En attente du départ.

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Pas de voyages ce soir, pas de télévision, je ne bouge pas d’ici avec l’autre qui me piste, demain sera un autre jour, vivement que je rentre, je commence vraiment à détester le monde.

Plus d’un mois que je suis là, l’école m’a oubliée, les potes m’ont oubliés, la famille s’occupe de moi un jour dans la semaine, et encore c’est plutôt quelques heures le dimanche, on a rien à se dire chacun vit et s’occupe dans son environnement, moi j’ai les infirmières eux dans le monde courant de gens qui se rencontrent qui se croisent et discutent, moi on me parle de soins, de béquilles et piqûres, je croise des morts vivants qui n’en finissent pas de descendre d’un étage, c’est un monde d’adultes qui n’est pas fait pour moi, j’ai gagné un pouvoir j’entends bien m’en servir.

Quelques jours sont passées, du train-train habituel c’est quand je me fais chier, aux déboires anormaux, on oublie mon repas. À la limite, je m’en fous, j’en suis au compte à rebours de semaines restantes d’après les infirmières.

J’ai reçu son retour, elle ne pourra venir le jour de l’examen, toutes les explications lui ont été données par le médecin, une visite de contrôle tout ce qu’il y a de plus ordinaire qui me permettra de sortir au plus tôt. Elle est en déplacement toute la semaine qui suit, un aller-retour lui coûterait trop de fatigue et de temps, elle sait que je suis grand presque comme un adulte et en a discuté avec papa qui est encore au loin sur ses chantiers. Quelques mots de Fabienne qui travaille énormément, la période des contrôles approche à grands pas, c’est un peu pour cela qu’elle n’a plus beaucoup de temps de libre, son avenir va se jouer bientôt, mais elle pense beaucoup à moi.

Ma chambre est de nouveau rangée en prévision de mon retour, il paraîtrait qu’il y a eu du travail elle a ainsi retrouvé des choses qu’elle croyait perdues. L’étudiant qui devait venir me voir et m’aider pour les cours, ne pourra pas venir non plus comme promis, il prépare un concours d’après ce qu’elle a compris, mais je le verrais plus tard. Je lis et je relis, il y a au moins cinq lignes, on se dit plus de choses par messagerie interposée.

Le docteur vient me voir quelquefois, il m’a retiré la pince du doigt, ça ne sert plus à rien d’après lui, je suis stabilisé, et comme je ne fais plus de cauchemars cela n’a plus lieu d’être. Il m’a néanmoins demandé plusieurs fois de lui décrire mon sommeil et mes rêves et si je m’en souvenais, je ne lui ferais pas ce plaisir, je suis certain qu’il ne va pas me lâcher jusqu’à ma sortie, il me prend encore pour un gamin. Il ne reste plus qu’à confirmer le créneau pour mon IRM, ils ont reçu l’accord de ma mère. Il sera là bien sûr pour me donner toutes les explications, je ne serais pas seul.

Je continue à me promener dans les couloirs, je fais mes exercices, en prenant garde de ne pas croiser le vieux, je descends au patio me prendre des friandises avec l’argent que m’a laissé maman. Quand le temps est au beau, je m’assois à une table qui se trouve à côté, un endroit de verdure avec quelques arbustes et des parterres de fleurs qui vous semble au-dehors, pour bien vous démontrer que vous êtes dedans. Je m’assieds sur une chaise ou quand un banc est libre, et je regarde autour les malades, leur famille ou au moins leurs amis, moi j’ai mon ordinateur je suis le seul de mon âge, je n’ai personne à qui parler.

« Bonjour jeune homme, je suis libre, vous êtes là, on va en profiter pour faire quelques tests. »

Il a frappé, il est entré, ils ont tous pris l’habitude de mon intimité, le prof de chimie vient d’entrer, avec un acolyte qui pousse un chariot surmonté d’un écran et pleins d’appareillage.

« Je vous présente Michel, infirmier de son état, mais surtout technicien, le seul qui sache manier ces choses que vous voyez. On ne va pas prendre trop de temps, juste une petite vérification visuelle et auditive de vos sens. Je vous laisse entre ses mains. »

Que je sois d’accord ou pas, il s’en fout, mais moi aussi, donc je les laisse faire.

« Bonjour, le professeur exagère un peu, j’appuie juste sur les touches du clavier. Vous pourriez vous asseoir sur une chaise, face à moi ? «

Il me tend de grosses lunettes, comme dans les jeux vidéos en trois D, j’en ai vu a la télé, mais ce n’est sûrement pas ça.

« Je suis certain que vous reconnaissez, on s’en sert pour jouer en Trois D, c’est de votre âge, et du mien. »

J’avais raison et il me fait un grand sourire, il voit que j’ai compris. Il semble sympathique et relativement jeune par rapport à la moyenne du personnel médical d’ici, mais je me méfie de tout le monde, même s’ils paraissent enjoués.

« Si vous êtes prêt, je le suis, je vais vous expliquer au fur et à mesure. »

J’ajuste et il m’aide à placer les lunettes qui sont un peu lourdes et il commence ses tests en me guidant de ses phrases.

« Suivez la croix de vos yeux, ne bougez pas la tête. Haut, bas, droite, gauche. Bien, on passe à la suite. Si ça ne va pas vous m’arrêtez. Un test de couleurs maintenant. Rouge, rouge, vert, bleu, jaune, bleu, bleu, blanc. »

« Euh, je ne vois rien, pas de blanc. »

Il se met à rire, il me semble que je l’ai déjà entendu, dans les couloirs sûrement.

« C’est une blague, le blanc n’est pas une couleur, désolé. C’est fini, on passe à autre chose. »

« Je retire tout ça ? »

« Non, non, on passe au test audio, je vais vous passer des sons, mettez ce casque s’il vous plaît. Oui je sais, mais non, on ne va pas jouer, je ne suis pas équipé pour. »

Effectivement, un casque qui enveloppe mes oreilles, comme pour écouter de la musique, il me le tend, je l’ajuste sur les oreilles.

« ça va ? Vous m’entendez, je passe par le casque maintenant. »

J’entends comme une voix lointaine, hors des écouteurs, je lui fais signe que non, je soulève légèrement les lunettes, au cas ou il ferait un signe.

Il se lève, regarde un boîtier sous sa table roulante, appuie sur des fiches et retourne devant son clavier.

« Et maintenant vous m’entendez ? »

Je fais signe de nouveau que je ne l’entends pas.

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