https://www.youtube.com/watch?v=mELMUH6niPk

Voilà quelque temps que je regarde dans le vague autour du radiateur en fonte, du mur blanc. Ma pensée est devenue un petit objet léger, inerte, qui a déjà parcouru une longue distance au gré du vent, de ce vent dont je rêve depuis tout à l’heure les départs blancs, sonores, prismatiques.

Dans le ciel, une longue caravane de nuages.

Je suis soumis à la naissance et à la mort de mille atmosphères, de mille luminosités. J’appareille pour mille voyages.

Le vent souffle de manière continue, paresseusement. L’air qu’il déplace est chaud ; cette chaleur donne à son mouvement quelque chose de l’endurance gracieuse avec laquelle une vieille femme tresse un panier d’osier dans le soleil, devant une modeste cahute (à l’intérieur, peut-être, un enfant dort).

Dans l’espace où voltige ma pensée selon le vent de l’imagination, quelquefois des formes se dessinent, quelquefois non. Ce sont des paysages que je ne peux pas discerner, parce que j’y suis moi-même une montagne, une vallée, un cours d’eau.

Un belvédère. En contrebas, une combe, une forêt. Au loin, au-delà, une plaine qui s’étend. Un détail y accroche mon regard, tout à coup je suis dans la plaine. Je reviens, un coup de vent fait entrer la plaine dans la forêt.

⁂

Plus tard, à la fin de la journée, le vent s’est calmé. Le soleil est descendu à l’horizon, sous les nuages alentis. Sur le mur blanc, le radiateur en fonte, des ombres filiformes tanguent doucement au sein d’un cadre de lumière dorée. Les colonnes de fonte dans cette lumière prennent un air sculptural.

Massive, dans le cadre, mon ombre. Je la regarde : elle semble m'observer en retour. Elle est simple, précise, univoque. Je me demande à quoi ressemble son monde, derrière la fenêtre.