Histoire parallèle : Yagihara Ryôkan

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Yagihara Ryôkan n’a jamais eu beaucoup de chance dans sa vie.

Petit déjà, les autres enfants se moquaient de lui du fait de son léger surpoids et aimaient le persécuter. Les plus cruelles étaient les filles. Si les garçons aimaient lui faire mal physiquement, les filles penchaient plus vers les moqueries ou insultes. Les choses ne changèrent guère au collège et pour affronter sa solitude, Yagihara Ryôkan ne trouva refuge que dans les études et la nourriture.

Pour ne plus revoir ses harceleurs du collège, il tenta l’examen du lycée Hoshi, qui venait à l’époque de devenir un lycée mixte, et le réussit avec brio. Là-bas, il se fit son premier vrai ami, Ueda Gon, un type lugubre en apparence, fan de mangas et tout ce qui touchait à la pop-culture en général. Toutefois, cela n’empêcha pas de se faire malmener moralement par des élèves qui n’appréciaient pas le fait que des garçons aient été admis à Hoshi. Et ce même avec l’aide de Gon et de Masauchi Takao, celui qui avait pris l’initiative que les trois seuls garçons de la classe fassent front uni. Heureusement, grâce à l’aide de la déléguée, Kinoshita Saya, la situation s’améliora au cours de l’année. Et pour sa deuxième année de lycée, deux nouveaux élèves, des garçons, avaient été transférés : Nishiyama Shûhei, arrivé en début d’année, et Serizawa Katayuki, arrivé un peu plus tard. L’un paraissait distant, mais se révélait être sympa, l’autre était effrayant, mais s’avérait… Non, lui restait effrayant.

Yagihara Ryôkan, surnommé Yagi par les autres, ne tenta pas de se lier d’amitié avec eux. Cela faisait bien longtemps qu’il avait renoncer à aller vers les gens. Involontairement ou non.

Gon lui avait conseillé de remédier à ça rapidement ou cela lui poserait des problèmes plus tard. Venant de celui rejetait autant que possible toute forme de socialisation, c’était l’hôpital qui se foutait de la charité…

Petit à petit, le petit groupe qu’ils formaient s’élargissait avec Kinoshita Saya et son amie Aoyama Saeko ou Nanahara Yuna, la petite amie de Nishiyama, et ses amies, sans compter cette fille, Tanzaki Saki.

Tanzaki Saki. Si Yagi devait la décrire en quelques mots, ce serait « provocante », « exubérante » et « sexy ». Sur le physique seul, lui, comme sans doute une armée de garçons, la trouvait à son goût. Mais Yagi, d’expérience, se méfiait d’elle…

C’était les vacances d’été et Yagi, n’ayant rien prévu, aidé ses parents dans l’épicerie du quartier qu’ils géraient. Non pas qu’ils n’appréciaient pas, mais ils lui demandèrent s’il ne préférait pas passer du temps avec ses amis. Et il aurait aimé…

Gon était occupé à finir les dernières planches du manga qu’il voulait présenter à un concours organisé par le Jump, Masauchi était pris dans ses cours de rattrapages, Nishiyama était en voyage avec sa copine, Kinoshita et Aoyama en France et Serizawa… Disons qu’il n’était pas assez proche de lui pour lui proposer quoique ce soit. Quant à Tanzaki, rien que d’y penser lui paraissait ridicule.

Ce n’était pas grave. Yagi avait l’habitude d’être seul, encore plus durant l’été…

Un soir, pourtant, il reçu la notification d’un message sur LINE. Il pensait d’abord que c’était Gon mais en ouvrant son téléphone, il vit avec stupeur que c’était Tanzaki.

Hé, Yagihara… Je m’ennuie. Tu fais quoi ?

Qu’elle lui demandait. Yagi était un peu en panique : il n’avait jamais discuté avec elle en-dehors des discussions de groupe. Ni avec aucune autre fille, d’ailleurs. Qu’est-ce qu’il aurait pu leur dire, de toute façon ?

Yagihara, t’es là ?

Yagihara !

Yagi-chan !

Ryôkan ?

Ryô-chan ?

Hé, Ryô-chan, c’est bien, ça ! Je vais t’appeler comme ça !

Ryô-chan ? T’es là ?

Tanzaki était en train de le spammer pour qu’il réponde ! Et cela avait marché…

J’allais me coucher.

Avait-il écrit. Ce qui était vrai. Il espérait que cela allait être suffisant pour qu’elle lâche l’affaire.

Dis, dis !

En vain, apparemment.

Ryô-chan ! Si on allait s’amuser ensemble ? C’est l’été ! Il faut en profiter !

S’amuser ? Dans quel sens ? Tanzaki avait une façon… particulière de « s’amuser », surtout en présence de garçons à son goût. Combien de fois Yagi l’avait vu flirter avec Nishiyama ou Serizawa ? Enfin, pour Serizawa, il avait constaté que ça allait plus loin que le flirt…

Elle était jolie, le savait et en jouait. D’ailleurs, depuis peu, elle semblait prendre un malin plaisir à le mettre mal à l’aise, comme en lui donnant une vue bien dégagée sur son décolleté quand ce n’était pas sur sa…

Tanzaki recommença à la spammer pour obtenir une réponse ! Pourquoi s’acharnait-elle à lui demander ? Elle n’avait pas des amis avec qui elle pouvait sortir ? Devant ses demandes trop insistantes, Yagi était bien tenté d’ignoré ses messages et d’enfin aller se coucher. Dans une autre vie.

Trop poli pour ignorer un message, il essaya subtilement de lui suggérer de plutôt demander à ses amis si elle avait tellement envie de sortir s’amuser.

C’est bien ce que je fais.

Avait-elle écrit.

Yagi ne trouvait pas cela drôle. Ils s’étaient à peine parlé. Ils n’étaient pas amis, de son point de vue. À peine des connaissances. Et c’était très bien ainsi…

Sentant que la conversation allait s’éterniser, Yagi, pour y couper court, lui proposa de se voir après-demain. Satisfaite, Tanzaki accepta, sortit quelques formulations forcées dans l’esprit de Yagi pour « montrer sa joie » et la discussion prit fin par un « Bonne nuit xxxx », dénué de sincérité selon le jeune homme, qui put cependant enfin aller se coucher.

Le jour du rendez-vous, la température à Tokyo semblait avoir eu envie de battre un stupide record. Yagi, en sueur, attendait, comme un idiot selon lui, Tanzaki à côté de la statue de Hachikô à Shibuya. Entre deux regards de filles de son âge qui le regardait avec un dégoût à peine dissimulé lorsqu’il essuyait son visage dégoulinant de sueur avec son mouchoir, il se convainquit qu’il était bête d’attendre quelqu’un qui ne viendrait sans doute pas. Dans sa tête, il voyait Tanzaki, bien au frais chez elle ou dans un endroit doté de l’air climatisée, se moquer de lui, seule ou avec ses amis. Il n’était là que depuis deux minutes mais décida que si elle n’était pas là dans huit, il partirait. De toute façon, ce ne serait pas sa faute. Lui était arrivé à l’heure. C’était Tanzaki qui était en retard. Enfin, pouvait-on parler de retard si la personne n’avait absolument pas prévu de venir, pensa-t-il.

-Ryô-chan !

Yagi sursauta quand cette voix familière l’interpella. Il vit Tanzaki marcher dans sa direction, dans l’une de ses tenues, légère et exagérément sexy. D’accord, il faisait chaud mais avait-elle vraiment besoin de mettre un short si court ?

-Désolée, Ryô-chan ! J’espère que tu n’as pas attendu longtemps ?

Yagi ne le montrait pas mais au fond, il avait espéré qu’elle ne vienne pas. Parce que maintenant, il ne savait pas quoi faire. Déjà qu’il n’avait jamais fait de vraie sortie avec quelqu’un, hormis aller dans une librairie avec Gon pour acheter des mangas, alors avec une fille…

-Ah ! Je meurs de chaud, fit Tanzaki en s’éventant un peu avec sa main. Allons boire quelque chose de frais avant !

Sur ces mots, elle le traîna jusqu’à un Starbucks et prirent des boissons à emporter. En marchant, Yagi remarqua les regards qui se posaient sur eux. Les hommes et les garçons fixaient surtout Tanzaki, cachant à peine ce à quoi ils pensaient. Les femmes et les filles, c’était surtout lui qu’elles fixaient. Il ne savait ce qui était le pire, entre les rires et les chuchotements qu’il devinait peu flatteur. Enfin, ceci n’était pas exclusif à la gente féminine. Yagi était certain que tout le monde riait de lui tout en ce demandant ce qu’une fille comme Tanzaki faisait avec lui. Dans le meilleur des cas…

Cela dura toute la durée de leur balade dans Shibuya jusqu’à midi, où ils se calèrent dans un McDonald pour le déjeuner. Tanzaki semblait contente de la journée qu’elle passait, pas Yagi. Fallait-il s’en étonner ?

Alors qu’il revenait des toilettes, il aperçut deux types, apparemment des étudiants, discutant avec Tanzaki à leur table. Yagi s’imaginait déjà qu’elle allait le planter ici pour partir avec eux. Du moins, c’est qu’il pensa au début, avant de remarquer son visage ennuyé. Il n’avait pas vraiment envie de s’en mêler mais son trop bon cœur ne lui permit pas de rester indifférent à la situation.

D’un pas peu assuré, il rejoignit la table et l’un des types lui lança un regard de travers :

-Tu veux quoi, le gros ? Va voir ailleurs. On est occupé !

-Vous… êtes assis à ma place, dit Yagi sans grande assurance dans sa voix.

-Ah ? Y a écrit ton nom, le gros ? Et franchement, t’as pas une meilleure excuse ? Comme si quelqu’un comme toi pouvait traîner avec une fille comme ça !

Son pote se mit à ricaner, pas Tanzaki.

-Allez, dégage et retourne t’empiffrer ou un truc comme ça, dit-il en se levant et en bousculant Yagi.

Ce dernier tituba un peu mais continua à lui faire face, tout en s’accrochant au peu de courage qu’il avait.

-Elle n’a clairement pas envie de vous parler. Vous l’ennuyez.

Le type s’énerva un peu et bouscula une nouvelle fois Yagi, un peu plus fort.

-Ah ? Non mais tu te prends pour qui, le gros ? Tu veux jouer les héros, c’est ça ? Tu espères te la faire, après ? Avec ta gueule, même en la payant, je pense pas que même elle accepterait.

D’autres clients du restaurant se mirent à chuchoter en regardant la scène, mais il ne fallait compter sur personne pour intervenir. L’autre type, mal à l’aise de voir comment la situation tournait, essaya de calmer un peu son pote mais ce dernier continua :

-Allez, maintenant, tu gicles ou je t’en colle une, le gros !

-Hé, arrête ! fit l’autre. Pas la peine d’en arriver là !

-Hein !? Mais qu’est-ce que tu baves, toi ?! Faut faire comprendre aux puceaux comme ce gros lard à rester à leur place ou bien…

Tanzaki se leva subitement de chaise puis, sans crier gare, vint donner un coup de pied bien placé dans l’entrejambe de celui qui venait d’insulter Yagi. Entre les cris de douleur du type et les cris de stupéfaction de la clientèle, elle en profita pour attraper la main de Yagi et l’entraîner dehors. Heureusement qu’ils avaient déjà payés…

Après s’être suffisamment éloigné du restaurant, Tanzaki éclata de rire en disant que donner ce coup de pied lui avait fait du bien, tandis que Yagi avait l’impression de mourir après avoir couru sous cette chaleur.

-Merci, Ryô-chan, lui dit Tanzaki après s’être un peu calmée. De m’avoir défendu là-bas.

-Oui…, fit Yagi après avoir repris son souffle.

-Franchement, ces types ! À peine tu étais parti qu’ils m’ont abordés ! En plus, ils ne me regardaient jamais dans les yeux quand ils me parlaient ! Toujours les yeux sur mes seins !

En même temps, sa tenue mettait bien avant son corps. Mais Yagi pensa, pour sa sécurité, qu’il valait mieux garder cette remarque pour lui-même.

-Et d’abord, c’était pas pour eux que je me suis habillé comme ça ! finit-elle par dire.

Il fallut un petit moment au cerveau de Yagi pour traiter l’information. Il avait un peu rougi mais il secoua vite sa tête pour se reprendre. Il était convaincu qu’elle ne parlait pas sérieusement. Comment le pourrait-elle, franchement…

-Tu… t’habilles souvent comme ça, avec les autres ?

Qu’est-ce qui lui avait pris ! Il avait posé la question sans réfléchir ! Et qu’espérait-il comme réponse, sérieusement !

Tanzaki le regardait, un peu surprise, mais bien vite, un étrange sourire se dessina sur son visage.

-Pourquoi ? Tu aimerais que je m’habille comme ça que pour toi ?

-Je n’ai pas dit ça !

-Ah bon ? Pourtant, toute la matinée, j’ai bien vu que tu ne savais pas où poser les yeux…

Yagi ne savait plus où se mettre. Évidemment qu’il avait un peu maté. Il restait un adolescent intéressé par la chose. Mais il ne se faisait pas d’illusions non plus. Regarder, c’était le mieux qu’il pouvait espérer.

Après que Tanzaki ait fini de rire, elle lui demanda :

-Ryô-chan, tu es libre aussi, cet après-midi ?

Il hésita un peu avant de lui répondre par l’affirmative. Après tout, il n’aurait pas souvent l’occasion de sortir avec une fille de sitôt. Alors, même si ce n’était qu’un petit rêve éveillé, autant en profiter jusqu’au bout…

Ce qu’il n’avait pas prévu, c’était qu’elle le traîna dans un love hotel.

Au début, il a cru qu’elle voulait le piéger ou un truc du genre et a commencé à réfléchir à un plan pour se sauver. Mais son cerveau planta quand il vit Tanzaki se déshabiller devant lui, avant d’annoncer qu’elle allait d’abord prendre une douche. Il était à présent planté au milieu de la chambre, pendant que son cerveau était en plein redémarrage.

Une fois les mises à jour effectuées et son cerveau de nouveau opérationnel, ce dernier planta une nouvelle fois lorsque Tanzaki ressortit de la salle de bain, avec juste une serviette enroulée autour d’elle.

-Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle. Vas-y, je t’attends ici.

En mode automatique, il entra dans la salle de bain et prit à son tour une douche, tout en essayant de comprendre comment ils en étaient arrivés là. Si ça se trouvait, il rêvait vraiment ! Oui, il devait être encore dans son lit, en train de faire un stupide rêve ! Ce qui expliquerait toutes ces choses bizarres ! Oui, ça ne pouvait être que ça ! Mais il fallait le vérifier ! Et quoi de mieux pour ça que de…

-Aïe !

Yagi venait de se pincer assez fort et la douleur lui confirma que ce n’était pas un rêve. Mais dans le doute, il voulut vérifier d’une autre façon et coupa un instant l’eau froide de la douche.

-AÏEUUUUH !

L’eau brûlante lui apporta l’ultime vérité : tout ceci était bien réel. Pour lui, tout cela restait surréaliste.

En ressortant de la salle de bain avec sa serviette autour de la taille, il s’attendait à ce que Tanzaki soit partie. Au passage, il était content d’avoir pris ses vêtements avec lui, au cas où elle se serait sauvée avec, pour rire en l’humiliant. Mais non. Elle était bien là, assise sur le lit, les cheveux ayant bien séchés. En le voyant, elle lui sourit et l’invita à la rejoindre.

Ce qui était arrivé lui parut flou. Avait-il toujours du mal à le croire ? Ou son cerveau faisait une sorte de blocage pour accepter cette situation ? Il se souvenait des gémissements, de la moiteur de son corps, de l’agréable sensation qu’il avait ressentie…

Il fixait le plafond de la chambre, allongé sur le lit, Tanzaki nue allongée à côté de lui… Il l’avait fait. Il avait couché avec une fille. Lui qui pensait que cela n’arriverait jamais. Bon, ça n’avait pas duré longtemps mais il l’avait fait.

Tanzaki se redressa alors. Il devait bien s’imaginer qu’elle n’était pas satisfaite mais en même temps, qu’espérait-elle d’un débutant ?

-Encore ? demanda-t-elle avec le sourire.

-Hein ?!

Yagi ne s’attendait pas à ça : une fois était déjà improbable alors deux ! N’écoutant alors que ses instincts primaires, il hocha la tête et ils recommencèrent…

Cette nuit, chez lui, dans son propre lit, Yagi repensa à cette journée. Il avait vraiment perdu sa virginité. Pas avec une fille qu’il aimait, certes, mais de son point de vue, c’était une forme d’exploit. Et puis, il s’imaginait bien que Tanzaki devait avoir d’autres partenaires. Lui n’était que là qu’au bon moment pour elle. C’était agréable mais c’était fini.

Avant de s’endormir, il reçut un message de Tanzaki :

Merci pour cette journée, Ryô-chan ! J’espère qu’on se referra ce genre de sortie, rien que tous les deux.

Yagi soupira. Au moins, elle s’était amusée.

J’espère aussi que tu voudras bien le refaire avec moi <3 xxxx

Le cerveau de Yagi planta dû à une erreur système et dut redémarrer avant qu’il n’aille se coucher.

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