Courage
Elle nous avait trouvées en premier, si bien qu’elle se rapprochait déjà d’un pas léger lorsque moi-même croisai son regard. Clara l’accueillit avec son habituelle explosion de joie, la serrant très fort dans ses bras :
« Tu es venue !
— Tu as bien insisté, précisa la Polynésienne.
— C’était une mauvaise journée. Tout le monde est triste aujourd’hui. Ça me rend triste. J’ai l’impression d’être toute seule. Même Grégoire est à Paris, acheva-t-elle avec une mine résolument abattue.
— Mais non, réconforta la vahiné. Il y a plein de gens qui sont prêts à te consoler. Regarde, tu n’es pas seule.
— Lea, tu m’aimes toi aussi ? fit la gamine avec des étoiles dans les yeux.
— Une minute, du calme. C’est par politesse que je t’ai accompagnée, déjà. Et puis lâche-moi un peu, là ! »
Alors que j’essayais de repousser son insistance et ses étreintes envahissantes, j’entendis pour la première fois le rire doux de la fausse rousse. Ses yeux étaient rivés sur nous, mais puisque la plante grimpante du nom de Clara m’étouffait comme du lierre, je ne savais pas qui de nous deux lui faisait cet effet. Je voulais que ce soit moi. L’ambiguïté de mes pensées ne faisait que s’accentuer. Plus je regardais ce sourire, plus je voulais capturer la chaleur tranquille du corps de cette femme.
« Ça ne doit pas être facile tous les jours, me dit-elle souriante.
— Lilo ! s’indigna la brune.
— Je voulais dire, à votre journal.
— C’est ça, fais semblant. »
Le courant passait superbement bien entre elles. J’enviais leur complicité dont je ne pouvais que rêver. La dynamique de leur relation rayonnait de bonheur, une dynamique à laquelle je voulais aussi participer, si je le pouvais. Mais c’est une Lilo naturellement avenante qui délia mes appréhensions :
« Tu te trouves bien à Strasbourg ?
— Oui, c’est plus calme que Londres.
— Tu habitais à Londres avant ?
— Il y a quatre ans. Maintenant j’habite à une heure de transport. C’est assez brusque comme changement. C’est dur des fois.
— Courage. »
Un seul mot de sa bouche sorti de ses lèvres fines m’avait remise d’aplomb. En plus de sa voix mélodieuse, sa beauté flamboyante et sa ma main posée sur mon bras caressant la longueur de mon corps. D’habitude, je me serais détachée de ces gestes, de peur d’être trop sensible à ces attentions, de peur de mal les comprendre. Cette fois, j’étais figée de l’intérieur et docile de l’extérieur. Cette femme était le genre de personne avec qui je baisse facilement ma garde, et il viendrait un temps, si une amitié réelle naissait vraiment, où je devrais briser ce lien ou tomber à sa merci complètement. Mais pour l’heure, la soirée suivait son cours, et peu avant de nous séparer, nous baladions vers la cathédrale pour quelques derniers instants rafraîchissants dans la nuit strasbourgeoise.
Lilo m’accosta une fois de plus : « On devrait s’échanger nos numéros. Qu’est-ce que tu en dis ? » Ce à quoi je ne pus répondre qu’un faible : « oui. » Nos cordonnées échangées, elle combla ma nuit de ses quelques paroles comme susurrées à mon oreille : « Appelle-moi lorsqu’elle devient trop collante. »
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