09. Tableaux d'une exhibition
Ysée
Alors que je suis en petite tenue et que je cherche quelle robe mettre ce soir, j’entends qu’on frappe timidement à ma porte. Je me demande qui ose me déranger. J’enfile rapidement mon peignoir et le ferme avant de crier à la personne d’entrer. Si on vient, c’est que c’est important.
— Oui, Cédric ? Vous avez quelque chose à me dire ?
J’observe avec plaisir les yeux du jeune soldat affecté à ma surveillance ce soir et suis ravie de voir qu’il rougit après m’avoir détaillée des pieds à la tête. Je crois que le petit ensemble en dentelle rouge que j’ai mis ce soir et qui est bien visible sous le peignoir mal fermé lui plaît beaucoup et je m’amuse de la gêne que je provoque chez lui. Lui, avec son petit air innocent et son uniforme bien serré met le feu à mes hormones. Je fais un pas vers lui, incapable de résister à la tentation qu’il représente alors qu’il ose enfin prendre la parole.
— Vous allez être en retard, Madame, souffle-t-il en détournant les yeux.
— C’est une promesse que vous me faites, Cédric ? demandé-je en posant ma main sur son bras qui tremble légèrement.
— La Présidente vous attend, Madame la Ministre. Je… je vais vous attendre dehors, nous pourrons reprendre cette conversation sur le trajet retour, si vous le souhaitez.
— Je note que vous ne dites pas non, Cédric. J’ai hâte de voir ce que vous me réservez sur ce trajet de retour. Je finis vite de me préparer, promis, vous n’aurez plus à me réprimander.
Je pousse la provocation jusqu’à me retourner et laisser tomber le peignoir derrière moi afin de retourner à mon dressing pour choisir une robe. Il m’a dit de me dépêcher, non ? J’obéis, moi, c’est tout. Le sentir me mater comme ça avant de l’entendre sortir et refermer la porte me met le feu et je me fais violence pour ne pas le rappeler ou me faire plaisir toute seule. Je me contente de prendre une petite robe noire ajustée que j’enfile rapidement et qui, si le jeune militaire tient ses promesses, sera facile à enlever pour passer à l’étape suivante.
Je le rejoins dans le couloir mais n’ai pas le temps d’apprécier son rougissement devant ma tenue car déjà Marina est là et me prend par le bras, de manière autoritaire, pour m’entrainer à sa voiture que nous allons partager. Tu parles d’un refroidissement de l’atmosphère, là ! Cédric n’est même pas du voyage et je suis toute frustrée de le laisser au Palais alors que nous nous dirigeons vers le Hall de la salle de Spectacles transformé pour l’occasion en galerie d’art.
Je crois que j’en fais un peu trop en ce moment sur le plan culturel, mais je ne peux m’en empêcher. Une idée en amène une autre, un projet débouche sur plus de projets et mon cerveau en ébullition propose de nouvelles animations, toutes à un prix modique mais qui font parler de la Silvanie autrement que par la guerre, notamment sur le plan international. Une équipe de tournage anglaise est d'ailleurs présente, ce qui ravit Marina qui se dirige immédiatement vers eux. J’aurais aimé me libérer de son étreinte, mais elle tient mon bras fermement et m’oblige à l’accompagner voir ces deux hommes dont la tenue détonne un peu avec celle de tous les autres invités. Jean/baskets pour un événement comme celui-là ? Sérieusement ? Les anglais nous avaient habitués à mieux !
Nous prenons un peu de temps pour répondre à leurs questions, je pose pour quelques photos devant certaines œuvres et suis enfin libérée par la Gitane qui daigne me laisser déambuler à ma guise dans cette exposition que je n’ai pas encore eu le temps de découvrir. On a laissé carte blanche à l’artiste sur le thème très large de l’âme celte et ce qu’il a réalisé avec son équipe de peintres est magnifique. Je me demande si je ne devrais pas proposer aux anglais de diffuser leur film à des propriétaires de galeries dans leur pays afin d’exporter ces belles réalisations.
Alors que j’observe une peinture représentant une femme nue avec des oreilles lui donnant l’air d’être un elfe, je me recule un peu pour mieux admirer la perspective sans me rendre compte que quelqu’un s’est approché de moi. Je bute contre lui et me retourne, prête à m’excuser.
— Oh désolée, commencé-je avant de réaliser à qui je m’adresse.
C’est le blond du concert d’hier soir. Le gars qui était dans la loge présidentielle et à qui j’ai mis une claque. Il est tout élégant dans son costume sombre qu’on dirait taillé sur mesure. Ses magnifiques yeux bleus sont posés sur moi et je suis impressionnée par sa carrure. Il est plus grand que moi et me domine légèrement, ses mains qui m’ont retenue pour m’éviter de tomber toujours sur mes hanches. Mais, comment se fait-il qu’il soit encore là ? Et pourquoi ai-je l’impression qu’il me suit ? Il va voir si j’ai une tête d’anus, le con.
— Oh mais c’est vous ? Lâchez-moi, voyons ! Je n’ai pas envie que vous vous salissiez les mains ! m’emporté-je en le repoussant vigoureusement.
— Je vois que votre humeur n’a pas changé depuis hier, rit-il en levant les mains devant lui. Une vraie furie. Vous devriez faire attention, c’est quand même vous qui venez de me tomber dans les bras.
Dans son mouvement, sa veste s’entrouvre sur une chemise noire qu’il n’a pas refermée jusqu’en haut et qui semble moulée à son corps. Je constate tout de suite qu’il a une musculature impressionnante et que, pour avoir des pectoraux comme ça, il doit s’entretenir régulièrement. Mais que fait cet athlète ici ?
— Une furie ? Mais qui est-ce qui a failli gâcher le spectacle et qui va faire de même à cette exhibition ? demandé-je, me rendant compte immédiatement que j’ai mélangé les termes français et anglais sur l’exposition, ce qui le fait éclater de rire.
— On se calme, ma jolie. Je n’ai aucune envie de gâcher cette… exhibition, susurre-t-il en faisant courir son regard sur mon corps. De vous à moi, et malgré votre balai dans le popotin, l’expo est agréable à regarder, et vous aussi. Dommage que vous aboyiez dès que vous ouvrez la bouche.
J’ai l’impression qu’il me regarde comme un morceau de viande et en plus, il se permet de m’appeler “Ma jolie” et de continuer à m’insulter. Pourquoi alors suis-je aussi excitée ? La frustration de ce qu’il s’est passé avec Cédric qui rejaillit là, maintenant ?
— Alors, déjà, je ne suis la “jolie” de personne, il faut arrêter avec vos petits sobriquets idiots et machos. Et dans mon popotin, comme vous dites, ce n’est pas un balai dont j’ai envie si vous voulez tout savoir. Je peux vous assurer qu’avec les types qui ont de l’éducation et du savoir vivre, ce qui est le cas de tous les autres Français que j’ai déjà rencontrés, je n’aboie pas, je miaule. Bref, soit vous vous calmez ou je demande à la Sécurité de vous faire sortir.
— Vous n’avez absolument aucun filtre, Madame la Ministre, c’est dingue ! ricane-t-il. J’ai de l’éducation, Madame, ma mère vous tordrait le cou si elle vous entendait parler. Et je vous souhaite bon courage pour me sortir d’ici, je bosse, là, je ne suis pas en train de subir un spectacle de gonzesses.
Oh, ce type est horrible. Il a beau avoir un corps qu’on pourrait prendre comme modèle pour faire une statue, c’est bien tout ce qu’il a pour lui. Aucune culture, aucun respect, même si c’est vrai que je me suis lâchée devant lui. Et le con se permet de continuer à se moquer de moi ! Par contre, je prends sur moi et me retiens d’exploser tout de suite car il a dit un truc qui m’a interpellée.
— Vous travaillez ? C’est quoi, cette histoire ? Ne me dites pas que vous êtes un des artistes qui ont participé à cette exhib… exposition !
— Peut-être, lance-t-il en haussant les épaules d’un air détaché.
— Peut-être ? Vous vous la jouez homme mystérieux, maintenant ? En même temps, je préfère ça à gros con macho et désagréable.
— Un gros con macho et désagréable ? Montrez-le-moi, que je le vire d’ici, ce rustre !
Le voyant prendre un air féroce, je ne peux m’empêcher de pouffer, ce qui a le mérite de détendre un peu l’atmosphère.
— La sortie, c’est par là, lui indiqué-je. Vous n’aurez pas trop de mal à vous virer vous-même, j’espère ? Je peux vous dire que je ne sais pas qui vous a invité ici mais, que ce soit hier soir ou aujourd’hui, vous êtes d’un désagréable rarement atteint pour un mec.
— Les femmes adorent les bad boys, Madame la Ministre. Et je suis sûr que derrière votre petit air coincé et votre masque de membre du Gouvernement, ce sont ces hommes-là qui vous font mouiller et grimper aux rideaux, me lance-t-il avant de me faire un clin d’œil.
— Toutes les femmes préfèrent les Français romantiques aux bad boys, vous devriez le savoir. Et arrêtez de dire que j’ai un air coincé. Sous le régime précédent, on vous aurait jeté en prison pour moins que ça ! Vous êtes vraiment insupportable !
Enervée, je me retourne pour lui échapper et me retrouve comme une conne devant le tableau de la femme nue, sans possibilité de m’ésquiver. Je rage intérieurement de ma bêtise et fais un nouveau demi-tour qui me remet face à lui qui n’a pas bougé, un sourire goguenard clairement affiché sur le visage.
— Elle vous plaît, cette toile ? Vous ne l’auriez jamais vu sous le régime précédent. Et je peux vous assurer que mon comportement ne m’aurait pas amené jusqu’en cellule, vu la personnalité de l’ancien Président. J’aurais sans doute été son meilleur ami, grimace-t-il.
Je ne peux m’empêcher de tiquer à cette remarque. Il en connaît plus sur la Silvanie que je ne l’aurais cru de la part d’un individu de son type. Mais cela ne rattrape pas le reste de son attitude et de ses propos déplacés. Ce gars a beau avoir le sex appeal d’un Dieu du stade, il n’en reste pas moins un gros con qui méprise les femmes et en joue pour les mettre dans son lit. Pas pour moi, tout ça.
— Cette toile est silvanienne, bien sûr qu’elle me plaît ! Notre pays est un petit pays géographiquement, mais culturellement, nous sommes en train de reprendre la place qui doit être la nôtre. Et vous avez beau vous faire moqueur ou dénigrant, je suis fière d’être la Ministre de la Culture d’un pays qui sait si bien mettre en avant l’art ! Sur ce, je vous souhaite une bonne soirée et j’espère que vous ne vous retrouverez plus sur mon chemin. Ce n’est pas parce que vous êtes artiste que vous pouvez tout vous permettre non plus.
Je pose ma main sur son torse pour qu’il dégage le chemin, ce qu’il fait sans rechigner même si son petit sourire ne le quitte pas alors que je le frôle et respire l’odeur de son parfum boisé.
— Bonne soirée, Madame la Ministre. Quelque chose me dit que nous nous recroiserons plus souvent que vous l’imaginez, alors… Souriez, ça vous va beaucoup mieux que cet air renfrogné et froid.
Je me retiens de lui adresser un doigt d’honneur, me souvenant enfin que je reste Ministre, et m’éloigne sans me retourner ou lui faire l’honneur d’une réponse. Je ne sais pas ce qu’il se passe quand je suis près de ce type, mais je n’arrive plus à retenir mes attaques. Il m’insupporte tellement, la réaction est quasi allergique. Et j’espère bien ne pas le recroiser, même s’il a l’air de tenir à s’incruster dans tous les événements que je supervise.
Je parviens à tenir ma résolution toute la soirée malgré l’impossibilité de ne pas tomber sur ce rustre qui, à chaque fois, en profite pour me mater. Lorsque je fais mon petit discours, je sens son regard posé sur moi et fais tout pour éviter d’y penser. Le pire, c’est qu’en plus de m’énerver, je me sens excitée comme jamais. J’essaie de me concentrer sur ce que j’ai prévu de dire, mais mon esprit dépravé n’arrête pas de m’imaginer découvrir ce qu’il cache sous son costume. Je suis vraiment folle. Ou vraiment en manque.
Dès que je peux, je m’éclipse et demande à un des chauffeurs de me ramener au Palais. Lorsque j’arrive devant mes appartements, je suis contente de voir que Cédric est toujours là, assis dans un fauteuil près de la porte de mon domicile. Sans un mot, je m’avance vers lui et, alors qu’il se lève, je ne lui laisse pas le temps de réfléchir. J’attrape sa main et l’attire à l’intérieur où je le plaque contre la porte pour l’embrasser en portant ma main à son entrejambe. Son sexe ne tarde pas à réagir et je ne lui donne pas le temps de réfléchir. Je le déshabille et le pousse sur mon lit avant de venir m’empaler sur lui après lui avoir enfilé un préservatif. Je me déchaîne sur lui, profitant de son corps pour soulager toute ma frustration et ma colère. Le pauvre tente de reprendre le contrôle de notre séance sportive, mais emporté par ma furia, il cède à mon assaut et ne tarde pas à jouir, provoquant un bel orgasme chez moi. Alors qu’il reprend ses esprits et cherche à me serrer dans ses bras pour m’embrasser, je le repousse gentiment, lui faisant comprendre que je veux finir la nuit seule. Il est clairement déçu mais ne proteste pas, se contentant de bien regarder mon corps nu alors qu’il se rhabille. Je ne sais pas pourquoi cette idée me passe alors à l’esprit, mais je me dis que j’adorerais que ce Snow me regarde ainsi après avoir baisé : satisfait et frustré. Ce serait tellement jouissif de lui rabaisser son caquet ainsi !
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