Londres [3/5]

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La nuit, déjà bien avancée, nous décidons, Daniel, William, Simon et moi, d'aller nous ressourcer au Heaven, club branché près de Trafalgar Square. Le couple d'architecte est de notoriété auprès des organisateurs et patrons des nuits londoniennes. Il a son entrée garantie en ce genre d'endroit. Simon est tout aussi connu dans ces soirées et mon nom est vaguement familier bien que cela fasse une éternité que je n'ai pas mis les pieds dans une discothèque à Londres. Je salue les patrons, ainsi que les videurs à l'entrée et nous pénétrons au son de Georges Benson. Comme mes dernières nuits dévastatrices sont à des milliers années-lumière, je me sens vieux face à cette nouvelle clientèle qui a étrangement rajeunie. Mon ami d'enfance, fidèle à lui-même, est à son aise. Heureux que son compatriote soit de la partie.

De vieux amis à Daniel et William se joignent à notre table, bien positionnés en VIP. Deux femmes d'origines asiatiques apparaissent aux bras de Simon et Daniel lorsqu'ils se sont relevés pour saluer quelques amis. Je suis tellement désorienté que j'enchaîne les verres d'alcool. Notre couple d'amis finit par prendre congé pour rejoindre des collègues de travail, alors qu'une des deux femmes prend place à mes côtés pour discuter. Elle est japonaise avec un très joli visage, une poitrine énorme et une robe si serrée que je n'ai nul besoin d'avoir recours à mon imagination pour connaître les moindres courbes ou imperfections de son corps. Bien qu'elle ne soit pas une lumière, je me mets à converser avec elle. Ce soir je m'en contente.

L'alcool, atteignant son paroxysme de la décadence, nous laisse nous rapprocher sur le canapé. Elle finit par danser devant moi et se frotter contre mon corps. Pris au dépourvu, elle me fourre sa langue dans ma bouche et plaque mes mains sur ses fesses. Je sens une tape sur mon épaule. Simon de son côté, se fait carrément masturber par son amie. Je souris. Discrètement, il me passe un préservatif. Je prends soin de l'enfouir dans ma poche.

Elle me saisit la main pour m'entraîner dans les toilettes des hommes. Me poussant dans le second cabinet et ferme la porte derrière elle. Pris dans son jeu, je n'ai que pour choix d'accepter les gâteries qu'elle m'administre, avant de poursuivre une baise torride sur une chiotte délabrée puant la pisse. Elle me fait tout ce que je veux et je la prends dans toutes les positions possibles. J'entends Simon dans une autre toilette.

Quand on en sort, celui-ci remercie sa partenaire en l'embrassant sur la joue. Quant à moi, je dévisage la mienne tandis que je remonte ma braguette, juste avant qu'elle ne me lance un — Merci. Tu peux partir maintenant.

— Qu'est-ce que tu fous ? Tu veux son numéro ? ricane Simon en me mettant une claque derrière la tête.

— J'attendais son remerciement. Je ne sais pas si tu as différencié nos deux situations, mais c'est toi qui as remercié ta partenaire. Alors que moi, c'est elle. Vois-tu le degré d'expérience entre toi et moi ? ricané-je insolent.

— Oui mais la tienne a moins crié, essaye-t-il de rétorquer.

— Qui te dit que je ne l'ai pas empêché ?

— Bon, arrête tu m'excites, motherfucker.

J'éclate de rire. Son bras autour de mon cou, nous reprenons la direction de la table. Il feinte de m'étrangler en resserrant l'étreinte, comme pour jouer avec moi.

Nous ricanons comme ces deux gosses qui avaient balancé, à coups de lance-pierres, des billes sur les carreaux du voisin qui détestait les mioches du quartier. Comme ces deux adolescents qui avaient empêché, de façon révoltante, Tommy Bradford de s'envoyer la bombe du Collège. Comme ces deux londoniens, débarquant à Paris, qui avaient mis la moitié des jeunes de la capitale française à leurs pieds. Aujourd'hui encore, nous nous comprenons avec le même regard, le même jeu stupide, la même amitié, les mêmes émotions, fiers et enfantins.

— On finit la bouteille ? sortis-je.

— Je veux, oui.

Nous passons la majeure partie de la journée du lendemain à la galerie. Le marché de l'art londonien a dû être mis au courant de mon retour. Nous sommes débordés de demandes et de visites. Calfeutré dans mon bureau, je passe la fin de journée à travailler sur les innombrables comptes budgétaires, à appeler certains collectionneurs et musées du pays, confirmant les soldes de chacun pendant que Simon est en pleine négociation de vente. J'ai un certain regret d'avoir laissé la journée à Hannah.

Le soir, nous nous rendons chez Betsy et Paul sur Covent Garden. Betsy, ne supportant pas la mollesse, règle tout comme une horloge suisse : l'apéritif, le plat, le dessert, le café et même le temps de la clope. Pour éviter de se faire engueuler, on fonce en groupe de trois pour fumer aussi rapidement que si on avait l'envie pressante de pisser. La peur au ventre de nous faire tirer les oreilles pour notre fâcheuse attirance d'intoxication pulmonaire. Paul, quant à lui, cuisine tellement bien que nous repartons toujours rassasiés et heureux de notre soirée.

En partant aux toilettes, le couloir donnant sur la cuisine, je distingue deux voix dans une conversation animée entre Simon et Betsy, sans discerner le sujet véritable de leurs chuchotements.

— Arrête Betsy, tu as dit que tu acceptais.

— J'ai dit que je voulais bien essayer.

— Tu as lancé la première carte de la partie que je sache !

— Non, j'ai suivi la sienne. Que pouvais-je faire d'autre ?

— Rien, c'est bien ce que je te dis. C'est à moi de m'en occuper, d'accord ?

— Il n'est pas encore prêt !

— Il le sera. Laisse- moi faire s'il te plaît Beth.

— Mais...

— James ? dit Paul derrière moi en me faisant sursauter. Je peux aller aux toilettes ?

— Euh oui, oui, lui réponds-je en sentant soudainement ma vessie se remplir davantage.

Betsy sort de la cuisine. Simon sur ses pas, une bouteille de rouge à la main. Il me sourit comme un père qui veille sur son enfant.

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