureusement, il m’a dit qu’il est parti de suite après ça. J’étais en colère d’entendre qu’une autre fille avait embrassé mon copain, mais j’étais contente qu’il ne me cache pas ça. On savait que ce serait dur de moins se voir, mais nous étions d’accord pour nous faire confiance quand nous n’étions pas ensemble. Et ça, ça n’allait pas changer.
Par ailleurs, j’ai proposé à Shûhei de faire de temps en temps des séances… de sexe par téléphone. Des filles que je connaissais me disaient faire ça, de temps en temps, avec leur copain. Et j’étais curieuse… Évidemment, il m’a traité de « Perverse ! » mais il n’a pas dit non. L’expérience était… agréable. Mais rien à voir avec le fait de le faire en vrai.
Après ça, je lui ai souhaité une bonne nuit et me suis couché. Demain, il fallait se lever tôt…
Quand mon réveil a sonné, le lendemain matin, je l’ai éteint en le jetant contre un mur. J’allais devoir en racheter un…
Le soleil n’était pas encore levé mais le premier train allait bientôt circuler. Je me suis vite préparé et me suis dirigé vers l’entrée avec ma valise, en essayant de faire le moins de bruits possible pour ne pas réveiller ceux qui dormaient encore. En quittant la pension, j’ai envoyé un message à Shûhei pour le prévenir que j’étais en chemin et que ce n’était pas la peine de venir me chercher à la gare, qu’il pouvait dormir encore un peu jusqu’à ce que j’arrive devant chez lui. J’ai attrapé le premier train de la journée, à moitié vide, pour me rendre dans son quartier.
Au petit matin, l’endroit n’était pas animé mais on voyait bien que les gens qui vivaient dans le coin étaient majoritairement aisés. Des fois, j’oubliais que la mère de Shûhei gagnait très bien sa vie.
Je n’ai pas eu trop de mal à trouver l’immeuble où il vivait. C’était vrai qu’il était grand…
(Ah, il faut que j’appelle Shûhei pour le code d’entrée…)
J’étais sur le point de prendre mon téléphone…
-Ah. Nanahara.
J’ai tourné la tête sur ma gauche et je l’ai vue, dans son survêtement et les cheveux attachés, trimballant un sac plastique venant d’une supérette. Kinoshita Saya, la déléguée de la classe de Shûhei. Et aussi sa binôme depuis peu. En bref, la fille avec qui il passait le plus de temps, en ce moment.
-Bonjour, Kinoshita, lui ai-je dit par politesse.
-Je ne m’attendais pas à te voir.
Je la vis jeter un œil à ma valise.
-Tu viens passer le week-end chez Nishiyama ?
-Oui… Je suis arrivé tôt car je voulais aussi saluer sa mère, avant qu’elle ne parte travailler.
-Je vois…
-Et toi ? Tu reviens de la supérette ?
-Oui. J’ai eu envie de faire un petit jogging matinal et en revenant, je me suis pris à petit-déjeuner.
-Je vois…
Elle s’est alors dirigée vers la porte de l’immeuble, à taper le code sur le clavier et à ouvert la porte. Elle m’a ensuite regardé en la maintenant ouverte :
-Tu ne voulais pas entrer ?
J’ai un peu froncé les sourcils. Je ne la connaissais pas bien mais de ce que me racontait Shûhei, elle faisait un peu le forcing, selon ses goûts, pour se lier d’amitié avec lui. Alors oui, parfois avec Shûhei, il fallait forcer un peu pour interagir avec lui mais sa façon de faire, à elle, me rappelait un peu ce que j’avais fait pour me rapprocher de lui, l’an dernier, avant qu’on ne sorte ensemble. Donc, j’étais suspicieuse. Peut-être pour rien ou pas. Mais je l’étais quand même. Bref, même si elle faisait la sympa, j’ai décidé de me méfier un peu quand même.
J’ai accepté d’entrer avec elle et nous avons pris l’ascenseur. Quand les portes se sont rouvertes à l’étage où était sensé habiter Shûhei, elle m’a indiqué qu’elle porte c’était et m’a souhaité une bonne journée.
(Elle savait même où il vivait avant moi… D’accord, ils vivent dans le même immeuble mais quand même…)
J’étais sur le point de sortir de l’ascenseur quand je me suis stoppé net. Je me suis alors retourné vers elle et je lui ai demandé, sans détour :
-C’est quoi, tes intentions, envers mon Shûhei ?
Aucunes réactions de sa part. Un visage neutre, presque indifférent. Presque. Je n’étais pas sûr mais j’ai cru percevoir un léger haussement d’un de ses sourcils.
-Rien de particulier, assura-t-elle.
-Vraiment ? Pourtant, tu sembles prendre plaisir à le taquiner, d’après ce qu’il me dit.
-C’est vrai, je le taquine de temps en temps. Mais je n’ai nullement l’intention de te le voler. Rassure-toi.
(Elle me l’avoue en face, qu’elle le taquine vraiment !)
-Donc c’est purement amical, ces taquineries ?
-Oui.
-J’y crois pas.
-Oh ?
Nous nous sommes fixés, moi avec un air méfiant et elle, avec un petit sourire.
-Tu ne devrais pas y aller ? Nishiyama t’attend, a-t-elle dit… avec une certaine bienveillance.
C’était vrai. Shûhei m’attendait et je n’avais pas envie de gâcher le peu de temps qu’on avait pour autre chose. Toutefois…
-Shûhei ne te le dira sans doute jamais…, ai-je commencé. Mais je sais qu’il t’est reconnaissant de l’avoir aidé pour le début de l’année. Je pense qu’il peut te considérer comme une amie, dans le meilleur des cas. Mais je sais aussi qu’il n’y a qu’une fille dans son cœur et c’est moi !
Bouffie d’orgueil, j’ai fièrement bondé ma poitrine après ma tirade qui aurait été digne d’une héroïne de manga shônen ou shôjo. Kinoshita semblait être un peu surprise puis s’est mise à rire.
-Bien reçue.
Je suis alors sorti de l’ascenseur mais avant que les portes ne se referment, je les ai bloqués avec mes mains.
-Une dernière chose ! lui ai-je crié.
-Q… Quoi ? a-t-elle demandé, un peu surprise.
-Ton numéro.
-…Pardon ?
-File-moi ton numéro. Je veux mieux connaître la fille qui passe autant de temps avec mon copain. Pour être sûr que tu ne feras rien avec lui.
-C’est… tordu, comme logique.
-Je suis qu’une adolescente qui va sur ses dix-sept ans. Critique pas ma logique foireuse.
…
Il a été impassible pendant un instant puis a éclaté de rire, en disant qu’elle voyait un peu ce que mon copain aimait chez moi. J’ai rougi. Elle a néanmoins accepté de me donner son numéro ainsi que son identifiant LINE pour discuter. Honnêtement, je ne prévoyais pas d’être son amie. Mais je préférais l’avoir en tant que connaissance, au cas où elle se rapprocherait trop de Shûhei à mon goût. Était-ce une bonne idée ou non ? L’avenir nous le dirait…
Mais pour l’instant, ce qui importait, c’était de voir mon Shûhei !
Je me suis dépêché d’aller à la porte de l’appartement après cela et j’ai sonné. En espérant qu’ils étaient réveillés…
-J’arrive !
Une voix familière derrière la porte m’avait répondu. Quand celle-ci s’est ouverte, je suis tombé sur une personne que j’aimais beaucoup : Nishiyama Shôko, cadre dans une société assez réputé et la mère de Shûhei.
-Kyaaaah ! Ma petite Yuna ! s’écria-t-elle en me voyant et en me prenant dans ses bras.
(Toujours aussi gaga de moi, on dirait.)
-Bonjour, Shôko ! Pardon de débarquer sitôt mais comme j’avais envie de te voir avant que tu ne partes…
-Au contraire ! Ça me fait très plaisir de te voir ! La dernière fois, c’était à votre dernier jour en tant que première année !
Nous avons papoté un moment avant que je n’aperçoive Shûhei débarquer de sa chambre, encore en pyjama et à moitié endormi.
-Maman… Parle moins fort. Les voisins vont se plaindre, si tôt le matin…
-Ah ! C’est vrai, il faut que j’y aille. Je vous ai préparé un petit-déjeuner rapidement. Passez une bonne journée !
Shôko m’a fait un gros câlin pour me souhaiter une bonne journée et a voulu faire de même avec son fils, qui était gêné, avant de partir en chantonnant. Shûhei m’a fait entrer et pendant qu’il emmenait ma valise dans sa chambre, je me suis dirigé vers la salle à manger pour mettre le couvert. Après avoir dit bonjour à cette petite boule de poil qu’était Kurô, qui était visiblement content de me voir, vu comment il se frottait contre mes jambes à ma vue.
Notre premier petit-déjeuner en tête-à-tête… Certes, j’avais déjà pris le petit-déjeuner avec Shûhei et ses parents une fois, mais à deux seulement, c’était pas pareil…
-Ah, au fait. Je voulais te parler de quelque chose, dit-il avant d’avaler un morceau d’omelette. J’avais oublié de le faire la dernière fois.
-De quoi ?
-Ma mère et moi, on avait prévu d’aller en France, pendant les vacances d’été…
-Oh. Alors on va pas pouvoir se voir… Bien sûr, j’aurais sans doute un camp d’été avec mon club mais j’avais espéré que…
-Non mais écoute-moi jusqu’au bout ! Bref. Elle et moi, on devait y aller pour voir de la famille. Mais d’une, finalement, elle pourra pas et de deux, hier, elle a reçu un mail de la famille là-bas qui lui expliquait qu’ils ne pouvaient pas nous accueillir car ils partent à l’étranger pendant ces vacances…
Il a mangé un peu de riz de son bol et un peu de viande avant de poursuivre.
-Donc, voilà, ma mère a pensé que tu voudrais peut-être y aller avec moi et faire changer son billet. Et si tu n’as pas de passeport, elle peut t’aider à en avoir un.
…
Mon cerveau a buggé et j’ai mis un temps avant de réagir.
-Shûhei… Tu… Tu m’invites à voyager avec toi ? En France ?
-Oui.
-Et… où, en France ?
-J’aimerais en discuter avec toi mais je suppose qu’on passera par Paris.
…
J’ai tourné de l’œil et ai failli tomber de ma chaise en entendant ça. Si bien que Shûhei, mon prince charmant, s’est précipité pour m’empêcher de tomber. Je n’arrivais pas à y croire… Moi et Shûhei… À Paris ! Cet été !
-OUI !
J’ai crié comme une dingue et je m’en fichais !
-Oui, quoi ? m’a demandé Shûhei en me regardant comme si j’étais devenue folle.
-Oui ! Je veux aller en France avec toi !
-Oh… Bah, c’est super comme nouve… HMPF !
Je lui ai sauté au cou pour l’embrasser. Il allait sans doute être un peu fâché mais je savais comment me faire pardonner avec lui…
Après notre petit-déjeuner et un brin de toilette pour Shûhei, nous avons passé la matinée à planifier notre voyage, devant son ordinateur portable. Il allait durer deux semaines et même en mettant nos sous en commun, loger à l’hôtel tout ce temps allait revenir cher. De plus, Shûhei pensait que ce serait dommage de se limiter à Paris et qu’on pourrait voir une autre ville aussi. Le problème était que Shûhei n’était allé qu’une fois ou deux en France dans sa vie et qu’en-dehors de Paris, il ne connaissait pas bien les villes à voir. Quant à moi, ce serait mon premier voyage hors du Japon, alors j’allais pas être d’une grande aide.
-Si seulement on pouvait demander son avis à quelqu’un qui connait le pays…, ai-je dit.
Je voyais Shûhei réfléchir intensément en fixant l’écran puis il s’est tourné vers moi :
-Je connais bien quelqu’un…
-Qui ?
-Kinoshita. Elle est souvent allée en France. Elle saura peut-être nous…
Shûhei s’est interrompu et m’a fait une grimace en voyant que je lui en faisais une lorsqu’il a parlé de Kinoshita.
-Quoi ? a-t-il demandé.
-Vous êtes vraiment devenu très proche…
-Plus tellement le choix, vu qu’elle et moi, on est délégués…
-Je sais mais quand même…
J’ai un peu boudé. Oui, comme une gamine. L’un de mes nombreux défauts. C’était plus fort que moi. Je savais qu’il n’y avait rien entre eux mais le fait de savoir qu’une autre fille que moi était aussi proche, je n’aimais pas ça.
Shûhei m’a alors pris dans ses bras et m’a câliné.
-Une vraie gamine, parfois…, a-t-il commenté.
Il m’a embrassé la joue et j’ai souri. Décidemment, je devais vraiment arrêter de m’en faire.
-Je vais l’appeler, ai-je déclaré en prenant mon téléphone.
-Hein ? Mais tu n’as pas son…
-J’ai son numéro. Je l’ai croisé en venant, tout à l’heure.
-Mais comment tu…
-Plus tard, les détails, mon chéri.
-MON… !
Exceptionnellement, je l’ai ignoré alors que j’appelais Kinoshita. Elle ne tarda pas à décrocher.
-Nanahara. Je ne pensais pas que tu m’appellerais si vite…
-Moi non plus, en fait. Mais il se trouve que Shûhei et moi, on aurait besoin de ton aide.
-Nishiyama aussi ? En quoi avez-vous besoin de mon aide ?
Je lui ai alors tout expliqué et lui ai demandé conseil.
-Hmmm. Je dirais que cela dépend, si le but est surtout de vous amuser ou d’en apprendre plus sur le pays…
-On peut pas faire les deux à Paris ?
-Ce n’est pas les activités qui manquent, là-bas. Mais y séjourner n’est pas donné, surtout en touriste.
-Ah. Shûhei a pensé à louer un logement chez un particulier via Airbnb.
-Une bonne idée. Ce sera moi cher que d’aller à l’hôtel.
-C’est qu’il a dit. Alors, on a Paris mais comme on n’y sera que deux semaines…
-Puis-je te proposer une ville que je trouve assez calme et agréable ? Qui plus est, elle est au bord de la mer.
« Au bord de la mer » ? Il m’en fallait peu pour stimuler mon imagination et me mettre des étoiles dans les yeux.
-C’est où, c’est où ?
-Quelle impatience… On dirait une enfant, dit-elle en ricanant à l’autre bout du fil.
-Je vais te taper, si je te vois…
-Les menaces nuisent à ton charme, Nanahara.
-Que… !?
J’ai rougi violement quand elle m’a dit ça, ce qui a interpellé Shûhei qui m’a pris mon téléphone et activé le haut-parleur :
-Hé ! Qu’est-ce que tu dis à ma copine, là ? a-t-il demandé sur un ton de reproche.
-Oh, Nishiyama. Je lui disais juste que menacer nuisait à son charme.
-Ça ressemble à de la drague, dis comme ça…
-Oh ? Tu es jaloux que je porte mon attention sur Yuna, en plus de la tienne ?
Shûhei et moi avons rougis en même temps, avant qu’il ne lui crie de ne pas dire ce genre de chose qui portait à confusion.
-Allons, tous les deux. Faîtes preuve d’un minimum d’humour.
-C’est pas drôle ! lui cria Shûhei.
-Oui, oui… Sinon, la ville que j’allais proposais à Yuna, c’était Le Havre.
-Le Habre… C’est où, ça ?
On a entendu Kinoshita soupirer à l’autre bout du fil. Shûhei et moi, on s’est retenu de commenter là-dessus.
-Le Havre, corrigea Kinoshita. Une ville au Nord-Ouest de la France, à deux heures de train de Paris. Si vous avez envie d’une ville plus calme que Paris et de profiter un peu de la mer. Sinon, il y a aussi Perpignan mais en été et si on ne supporte pas la chaleur, ce n’est peut-être pas la meilleure idée.
-Je vois… Merci, Kinoshita. Ça nous aide beaucoup.
-Je t’en prie.
-Au fait, pourquoi Yuna a ton…
J’ai précipitamment récupéré mon téléphone pour remercier à mon tour Kinoshita, lui ai souhaité une bonne journée et ai raccroché, le tout en moins de deux minutes. Shûhei m’a lancé un de ces regards suspicieux… J’ai eu l’impression d’être une criminelle en plein interrogatoire. Mais il en est resté là. Je ne voulais vraiment qu’il sache la raison pour laquelle Kinoshita et moi avions échangé nos coordonnées. Du moins, pas tout de suite.
Vers onze heures trente, nous sommes partis de l’appartement pour aller manger dans un restaurant. Shûhei m’a fait découvrir un restaurant qui faisait de la raclette, un plat suisse qui consistait à verser un fromage du même nom fondu sur des patates, le tout accompagné de charcuterie. Malgré de petites portions, j’ai trouvé le tout lourd mais qu’est-ce que c’était bon…
L’après-midi, j’ai voulu qu’on aille s’amuser dans un Game Center et Shûhei m’y a emmené. On s’est affronté à coups de jeux de rythmes, sur des jeux de baston sur des bornes d’arcade… Shûhei m’a gagné une belle peluche à la machine attrape-peluche : un mignon petit chat noir, comme Kurô.
Nous n’avions pas vu le temps filer : le soleil commençait à se coucher. Shûhei m’a emmené boire quelque chose dans un café puis nous avons discuté de ce que nous faisions dans nos lycées respectifs. Je lui racontai que je redoutais un peu les examens qui arrivaient en juin, car le niveau à Gekkô était assez élevé et si je me plantais, on ne me laisserait pas participer aux activités de club l’été et je devrais suivre des cours supplémentaires. D’ailleurs, Shûhei m’a aussi dit qu’il s’inquiétait pour les siens, d’examens. Le niveau à Hoshi aussi été élevé et il m’a avoué qu’il devait travailler plus qu’auparavant, pour se maintenir à son niveau habituel. Sans compter qu’il était maintenant délégué et toutes les responsabilités qui allaient avec. Je lui ai assuré que je le soutiendrai. Je lui ai alors proposé qu’on se fasse une séance de révisions en groupe avec ses amis et les miens. Il a un peu grimacé et l’idée ne l’enchantait pas plus que ça. Difficile de défaire les anciennes habitudes d’un solitaire… Mais Shûhei faisait des efforts. Il fallait lui reconnaître ça.
Le soir tombé, nous avons fait un détour au supermarché faire des courses afin de cuisiner le dîner. Et puis, je n’avais pas cuisiné pour lui depuis longtemps… Nous avons aussi acheté un petit quelque chose pour Kurô.
De retour chez lui, pendant que je cuisinais et que Kurô mangeait ce qu’on lui avait rapporté, Shûhei est parti prendre un bain. Sa mère avait téléphoné et malheureusement, elle rentrerait tard. Il en avait l’habitude et puis, dîner en amoureux n’était pas mal non plus.
Je cherchais où ils rangeaient les épices mais impossible de mettre la main dessus. N’ayant pas le choix, je suis allé à la salle de bain pour demander à Shûhei où ils les rangeaient.
-Shûhei ! Tu sais où…
J’ai ouvert la porte sans frapper et je suis tombé sur lui en train de se sécher les cheveux. Et il n’avait pas mis de serviette à enrouler autour de sa taille. Il a froncé les sourcils, un peu énervé.
-Tu sais pas frapper avant d’entrer ?
-Désolée…, ai-je dit. Mais d’un autre côté, c’est pas la première fois que je te vois tout nu.
-C’est pas une raison !
-C’est bon, Shûhei… Pas la peine d’être si pudique avec moi.
Il a soupiré et a rapidement fini de sécher ses cheveux. Il m’a un peu regardé de travers aussi, quand il a vu que j’étais encore là… À le mater… Surtout ce qu’il avait entre les…
-Yuna !
-Oui ! ai-je presque crié en sursautant.
-Tu voulais quelque chose ?
-Hum… Toi ?
-C’est pas drôle…
-Oui, j’ai fait mieux, comme blague… Non, plus sérieusement. Tu peux me dire où vous rangez vos épices ? C’est pour la viande…
-Une minute. Le temps d’enfiler un truc…
-Tu sais, mon Shûhei, tu peux rester nu, ça me…
Il m’a viré de salle de bain avant que je ne finisse. Des fois, c’était drôle de le taquiner ainsi.
Non, en fait, c’était toujours drôle.
J’ai ensuite pris mon bain puis nous avons fini de préparer le repas à deux et avons passé un bon dîner en tête-à-tête. Après ça, nous avons regardé un film sur Netflix, dans le salon. Kurô nous a même tenu compagnie, en se lovant sur mon ventre. Nous sommes partis nous coucher vers une heure du matin, après un second film. J’étais aux anges, de pouvoir dormir avec mon copain dans le même lit. Cela faisait si longtemps. Mais bien sûr, nous n’avons pas fait que dormir, cette nuit-là…
Le lendemain après-midi, Shûhei m’a emmené faire un peu de shopping à Ikebukuro. On a emmené ma valise aussi car j’allais rentrer à la pension, après. J’étais un peu déçue. Ce week-end était passé trop vite et j’aurais aimé plus de temps avec mon amoureux. D’accord, on s’était promis de se voir pour réviser ensemble pour nos examens mais ça n’allait pas être la même chose…
(Soldate Yuna, vous êtes une idiote ! Toute occasion pour passer du temps avec ton chéri est bonne à prendre ! Ressaisissez-vous !)
Heureusement que mon subconscient était là pour me rappeler à l’ordre !
Après avoir bu un dernier verre ensemble, nous nous sommes dirigés vers la gare afin de prendre le train qui me ramènerait…
-Hein ? Hé, Délégué !
Quelqu’un nous avait interpellé et émergeant de la foule, j’ai reconnu le garçon de l’autre fois. Celui qui nous avait aidé. Shûhei m’avait dit qu’il était dans sa classe maintenant. Serizawa Katayuki… Je ne m’en étais pas rendu compte la dernière fois mais il est plutôt char…
(Ôte-toi tout de suite cette pensée, Soldate Yuna ! Ou nous considérerons que c’est une trahison envers le Commandant Shûhei !)
-Qu’est-ce que tu…, avait commencé avant de remarquer ma présence.
Il a souri. En fait, il m’a souri. Et je ne sais pas pourquoi, j’ai un peu rougi. Qu’est-ce qui me prenais ? Ce n’était pas normal ! En-dehors de Shûhei, aucun garçon n’arrivait à me faire rougir avec un sourire. Même mon ex n’y était jamais arrivé ! J’ai essayé de le cacher mais Shûhei semblait s’en être rendu compte car il s’est positionné entre nous deux avant de continuer leur discussion :
-Tu te promènes ? a-t-il demandé à Serizawa.
-Non. Je la sors, la pauvre. Quand elle s’ennuie, elle est chiante…
-T’es en rencard, alors. Encore.
(Encore ?)
-Oh, tu me connais, Délégué. Les filles ne me…
-Yuuuki !
Shûhei s’est comme raidit en entendant cette voix féminine. Une fille était en train d’interpeller Serizawa, avec des barrettes fantaisistes dans ses cheveux, qui étaient décolorés sur quelques mèches…
-Yuki ! miaula-t-elle presque. Ne me laisse pas toute seule, enfin…
-Saki, tu es trop lente, aussi…
-Maaaais. C’est pas gentil, ce que tu me dis. Viens te faire pardonner dans un…
Elle s’est arrêtée en nous voyant. Enfin, en voyant Shûhei.
-Hé ! Le délégué de la classe de Yuki ! Heu… Shûhei, c’est ça ? Ça va ?
Shûhei n’avait pas l’air content de la voir et faisait sa tête qui faisait peur. Mais cette fille en riait.
-Wouha… Tu fais peur, Shûhei. Mais j’aime bien aussi, ce visage. Mais pas autant que l’autre, quand je t’ai goûté…
Goûté ?...
…
Mon cerveau a alors fait la connexion entre cette fille et celle qui avait embrassé mon copain. J’ai lâché mes sacs et j’ai vu rouge. J’entrais dans une fureur monstre ! Au point, d’après la tête que faisait les passants en me voyant, celle de mon copain et de Serizawa, de faire peur.
-Toiiiiii…
-Hmm ? fit-elle. Pardon, je ne faisais pas attention. Tu es ?
-C’est toi qui as embrassé mon copain !
-Yuna ! NON !
J’ai essayé de lui sauter dessus pour lui crever les yeux, comme je l’avais promis, mais Shûhei m’a retenu. Je n’avais jamais été aussi en colère contre quelqu’un. Sauf mon ex. Serizawa s’était interposé entre elle et moi, mais il lui lancé un regard du genre « Tu vois ce que t’as fait ? ».
-Désolé, a-t-il dit en se penchant pour me faire une courbette. Elle fait souvent n’importe quoi avec les garçons.
De force, il a forcé son amie à faire de même et elle s’est excusée aussi, mais je n’y croyais pas. Ou du moins, j’étais prête à y croire qu’une fois cette truie serait énuclée ! Shûhei m’a alors emmené de force, tout en disant à Serizawa qu’il le verrait en cours.
Furieuse, j’ai continué à afficher mon visage colérique jusqu’à la gare, puis dans le train et jusque devant la pension. J’ai essayé de me calmer. Vraiment ! Mais la vue de cette fille…
-Yuna… Tu es toujours en colère. Calme-toi. C’est fini, maintenant.
J’ai pris une grande inspiration puis j’ai expiré lentement… À la fin, j’ai retrouvé un semblant de calme. J’ai alors souri à mon chéri pour le rassurer.
À la place, il m’a donné un coup sur la tête.
-Mais pourquoi ! ai-je demandé confuse tout en tenant ma tête.
-Idiote ! Il se serait passé quoi, si on avait appris ça, dans ton lycée ! Tu aurais été suspendu de compétition ! Sans compter qu’on t’aurait peut-être renvoyé !
Il avait raison ! Je venais de m’en rendre compte… J’ai failli faire une énorme bêtise ! Heureusement qu’il était là pour m’arrêter ! Je n’ose pas imaginer ce qui se serait passé…
-Franchement…, a-t-il continué. Tu n’es pas du genre si colérique, pourtant. En plus, avec ta tête…
-Tu déteins sur moi, Shûhei.
-Moi !?
-Oui. Tu fais peur, quand tu entres en « mode Shûra ».
-Mode Shû-… D’où tu sors ça, encore ?
J’ai pris Shûhei dans mes bras.
-Pardon. Je voulais pas tout gâcher pour ce dernier jour.
-C’est pas grave…
Je l’ai alors regardé. Dans ses yeux, je voyais qu’il n’était plus fâché aussi. Et je le trouvais craquant aussi. J’ai aussi senti le regard de mes colocataires de la pension sur nous, malheureusement…
-Merci, Shûhei. Pour m’avoir offert un week-end de rêve.
-On a rien fait de spécial, pourtant…
-Passer du temps avec mon chéri, c’est spécial.
Je l’ai vu rougir et l’ai trouvé encore plus mignon. Je l’ai embrassé tendrement pour lui dire au revoir. Rien à faire, si les autres regardait.
-Je… vais rentrer, a-t-il dit un peu gêné après ce baiser. Je t’envoie un message plus tard.
-Oui. Bye, mon Shûhei !
Il ne marchait pas droit au début mais au fur et à mesure qu’il s’éloignait, il me fit signe de la main tout en marchant droit.
Je lui ai rendu son signe en souriant comme une idiote mais une idiote heureuse de savoir que nous avions un beau projet pour cet été. Il fallait tout faire pour qu’il se réalise et pour ça, on devait réussir nos examens.
(Il est temps de bosser dur, maintenant ! Mais avant cela…)
-ET VOUS FAÎTES QUOI, LÀ, À ME REGARDER EMBRASSER MON CHÉRI !? ai-je hurlé en passant la porte de la pension et en voyant mes voyeurs de colocataires se sauver comme des voleurs.
Annotations
Versions