Entretien
Le rendez-vous pour mon entretien était fixé à deux heures au siège du journal. L’ambiance festive ne collait pas trop à la rigueur de la sélection. Je ne pensais pas y avoir ma place. Le fait de n’avoir aucun autre candidat sur qui rejeter mon trac me faisait également sentir seule. Une voix forte brisa cette humeur : « Eleanor Sullivan ? »
Le président Williams. Je confirmai mon nom et suivis le grand homme. Il me faisait penser à Sean Connery dans sa manière de se tenir bien droit, élégant et avec autorité, mais sans être moins chaleureux. Le même panel d’examinateurs attendait son chef pour que la séance commence.
« Chère Eleanor, en tant qu’aspirante journaliste, vous devez posséder certaines compétences essentielles à votre futur travail ! Cet entretien n’a d’autre utilité que d’évaluer vos motivations ! Cependant, afin de vérifier vos aptitudes, je vous demanderai de nous faire un bref exposé sur les causes de la Première Guerre mondiale ! Le sujet est suffisamment général pour vous donner la liberté de l’aborder de la manière dont vous le souhaitez ! Gardez à l’esprit que l’importance de l’événement oblige tout bon journaliste qui se respecte, tout du moins chez nous, à être en mesure de fournir une analyse juste et cohérente de celui-ci ! »
En conclusion de sa tirade foudroyante, monsieur Williams arbora un large sourire et un air satisfait. Mais comment répondre ? Je sentais le poids de chaque seconde s’accumuler avec mon silence et la situation empirer à chacune de mes hésitations. Les mots ne voulaient pas venir.
« Allez-y, nous vous écoutons ! »
Dans un effort surhumain ou inconscient, j’ai ressorti le M.A.I.N. de mes années lycée à Londres : Militarisme, Alliances, Impérialisme et Nationalisme. J’avais l’air d’une idiote finie à réciter mon cours de lycéenne. Tellement qu’à la fin de mon exposé j’étais complétement épuisée par les secondes les plus longues de ma vie.
« Nous allons maintenant passer à l’entretien proprement dit ! Tout d’abord, pourquoi voulez-vous être journaliste, quelles sont vos motivations ? »
C’est sans doute ma présentation bancale qui m’a redonné des forces pour la suite. Dans un mélange de fureur et déception, j’avais oublié mon trac et voulais prendre ma revanche. Tout l’entretien n’avait duré que vingt petites minutes et il en restait autant pour les délibérations du jury.
J’étais partagée entre un sentiment d’enthousiasme dû à mon impatience et un sentiment d’exaspération caractéristique des périodes d’examens. Une sensation que je déteste. Le vingt-quatre décembre, comme si le destin se moquait de moi, je reçus les résultats à la manière d’un cadeau de Noël.
Annotations
Versions