11. Le spectacle est excitant
Ysée
Mince, il m’a grillée en train de les mater ! Il faut dire que le spectacle m’a fait oublier toute discrétion. Qui a eu cette idée saugrenue de leur faire faire leurs entraînements en plein milieu du Palais ? Il aurait fallu mettre un panneau comme quand quelqu’un fait le ménage : risque de chute… Ou là, risque d’inondation interne… Parce que clairement, des militaires qui luttent ensemble, ça fait du remue-ménage dans les hormones quand, comme moi, on a un fétiche sur les mecs en uniforme.
C’est qui ce mec qui n’arrête pas de surgir aux endroits les plus incongrus et les plus inattendus ? D’abord, dans la loge de la salle de spectacle où je l’ai pris pour un touriste, ami de Julia et Arthur. Tu parles d’un vacancier ! Ensuite, j’ai cru qu’il était artiste, mais là aussi, je crois que son talent, ce n’est pas la peinture ! Le gars m’a complètement baladée en fait. Et moi, comme une conne, je n’ai rien vu venir ! Il fait assurément partie de ceux qui sont là pour renforcer l’équipe de sécurité et pas pour du jardinage ou des sorties culturelles.
Clairement, au vu du treillis, c’est un militaire. Surtout que quand on découvre ce qu’il cache sous ses habits, il doit être actif. Ou alors, il passe la plupart de son temps à faire de la muscu pour garder la forme. Pas du tout le genre d’hommes qui pourrait me plaire, c’est certain. Si j’en crois mon expérience, les mecs comme ça, leur cerveau a disparu dans leurs biceps et leur attention envers les femmes consiste uniquement à les culbuter dans un coin. Mais pourquoi est-ce que je n’arrive pas à oublier ce que j’ai vu ?
Parce que les deux types à moitié nus m’excitent comme pas possible. C’est ça, le problème. J’ai beau me considérer comme une féministe, comme une femme moderne capable de se satisfaire sans un mec, quand je vois deux beaux spécimens qui jouent de leurs muscles, il doit y avoir un mécanisme instinctif et ancestral qui se déclenche et qui me donne envie de parader devant eux. Et de les imaginer s’affronter pour avoir mes faveurs. Je ne suis pas claire dans ma tête, moi. Comme si j’étais le type de femmes qui pourrait intéresser deux machos costauds comme eux ! Et comme si c’était ce à quoi il fallait que je pense alors qu’il y a tant de choses à préparer pour la venue des Grâces Celtiques !
J’essaie de rassembler tout mon dossier afin de pouvoir travailler dessus quand je serai chez mes parents, mais je ne progresse pas. Mon esprit n’arrête pas de s’égarer et de se perdre dans des visions qui me font me retrouver entre Stefan et ce Snow, certes moins imposant au niveau carrure, mais qui dégage une impression de force bestiale très excitante. Purée, j’espère qu’il n’a pas capté mon excitation, parce que je sais que j’ai du mal à cacher mes envies quand un mec me plaît. Et là, deux pour le prix d’un, je devais baver, la bouche grande ouverte et dégager des tonnes de phéromones d’appel au sexe. Je devrais peut-être consulter un spécialiste, moi. C’est normal d’avoir des envies irrépressibles comme ça ?
J’ai l’impression de faire un effort surhumain pour me sortir de la tête l’image d’un trio avec ces deux Adonis, et parviens enfin à fermer mon sac après y avoir glissé mon ordinateur portable et mes notes. J’ouvre la porte et tombe sur Cédric qui est de nouveau de service pour assurer ma protection. Il m’adresse un sourire que je trouve un peu niais et je me contente de le regarder froidement pour lui faire comprendre que l’écart que je me suis permis avec lui ne se renouvellera pas. Enfin, pas quand lui le voudra. Si vraiment je suis en manque, je ne sais pas si je me laisserai à nouveau tenter, mais franchement, à côté des deux combattants de tout à l’heure, il fait un peu gringalet, lui. Enfin, c’est relatif car il a des arguments, mais là, même dans mon état avancé d’excitation, je ne suis pas intéressée.
Je suis contente de ne pas reconnaître le chauffeur qui m’amène dans la maison où j’ai grandi car cela me laisse un peu de temps au calme pour reprendre mes esprits et mettre de côté les deux soldats qui m’ont donné si chaud. Stefan, ce n’est pas la première fois que je remarque sa musculature. Ce type, quand il te protège, tu es sûre que tu ne risques rien, les éventuels terroristes ne pourront même pas te voir tellement il est massif. Dommage qu’il n’ait jamais eu l’air intéressé par mes charmes parce qu’un petit moment avec lui ne devrait pas être désagréable. Et Snow, vu tout ce qu’il m’a déjà menti, il vaut mieux que je l’oublie aussi. J’espère même que je vais arrêter de croiser son chemin car à chaque fois, ça finit mal.
Lorsque j’arrive chez moi, c’est mon petit frère qui vient m’ouvrir la portière. Enfin, petit… Il n’a pas grand-chose à envier à mes deux fantasmes du haut de son mètre quatre-vingt-dix, mais pour moi, il restera toujours le petit bébé que j’ai pris dans mes bras à sa naissance quand j’avais six ans. Une image qui est toujours restée gravée en moi.
— Salut Daryl, tu n'es pas avec ton unité ? Si tous les soldats ont autant de repos que toi, notre armée est mal partie !
Je sors avec mon gros sac qu’il s’empresse de me prendre des mains, comme si j’étais une petite fille sans défense. Je sais qu’il veut bien faire mais parfois, j’aimerais ne pas être considérée comme une femme fragile et faible.
— Tu attaques fort, frangine, tu cherches à me mettre de mauvaise humeur ? rit-il en m’enlaçant. Un vrai bonjour, c’est plus sympa, non ? Fais-moi un bisou !
— Désolée, je suis un peu stressée en ce moment, surtout sur les questions de sécurité, mais tu as raison, je manque à tous mes devoirs de grande sœur !
Je lui fais un petit baiser sur la joue et je passe un bras dans son dos pour effectuer les quelques mètres qui nous séparent de l’entrée.
— Les parents sont dans quelle disposition ? Papa, ça va ? Il… il n’a plus eu de pertes de mémoire ?
Ces derniers temps, il a tendance à oublier beaucoup de choses et tout le monde, sauf lui, s’inquiète et se demande s’il ne développe pas une maladie plus grave.
— C’est compliqué… Mais ça pourrait être pire, j’imagine. Tu verras par toi-même. Je dirais que ça n’évolue pas vers le pire non plus, ça stagne, je crois. Enfin, tu sais, si j’ai l’air en permission tout le temps, je ne suis pas non plus là tous les jours, donc…
— Oui, je sais. Je m’en veux juste de passer tout mon temps au Ministère et pas assez avec eux, soupiré-je alors que ma mère apparaît à l’embrasure de la porte. Bonjour Maman ! Désolée pour le retard, j’ai eu des urgences à gérer au Palais.
Deux grosses urgences bien baraquées, si je veux être honnête. Mais bon, il vaut mieux qu’elle m’imagine occupée à sauver le pays plutôt qu'à gérer mes envies fantasmées.
— Bonjour ma Jolie ! Ne t’excuse pas, un pays à reconstruire, ça prend du temps ! me lance-t-elle en me prenant dans ses bras.
— Ça va, tu tiens le coup avec Papa ? Je… Je voulais passer la semaine dernière mais je n’ai pas trouvé le temps avec les inaugurations et tout ce que je dois faire…
J’ai vraiment honte de ne pas venir plus souvent les voir, surtout qu’ils ne sont vraiment pas si loin que ça de ma résidence, mais je n’arrive pas à trouver le temps. Et là, c’est juste parce que c’est l’anniversaire de ma mère que je suis venue, sinon, je pense que j’aurais attendu d’avoir géré le spectacle celtique. Fille indigne !
— Ysée, on ne fait pas des enfants pour les garder près de nous, tu sais ? Je suis fière de tout ce que tu fais, et ton père et moi savons que ça prend du temps. Alors, respire, et profite de ton weekend. Ne t’enferme pas dans le travail et passe du temps avec nous, promis, nous ne t’en voulons pas, jeune fille !
Ils sont trop choux, mes parents. Et trop fiers de moi. Quand j’entre, je constate que le mur de l’Adoration, comme je l’appelle, s’est encore étoffé. Ma mère y met toutes les coupures de presse nous concernant, mon frère et moi. Enfin, surtout moi vu mon activité, je crois qu’elle ne rate aucun article me concernant et qu’elle affiche tous ceux où j’apparais en photo. Un peu flippant mais tellement bon pour l’estime de soi !
— Bonjour Papa ! lancé-je en le voyant se lever de son fauteuil et se diriger vers moi, un immense sourire aux lèvres. Tu vas bien ? Maman ne t’embête pas trop ?
— Bonjour Princesse ! lance-t-il en me prenant à son tour dans ses bras. Tout va bien, je survis à ta mère, mais je ne dirais pas non à un coup de main de ta part pour le weekend !
— Un coup de main pour le weekend ? Tu as besoin de quoi ? lui demandé-je, perplexe quant à ce dont il pourrait avoir besoin.
— Mais pour supporter ta mère, enfin ! rit-il avant de me lancer un regard tendre et de caresser ma joue. Tu m’as l’air fatiguée, Ysée. Tu travailles beaucoup trop à mon avis.
Je ris de bon cœur à sa petite blague et suis rassurée de voir qu’il a toujours son sens de l’humour légendaire et nous passons un petit moment à échanger les dernières nouvelles jusqu’à ce qu’il soit l’heure de passer à table.
— Tu nous as préparé un bon repas pour ton anniversaire ? J’espère que tu n’as pas oublié de préparer un bon gâteau ! Tu sais que j’en ai même parlé aux prochaines stars qui vont venir nous voir en Silvanie ? Le légendaire gâteau au chocolat de ma maman, il n’y a rien de meilleur !
— Bien sûr que j’ai préparé un gâteau. D’ailleurs, jeunes gens, ça ne vous gêne pas que je doive moi-même préparer mon propre gâteau d’anniversaire ? Et donc, tu parles de mes talents culinaires pendant tes rendez-vous professionnels, vraiment ?
— Personne ne fait des gâteaux comme toi, Maman. Nous, on a ramené les cadeaux, c’est déjà bien, non ? répond mon frère en me faisant un clin d'œil.
— Bien sûr que je parle de tes talents, Maman ! J’échangeais avec les Grâces Celtiques qui vont venir la semaine prochaine et elles me posaient des questions sur les spécialités de la Silvanie. On en est vite arrivées à parler de toi !
— On a essayé d’avoir des places pour le concert, soupire ma mère en déposant la carafe d’eau sur la table. Impossible, tout est parti tellement vite !
— C’est vrai, Maman a fait la queue tout l’après-midi pour avoir les sésames, grimace mon frère. Manque de chance, les derniers sont partis avant qu’elle n’atteigne le comptoir.
— Ah oui, c’est toute notre jeunesse, ajoute mon père. On était en Ecosse pour notre lune de miel et on était allés les voir, n’est-ce pas Chérie ?
— Oui, sourit tendrement ma mère. C’est vraiment dommage qu’on ne puisse pas y aller… Tu n’aurais pas des places, toi, Ysée ?
— Bien sûr que si, j’ai des places ! Je ne savais pas qu’il y a trente ans, elles chantaient déjà et que vous les aviez vues ! En Ecosse, en plus, c’est fou ! Je vous réserve des places VIP, vous allez adorer ! Tu viendras aussi, Daryl ? Seul ou accompagné ?
— Oh, merci ma Chérie ! s’extasie ma mère en m’enlaçant.
— Heu… Faut vraiment que je me coltine un concert ? marmonne Daryl. Quitte à choisir, j’aurais préféré un truc plus actuel, moi, mais… Une sortie en famille, je ferai l’effort, mais tout seul !
— Parfait, je vous mets trois places de côté alors, vous pourrez juste donner vos noms à l’accueil. Et comme ça, vous ferez partie du concert du Renouveau ! Tu verras, Frangin, un vrai moment historique !
— Si tu le dis ! Tant qu’on fait la fête, ça me va. Surtout si ça rend les parents heureux.
Vu leurs sourires et leur complicité, je suis convaincue que c’est déjà le cas. Rien que l’idée d’aller voir ces stars internationales, ils sont radieux. Et moi, secrètement, j’espère que cela fera de nouveaux souvenirs pour mon père et qu’il ne les oubliera pas. J’ai entendu dire que les souvenirs attachés à de fortes émotions avaient plus de chance de rester dans la mémoire. Ce serait bête de les priver de cette chance, non ?
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