03. Une ministre bien culottée

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Ysée

Cela n’a rien de personnel, ce n’est pas moi qu’il attaque quand il critique l’organisation, il ne faut pas que je m’énerve.

— Non, le spectacle des Grâces Celtiques n’aura pas lieu au Palais mais au sein de notre salle de concert. Vu leur talent, si on ne leur donne pas les meilleures conditions, aucun autre artiste ne viendra ! Il faut juste un peu de jugeote pour comprendre ça quand même !

Raté, je n’ai pas réussi à garder mon calme et je me suis emportée, ce qui fait que désormais, tout le monde se tait dans la salle de conférence où nous sommes réunis pour préparer ce premier concert avec des stars internationales depuis notre révolution. C’est primordial de le réussir car c’est une étape de plus sur le chemin de notre retour sur la scène internationale. C’est mon rôle en tant que Ministre de la Culture d’y arriver, je me moque de ce que le chargé de mission de la Présidence peut dire. Notre dirigeante bien aimée veut participer ? Elle viendra à la salle de concert ou ira regarder un reportage à la télé si ça ne lui convient pas !

— La salle de concert ne peut pas accueillir des membres du Gouvernement en toute sécurité. Doit-on vous rappeler la situation du pays il y a quelques années ? C’est trop risqué. Et puis, le Palais est le symbole même de notre culture, ouvrir ses portes est une fierté !

Je soupire car je sens que nous sommes partis pour des heures de réunion, à ce rythme là. Finalement, j’aurais dû être encore plus virulente pour qu’il n’ose même pas me répondre. Mais un nouvel imprévu vient perturber la réunion. La porte s’ouvre en grand et c’est celle dont nous parlons depuis quelques instants elle-même qui fait son apparition. Il ne manquait plus que ça !

— Madame la Présidente, la salué-je en me levant.

— Asseyez-vous, ma p’tite, asseyez-vous, soupire-t-elle en se laissant tomber sur son fauteuil. Alors, quand est-ce qu’on fait la fête ?

“Ma p’tite” ? Je fais bien une tête de plus qu'elle ! Quitte à employer des surnoms, elle pourrait au moins bien les choisir !

— La fête ? Si votre assistant arrête de me mettre des bâtons dans les roues, dans quinze jours, les Grâces seront là. Mais vu comme c’est parti, on en a pour des années avant que ça ne soit possible !

— Qu’est-ce qui pose problème, au juste ? me demande-t-elle en jetant un regard las en direction de son assistant. Il va bien falloir entériner les choses à un moment donné. Arrêtez de vous piocher le nez comme des gamins, bon sang !

— Il se pose le problème que votre Ministre de la Culture se préoccupe de votre sécurité comme de sa première petite culotte ! C'est bien une femme, tiens !

Mon sang ne fait qu'un tour et je me lève et l’empoigne par le col de sa chemise.

— Je te jure que tu as intérêt à retirer ce que tu viens de dire, Petit Con, ou je te la fais manger, cette petite culotte !

— Hé, on se calme, la Furie, rit-il nerveusement. Je veux juste faire comprendre à la Présidente l’importance de sa sécurité. Et vous ne m’aidez absolument pas.

Je suis à deux doigts d’enlever mon sous-vêtement pour lui foutre dans la bouche mais je me retiens en voyant l’air contrarié de la Présidente. Je lève les yeux au ciel et vais me rasseoir. Je prends le temps d’absorber un peu d’eau avant d’énoncer doucement mais fermement :

— Le concert se fera dans la salle de concert rénovée ou ne se fera pas. Je ne serai pas la Ministre qui a accueilli les Grâces Celtiques dans une salle à peine digne de faire passer de la musique de supermarché. Que ce soit au sein du Palais, ça ne change rien pour moi. Je mets en jeu ma démission sur cette affaire, Madame la Présidente.

— Vraiment ? me lance-t-elle, le visage grave. Tout ça pour une salle ? Vous voulez lâcher votre pays pour un caprice ?

— Si vous voulez tout diriger sans vous occuper de vos ministres, faites-le. Je retournerai à mes cours de musique traditionnelle et à l’apprentissage de la Harpe, grommelé-je.

Purée, j’abuse, je crois, mais je suis dans une rage folle. Entre l’assistant qui me traite comme une moins que rien et la Présidente qui me reproche d’avoir envie de bien faire mon travail, je suis à bout. Et peut-être que bientôt, avec toutes ces histoires, je n’aurai plus assez d’argent pour acheter une nouvelle culotte si je cède à mes pulsions et lui fous dans la tronche.

— Je vois, sourit la Présidente. Gardez un peu de forces pour convaincre la cheffe de la sécurité, Ysée. Je valide pour la salle de concert, et j’ai vraiment hâte d’y être. Mais, par pitié, gardez votre culotte.

— Non mais, il mérite de la bouffer, commencé-je avant de m’interrompre, réalisant qu’elle vient de valider l’objet de ma colère. Vous validez la salle de concert ? Vraiment ?

— Mais, Marina, on ne peut pas vous mettre en danger comme ça ! Julia va me tuer si j’accepte ça ! Je fais comment moi entre elle et la Furie que vous avez choisie pour représenter la Culture ?

S’il continue, Julia n’aura plus rien à tuer quand j’en aurai fini avec lui. Je serre les poings et prends une grande respiration.

— Pourquoi elle n’est pas à cette réunion, d’ailleurs ? Vous pensiez que juste parce que vous avez une paire de couilles avec un manche au milieu j’allais céder et qu’on n’avait pas besoin d’elle ?

— Croyez-moi, j’aurais préféré qu’elle soit là pour étouffer vos idées loufoques ! Vous croyez vraiment qu’elle sera d’accord parce que vous avez des seins et moi des couilles ? Vous êtes bien…

— J’ai un cerveau au-dessus des seins, Abruti ! m’exclamé-je. Tu le saurais si tu levais la tête un peu de mon décolleté ! La sécurité, on peut l’assurer à la salle de concert ! Il suffit d’en parler avec la responsable !

— Ysée ! pouffe la Présidente. On se calme, voyons. Elle ne devrait plus tarder, on va définitivement régler ce problème. J’aimerais vraiment que vous apaisiez un peu les tensions, tous les deux. Vous devriez songer à régler ça dans un lit !

Je manque de m’étrangler en l’entendant proposer cette solution. Moi ? Coucher avec Tybalt ? Mais elle est folle ou quoi ? En plus, depuis qu’il a pris ses fonctions auprès d’elle, il ne met plus d’uniforme. Aucune chance pour que je le laisse tremper sa mouillette !

— Je ne fais pas dans la saucissonnette, Madame la Présidente, répliqué-je sans regarder l’assistant.

— La saucissonnette ? s’esclaffe-t-elle. Est-ce que je vous ai déjà dit à quel point je vous adorais ? Vous êtes tellement rafraîchissante et passionnée que si j’avais vingt ans de moins et une attirance certaine pour les femmes, c’est moi qui vous collerais dans mon lit !

Alors que Tybalt ne sait plus où se mettre, moi, j’éclate de rire. Et franchement, si elle avait vingt ans de moins, ça ne me déplairait pas de me dévergonder avec elle. Bref, Julia débarque enfin et, vu son air perplexe, elle se demande ce qui provoque mon hilarité.

— Pourquoi les réunions ne sont pas aussi agréables quand je suis là ? Moi aussi, j’ai envie de rire !

— Ne comptez pas sur cette réunion pour rire, bougonne le seul homme de la pièce en se renfrognant.

— C’est loin d’être aussi agréable qu’il n’y parait, indiqué-je à la jeune femme qui vient s’asseoir aux côtés de la Présidente. Il semblerait que je veuille mettre en danger notre cheffe juste parce que je veux faire un concert dans une salle de concert. Quelle folie, n’est-ce pas ? Et Monsieur pensait me faire changer d’avis en jouant sur sa force brute ou sa légitimité de mâle frustré avec sa saucissonnette.

— Quelle salle de concert ? Pourquoi est-ce que l’événement n’a pas lieu au Palais ?

— Parce que l’acoustique de ma résidence, selon Ysée, est juste digne pour de la musique de supermaché, Julia. Tu imagines si mon prédécesseur était toujours là pour entendre ça ? Bref, la question n’est plus là, j’ai validé l’idée de la salle de concert, ajoute-t-elle à mon grand soulagement. Il faut juste trouver une solution pour ne pas que je finisse ma carrière touchée par la grâce des Grâces.

— Bon sang, vous allez finir par me financer mes couleurs, vous me filez des cheveux blancs, Marina, marmonne Julia. Comment voulez-vous qu’on assure votre sécurité dans un lieu si confiné ? Ce n’est pas sérieux ! Ysée, je veux bien entendre que l’acoustique ne soit pas folle, même si je n’y connais rien, mais… Merde, on parle de la vie de la Présidente, quand même.

— Elle n’a qu’à reprendre son costume de Gitane et personne ne la reconnaîtra, lancé-je. Franchement, si on veut que la Silvanie retrouve sa place, on doit tous y mettre du nôtre. Et il paraît que vous êtes la meilleure des gardes du corps, la solution, ça doit se trouver, non ?

— La flatterie n’y changera rien, et on n’est pas dans un jeu, là, Ysée. Avec les menaces qui planent, ce n’est vraiment pas judicieux. Je n’ai aucune envie de me prendre une balle pendant que vous danserez sur vos petites musiques dans une acoustique parfaite, moi. J’aimerais éviter que mes enfants se retrouvent sans mère.

Tybalt ne peut retenir un petit gloussement de plaisir et de satisfaction et je fais mine de me lever en portant mes mains sous ma robe pour enlever ma culotte, ce qui a le mérite de le calmer immédiatement. Si mes yeux pouvaient lancer des décharges électriques, il serait déjà en train de rôtir, le pauvre type.

— Julia, je te fais confiance pour trouver une solution. Je comprends que je serais plus en sécurité au Palais, mais à chaque fois que je recule et que je fais une concession pour ma protection, c’est la démocratie dans sa totalité qui recule. Ta réticence est normale mais réfléchis à la situation avec ton équipe. Fais le maximum possible, le reste importe peu. Ce n’est pas ma mort qui changera quelque chose au pays. Le fait d’être là où je suis, c’est déjà ce qui a tout changé. Alors, si je dois finir sans voir mes petits-enfants grandir, ce n’est pas très grave. J’ai déjà vécu plein de vies, il ne peut plus rien m’arriver. Je peux compter sur toi ?

— Ai-je vraiment le choix ? Je vous préviens, toutes les deux, je plie pour la salle, mais vous avez intérêt à respecter les consignes pour la sécurité. Et ça inclut la fouille de toute personne qui entre, staff de vos stars aussi, Ysée.

— Tant que ce n’est pas Tybalt qui met ses sales pattes sur nous, ça me convient, rétorqué-je alors que la Présidente éclate de rire en voyant la tête de son assistant, rouge de colère.

— Promis, il ne sera pas sur la liste, mais j’ai deux ou trois beaux spécimens qui pourraient, en revanche, vous intéresser, me lance Julia avec un sourire en coin.

Mince, je me suis fait une réputation de charmeuse de mecs en uniformes, on dirait. Cela m’apprendra à céder à mes envies plutôt que me contenter de profiter de mes jouets. Je rougis un peu mais ce qui compte, c’est que j’ai gagné. Nous allons accueillir les Grâces Celtiques dans une salle digne de ce nom. La Silvanie saura leur faire honneur et je crois que Julia saura prévenir toute difficulté pouvant survenir. Et en plus, j’ai toujours ma petite culotte. Une bonne journée, non ?

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