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On frappe, elle entre. L’infirmière tornade vient d’arriver.
« Bonjour jeune homme, bonne nouvelle pour vous ce matin, on va vous enlever le plâtre. »
Elle ramasse mon plateau et repart aussitôt, pas eu le temps de répondre que j’étais content. C’est effectivement une bonne nouvelle, car j’ai tout un attirail de « gratteur fou », comme dit maman. De l’aiguille à tricoter, au fil de fer souple, le tout accompagné de divers couverts de cuisine, j’ai stocké dans un tiroir à côté de mon lit, du matériel pour pouvoir me gratter sous le plâtre qui me démange sans arrêt. J’ai souvenir d’avoir passé des heures, sans exagérer, à tenter d’atteindre l’endroit, toujours situé le plus loin possible qui me picotait, et ça faisait rire ma mère qui m’avait amené les instruments.
En milieu de matinée, je suis en train de regarder une vidéo sur mon ordinateur, histoire d’occuper le temps en attendant le repas, on frappe à la porte. Un infirmier entre dans la chambre en poussant un petit chariot.
« Bonjour monsieur, je viens vous enlever le plâtre, on a dû vous avertir. »
Je referme mon ordinateur, et je regarde un peu inquiet, l’outillage posé sur sa tablette roulante. J’ai déjà vu des pinces et une scie circulaire dans l’atelier à la maison, mais ceux-là sont brillants et propres, je ne suis pas plus rassuré.
« Bonjour, l’infirmière est passée ce matin, elle me l’a dit. C’est pour moi tout ça ?»
Il se met à rire et commence à déplier une grande serviette.
« Tout est pour vous, mais rassurez vous, je n’ai jamais coupé en dessous, personne ne s’est jamais plaint d’ailleurs .»
La bonne blague, je ne suis pas plus rassuré pour autant. Il étale son linge sous ma jambe, recouvrant une grande partie du lit, et se saisit de la scie circulaire. Je suis complètement crispé, j’ai les doigts enfoncés sur les rebords du lit, je le regarde faire, toujours pas rassuré, je n’avais aucune idée de la manière d’enlever un plâtre. À part une légère sensation de vibration et de chatouille, après avoir écarté le tout, je n’ai vraiment rien senti.
« Vous voulez le garder en souvenir, sinon je l’emporte. »
Il est en train de tourner ma jambe en tous sens, passe ses mains habillées de gants de protection sur les cicatrices. Il appuie fortement sur des boursouflures, là où je suppose que les os se sont brisés, me fait plier le genou. Je n’ai pas mal, pas vraiment, juste de l’appréhension, mais je sens que les muscles tirent quand il me force à plier.
« Non, c’est un mauvais souvenir. »
J’ai attendu qu’il arrête pour pouvoir lui répondre.
« Bien, tout s’est remis en place normalement, vous allez devoir vous entraîner un peu pour marcher correctement. Tout est solide, mais déplacez vous avec des béquilles à partir de maintenant, l’infirmière vous donnera une série d’exercices à faire en attendant. »
Je vais enfin pouvoir me gratter sans contraintes, la première chose que j’ai pensé quand il est reparti avec son chariot. Comme un minutage parfait, il vient à peine de sortir, que mon repas arrive. Pour la première fois je mange attablé, assis sur une chaise la jambe légèrement tendue néanmoins, mais c’est une position que je n’ai pas eu depuis plusieurs semaines. J'ai comme la sensation d’un futur retour à la normale, qui me fait savourer mon toujours maigre repas. C’est dans l’après midi, que j’ai appris un nouveau mot, et fait la connaissance d’une personne que je ne vais pas aimer dans l’avenir, le kinésithérapeute. Il ne connaît que quelques phrases qui me font mal quand il joint les gestes à la parole.
« Pliez, poussez, tirez, et on recommence...»
Il me semblait gentil pourtant quand il est arrivé tout sourire, il allait m’aider à récupérer la marche normale, selon ses dires et courir comme avant après les filles. Ils avaient tous un drôle de sens de l’humour dans cette clinique, je me suis souvent demandé si c’est involontaire ou s’ils se sont donné le mot pour raconter leurs idioties ridicules aux malades. Son passage me semble interminable de douleur, j’ai beau lui dire que j’ai mal, il continue à forcer sur ma jambe. Je suis couché sur le ventre, il plie et déplie le membre fraîchement déplâtré, comme s’il voulait le casser de nouveau. Je sens des larmes monter en moi, que je retiens tant bien que mal, je pousse des cris qu’il ne semble pas entendre et je frappe les rebords du lit, lui disant d’arrêter quand ça semble intenable. Je suis certain que si j’étais plus grand, il m’écouterais, j’en parlerais au docteur dès qu’il passera. Ça a été le plus mauvais moment de cette journée, et je regarde, dès son départ s’il n’a pas ré-ouvert quelque plaie de ma jambe, les douleurs s’atténuant.
Il a prévu de revenir dans deux jours, j’ai bien retenu ses mots avant qu’il ne reparte. Il faudra que je demande à l’infirmière à quels genres d’exercices j’aurais droit de sa part également, parce que je crois que je ne vais pas tout supporter. Elle est passée en fin d’après midi avec une paire de béquille, sa participation se limite simplement à m’expliquer comment m’en servir et comment poser le pied pour pouvoir faire ces fameux exercices, je suis rassuré.
« Évitez de poser en premier la plante des pieds, il vous faut dérouler comme si vous marchez normalement. Posez le talon en premier et pliez comme si vous n’avez pas de béquilles en exagérant le mouvement, ça ira mieux d’ici quelques jours vous allez voir. Je vais vous accompagner jusqu’au patio au rez de chaussé, après vous pourrez vous débrouiller pour aller partout. »
Le « Patio », est un petit de carré de verdure situé au centre de la clinique, avec des bancs et des chaises pour permettre aux malades et leur famille de respirer l’air frais. Un coin de restauration rapide permet aux personnes venant de l’extérieur de se nourrir pendant les visites ou prendre des boissons chaudes et froides. Quand mon père veut fumer sa cigarette, c’est ici qu’il vient dans le coin réservé à cet usage, et il revient généralement avec un café ou toute autre boisson que mes visiteurs du moment lui ont commandé, ça lui fait une bonne raison de sortir de la chambre. Accompagné de l’infirmière qui me prodigue ses conseils de marche tout au long des couloirs, je viens enfin de découvrir l’endroit et j'entends bien en profiter maintenant.
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