Judas [2/4]
— Putain ! Qu'est-ce qui s'est passé ici ? s'égosille-t-il en essayant de couvrir de sa voix la musique du club.
Comme personne ne répond, la tête encore dans la scène qui vient de se finir, il s'approche de Charlie pour tenter de la relever. Celle-ci s'agrippe déjà à Sasha. Iban prend, alors, la parole :
— On vient d'arriver. Apparemment, le type, là, a insisté un peu trop fort avec Charlie et James s'est mis en tête de le raisonner. Puis... bon... tu connais la suite hein.
— Qu'est-ce que tu foutais avec ce connard de Manu, Lily ? sermonne-t-il à Charlie.
J'écoute d'une oreille Bastien la réprimander. Elle a l'air déboussolée et sa réponse reste inaudible.
— Tu as trop bu. Assieds-toi, je t'amène un verre d'eau, dit-il d'une voix douce, avant de se tourner vers moi. Vous allez bien ?
— Ça va merci, lui réponds-je encore énervé.
Il ordonne aux videurs de virer ce sale pervers, qui lui, essaye de se défendre, sa bouche gonflée et son arcade ouverte. Ils ne sont pas plus tendres en le sortant du Carmen que moi il y a deux minutes.
Je me dirige vers les toilettes des hommes pour me rincer le visage. J'ai complètement perdu les pédales et pourtant j'ai agi avec ma spontanéité. Elle aurait été une parfaite inconnue, je n'aurais pas hésité non plus à m'interposer. Mais, l'excès de rage, sûrement dû à la fatigue et aux multiples migraines qui me prennent ces derniers temps, me bouleverse. Rares sont les fois où je m'emporte de la sorte.
Lorsque je passe la porte des W.C, je me retrouve face à face avec mes amis. Sasha tient à me soigner tandis que William se précipite pour aller me chercher un verre d'eau. Daniel, croyant que je suis un môme tombé à vélo, me récite des citations positives afin de faire sortir le mal qui me ronge, selon ses dires. Paroles qui n'ont aucun effet sur moi. Ça m'exaspère encore plus. Le seul à qui je veux parler n'est pas repérable à vue d'œil. Et d'ailleurs, mon meilleur ami est porté disparu depuis sa controverse non-verbale avec Charlie. Willy me signale qu'il est parti en charmante compagnie.
Sentant que j'ai besoin d'air, je prends la sortie et appelle Simon sur son téléphone mais je tombe sur sa messagerie.
Une main se pose sur mon épaule. Je fais volte-face, prêt à me défendre mais je trouve Bastien, les mains en l'air, cigarette à la bouche.
— Vous en voulez une ? me propose-t-il aimablement.
— Je veux bien, merci, réponds-je posément.
— Merci pour ce que vous avez fait pour elle.
— C'était à son petit ami de le faire, dis-je en tirant une taffe.
— Ouais, mais elle n'en a pas. En tout cas, pas en ma connaissance.
— Comment vous vous connaissez, alors ? tenté-je d'en apprendre davantage.
— Nous étions à la Sorbonne ensemble. Mon frère fréquentait sa copine. Et nous sommes sortis ensemble pendant deux ans. Au fait, vous ne seriez pas anglais, par hasard ?
— Si.
— C'est vous qu'elle a embrassé l'année dernière lors de son séjour à Londres ? » me balance-t-il d'un ton plus brusque.
Charlie est allé à Londres ?
— Non, rétorqué-je froidement. Je n'ai jamais vu Mademoiselle Mahé là-bas.
— Ah d'accord..., laisse-t-il en suspens. Il y a quelque chose entre elle et vous, pas vrai ?
— Qu'est-ce que ça peut vous faire ?
— Je sais ce que c'est d'être avec Charlie.
Je me tais et tire une sixième fois sur ma cigarette.
— Vous faites quoi en-dehors de l'enseignement, s'intéresse-t-il.
— Je suis expert en œuvre d'art et galeriste à Londres, dis-je, content de changer de conversation.
— Waouh ! Dans quel quartier de Londres ?
— Soho.
— Vous êtes bien installés ! De quelle galerie s'agit-il ?
— La Smith Art Gallery.
Il se laisse un temps pour recracher sa fumée par le nez. Les sourcils froncés, il me regarde droit dans les yeux avant de me dire :
— Cette galerie me rappelle quelque chose, c'est bizarre... J'en ai déjà entendu parler... Ah oui ! C'est là-bas que travaillait...
— Bastien ? le coupe un petit gros un peu trop serré dans sa chemise. Ton oncle vient d'arriver.
— J'arrive. Le patron me demande, me dit-il avant d'écraser sa cigarette.
— Ton oncle est le patron de ce club ?
— Oui. Ça fait des années qu'il l'a ouvert.
— Sans indiscrétion. Qu'a-t-il fait comme études ton oncle ?
— Oh rien à voir avec ce qu'il fait ! Il a fait l'IESA. Pourquoi ?
— Non pour rien, lui dis-je en pensant à Simon. Merci pour la cigarette.
— De rien. À plus ! lâche-t-il avant de partir.
Que Simon connaisse le patron du club, ça ne me surprend pas. Mais que ce même patron ne soit autre que l'oncle de l'ex petit ami de Charlie. Soit les signes du destin me jouent vraiment un mauvais tour, soit c'est Simon.
Je pars retrouver Sasha me plaignant d'un mal de crâne, puis m'excuse pour ma façon d'agir : je vais rentrer. Elle m'a crié :
— Mais qu'est-ce qui vous arrive à vous deux, Simon et toi, ce soir ?
Sur la route du retour, je reçois un message de Simon m'annonçant qu'il ne fallait pas l'attendre pour cette nuit. Je l'appelle directement après avoir reçu son SMS mais sa messagerie me demande de rappeler ultérieurement.
Quelque chose se trame. Mon instinct le pressent. Que me caches-tu Simon ?
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