Quelques explications
Réponses à Jérôme Bolt (commentaire sous le 2e chapitre de l'histoire)
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Certaines de tes questions ont leur réponse dans le texte même, mais sans doute est-ce trop implicite. C’est difficile de se mettre à la place du lecteur quand est l’auteur… Des choses qui paraissent évidentes à l’auteur ne le sont en fait pas du tout pour le lecteur !
C'est pourquoi je vais tenter de répondre à tes annotations, probablement dans le désordre. Ce texte permettra peut-être d’éclairer d’autres lecteurs par la suite. (Par contre je ne pensais pas mettre autant de temps à tout rédiger ! -_-")
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L'histoire est volontairement courte, elle n'a pas vocation à devenir un roman. D’où un déroulement rapide.
À la base, l'héroïne était beaucoup plus jeune, mais les lois interdisent de publier une histoire parlant de viol sur mineure. J'ai donc dû ajouter des indications d'âge plus précises. C'est volontaire de ne pas trop préciser l'époque, le pays, etc, car le sujet n'est pas directement lié à cela. Le viol appartient hélas à la quasi-totalité des cultures, des pays et des époques. Les seules indications d’époque sont en effet les braies et quelques autres termes, mais j’ai estimé qu’il n’y avait pas besoin de plus. À l’origine, l’histoire devait carrément se dérouler sur une autre planète, mais je me suis rendue compte après coup que ça n’avait aucun intérêt et n’apportait strictement rien à l’histoire finale.
Le regard torve : c’est parce que Jervis vient de soupirer. L’héroïne se demande pourquoi il soupire. Elle aurait tout à fait pu lui lancer d’autres types de regard, j’en ai testé plusieurs, mais ce terme est assez peu usité et il me plaisait. Et puis, il sied au caractère frondeur de notre héroïne.
Comment l’héroïne sait que le ruban sent la fille : c’est un lieu commun dans beaucoup d’oeuvres que les filles sentent bon le parfum, et même dans la vie réelle ! Une fille, une femme, ne sont pas censées sentir la sueur ou autre, il n’y a qu’à voir l’incroyable quantité de produits parfumés que tente de nous vendre le marketing de nos jours ! Bon il est vrai qu'à une époque plus ancienne, les odeurs corporelles n'étaient pas chassées comme aujourd'hui... J’avais aussi vu ça dans un manga dont j’ai totalement oublié le nom : le jeune héros reniflait un bout de tissu piqué à l’héroïne et s’exclamait d’un air dégoûté « Beuh ! Ça pue la fille ! ». J’avoue m’être posé la même question que toi, car dans ce manga, le garçon avait vécu toute son enfance et le début de l’adolescence sans aucune fille autour de lui, et n’avait rencontré l’héroïne, son tout premier humain de sexe féminin, que quelques jours auparavant. Comment pouvait-il savoir en si peu de temps comment sentait une fille sans l’avoir reniflée !
Lannilis fait partie de ces filles conditionnées pour plaire aux garçons afin de trouver un mari au plus vite : elle doit donc sentir bon, elle doit se parfumer, il ne faudrait pas que des odeurs corporelles humaines viennent interférer. C’est très caricatural, légèrement humoristique. Je trouve que son nom fait sophistiqué, elle est sûrement la fille d’une des familles les plus aisées du village. Cela est implicite dans son usage de parfum et ses robes. Je devais initialement écrire tout un passage sur cette jeune fille, il y avait peut-être même une histoire de leçons de piano, mais c'était bancal et je l'ai supprimé depuis longemps. Si je me souviens bien, je crois que la mère de notre héroïne travaillait chez la famille de Lannilis, je ne sais plus à quel poste...
Concernant les jupons : je ne me souviens plus de quelle époque j’ai tiré cet habillement ! Les femmes plus riches portaient plusieurs jupons supplémentaires. Et l’hiver, même les paysannes portaient plusieurs jupons pour se tenir chaud. Mais, notre héroïne est-elle vraiment une paysanne ? On sait qu’elle vit dans un village, cependant rien n’est dit sur la richesse de sa famille, le travail de son beau-père… Elle n’est certainement pas une noble ni une riche, puisqu’il n’y a pas de serviteurs dans sa famille, mais c’est tout ce que l’on sait.
L’âge d’être mariée, l’âge d’être violée. Bon, comme dit plus haut dans mon long discours, c’est une question de lois en France et ailleurs. Je ne vais pas publier une histoire de viol sur mineure ! Même si il n’y a hélas pas d’âge pour cette ignominie...
Nous autres adolescents : ce n’est pas tant qu’elle fasse à nouveau partie d’un groupe d’amis, il s’agit des adolescents du village en général, en comparaison aux enfants et aux adultes. Et, non, pas de précision sur le fait que ses camarades soient d’une école ou du village, car cela… n’a pas la moindre importance dans l’histoire ! Peut-être n’y a-t-il même pas d’école.
La séduction, la sexualité, pourquoi notre héroïne apprend finalement la féminité.
Une de ses sœurs est mortes en couches, donc à cause d’une sexualité (imposée ou non, ça ne change rien), ses deux autres sœurs ont disparu après qu’elle ait surpris son beau-père tenter de les séduire. Clairement, ça ne donne pas envie d’en passer par la séduction et la sexualité !
Ensuite, notre héroïne n’a pas envie de devenir adulte. Même à quatorze ans, elle persiste dans ses comportements enfantins. Peut-être aussi est-ce à cause de ce qui est arrivé à ses sœurs : confusément, elle associe l’âge adulte au danger de disparaître… Cependant, ce n’est pas le cas de ses camarades et elle finit par se retrouver toute seule. Peut-être aussi a-t-elle un faible pour Jervis, au vu de sa réaction lorsque celui-ci lui est en quelque sorte « volé » par une fille qui est tout son opposé et qu’elle déteste ! Et puis, le temps et la biologie la rattrape et dès lors le seul choix qu’il lui reste est la façon dont elle prend les choses. Soit elle subit, soit elle accepte. Étant donné son caractère, elle se lance à corps perdu dans l’apprentissage de la féminité. Elle a aussi ce besoin de se sentir supérieure aux autres, et ce n’est pas en restant en arrière qu’elle y parviendra. Ce n’est pas un très bon trait de caractère, je le crains – plutôt un problème psychologique – mais c’est ce qui la fait avancer.
Les bras qui perdent la rondeur de l’enfance : les enfants ont des bras d’une forme légèrement différente de celle des adultes, en général. Pareil pour les mollets et les cuisses. Ce n’est pas flagrant, et ce n’est pas non plus chez tous les enfants. Le fait de n’avoir pas remarqué plus tôt ces changements, c’est simple. Filles ou garçons, la puberté est progressive. On ne se réveille pas d’un coup un matin qui avec des seins, qui avec du poil au menton ! De plus, la puberté progresse à une vitesse différente chez chacun. À quatorze ans, une de mes copines faisait du 95B, tandis que j’étais plate comme une planche à pain ! Et puis, il peut y avoir une part de déni, aussi. Pour notre héroïne, c’est se rapprocher de l’âge adulte, et du danger qui se rappelle à elle au moment où elle se rend enfin compte de son corps d’adulte… de même que son haïssable beau-père !
Pourquoi le beau-père s’est tenu calme : il se tient surtout à carreaux, oui ! À la fin de la première partie, il s’est mal comporté suite à la disparition de la troisième sœur, a mal traité notre héroïne, et la mère l’a baffé et quitté la maison, un vrai camouflet pour son ego de mâle ! De plus, il ne s’est « occupé » des trois premières filles que lorsqu’elles étaient adultes. Il n’a pas de goût pour les fillettes (il est déjà assez répugnant comme ça), aussi attend-il que notre héroïne grandisse.
« Dès lors, je compris tout. » Sa naïveté n’est-elle pas attendue ? Comment aurait-elle pu réellement accepter que son beau-père soit homme à ça ? Il est probable qu’elle ait occulté, consciemment ou non, les indices. Je dois hélas avouer que j’ai subi diverses agressions de la part de mâles humains, tout au long de ma vie. Je ne sais que trop bien à quel point il est facile d’ignorer un signe pourtant clair de problèmes à venir, et même de douloureuses expériences passées ne permettent pas forcément d’affronter les choses et de réagir à temps. Parfois l’on se refuse à interpréter le puzzle tant qu’il n’est pas totalement assemblé, et alors il est trop tard...
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Je vais terminer ce long laïus par la genèse de l’histoire.
À la base, il s’agissait de la combinaison d’éléments d’un rêve assez décousu (j’ai des rêves fertiles , étranges et précis, et beaucoup de mes histoires et poèmes en sont issus). Il n’y avait pas forcément de beau-père malsain – en vérité, je ne sais plus, car j’ai rédigé le premier jet de cette histoire voici des années – ce qui était certain, c’est qu’au moins deux des sœurs avaient quitté le village (hé oui, à la base, la sœur numéro deux n’était pas juste disparue, et la troisième partait simplement la retrouver dans la ville où elle avait élu domicile !). Notre héroïne partait en douce les rejoindre, la sœur numéro trois lui ayant laissé quelques indices. Dans mon rêve, la monture sur laquelle part la jeune fille n’était pas un cheval ; sans doute n’était-ce même pas la terre, malgré une population humaine. Une fois à la ville, il y avait mention dans mon rêve de voyages spatiaux, je crois que l’héroïne rêvait de partir dans l’espace et de visiter d’autres mondes colonisés… En réfléchissant à comment je pourrais rédiger tout cela, je me suis aperçue qu’une fois que la jeune fille retrouvait ses sœurs, je n’avais aucune idée de ce qu’il pourrait arriver par la suite… Rien, nada, nothing !
Le thème du viol me tenant à cœur pour raisons personnelles – précédemment mentionnées – et puis ça justifiait le départ en douce des soeurs ! Car aucune n'était partie avec la bénédicion de la famille et du village - j’ai fini par ne rédiger que la première partie du rêve, et arrêter l'histoire lorsque notre jeune fille s’en va, blessée mais désireuse de vivre. J’ai rajouté tout ce long passage sur l’apprentissage de la féminité, qui n’existait pas du tout à l’origine, pour expliquer un peu plus son évolution, et pour aussi faire passer le temps interne à l'histoire entre le début et la fin !
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