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J’ai continué sur mon ordinateur, quelques petites vidéos, rien de satisfaisant, personne à qui écrire, j’ai fait le tour de mes contacts, pas trop envie de descendre, pas envie de bouger, je regarde le couloir, je vois des gens qui passent, certains me jettent un œil, je n’ose pas m’endormir j’ai peur qu’on me surveille, j’ai une petite idée. Je me lève en boitant, et je tire le fauteuil défraîchi face à la petite table, du dehors ils me voient que de dos, l’écran d’ordinateur et une vidéo, chiche que je vais me promener, mais juste par petites touches.
Je connais le chemin du voisin, je vais un peu plus loin, je tourne tout autour de ma place, comme dans une spirale, je sais me diriger maintenant, beaucoup de cônes rouges, normal le matin d’une journée quelques heures avant le repas de midi, je vois un bleu plus loin de mon accidenté, pour l'instant je l’évite, ce doit être le vieux et je ne vois rien d’autre. J’augmente l’éloignement, mon rythme s’accélère, rien de bien important mon cordon me renseigne, je n’ose pas trop monter ni descendre, si vraiment ça veut dire quelque chose, j’ai peur de perdre le plan, je ne sais pas trop ou je suis, sans doute à l’extérieur un grand vide de cônes, je crois que je pourrais aller encore plus loin, mais j’avance prudemment, je reviens en arrière, mes deux voisins de palier n’ont toujours pas bougé, je regagne ma chambre juste à temps, quelqu’un vient de frapper et entre directement, je me retourne pour voir.
«Bonjour, Je suis désolée, j’ai eu un petit pic sur le moniteur, je venais juste voir. »
« Bonjour, je suis en train de regarder un film, rien à faire de spécial, j’attends l’heure pour manger. »
« D’ici une heure je pense, si c’est un film qui fait peur, faites attention aux cauchemars. Je reviens dans une heure, ils ont juste préparé les chariots. Bonne séance. »
Pourquoi me parle-t-elle de cauchemars, comme si tout le monde est au courant, si c’est ainsi je repars faire un tour, on m’a vu regarder mon écran, je vais les faire se promener pour voir si j’ai raison, et si le mouchard que je porte au doigt est sensible, ils vont comprendre, je repars faire un tour.
Cette fois je redescends un peu, je vois des cônes rouges je suis à leur hauteur, je comprends que je suis à l’étage en dessous, c’est ainsi qu’il me faut procéder pour les déplacements, je ne vois rien d’autre pour me repérer facilement, tout doit se faire à partir de mon corps, rien ne me semble vibrer comme les gens, je sens juste la distance et mon état physique tant que je ne fais rien de plus, je décide de rentrer pour voir ce que ça donne. Je regarde légèrement le couloir comme un geste anodin, je vois que l’infirmière s’approche, elle à dû me voir bouger, et fait demi-tour vers l’office, je crois que je vais m’amuser encore.
Cette fois je vais descendre au niveau le plus bas, voir si je peux aller autour de la clinique. A trois étages plus bas, facile à repérer, j’ai des paquets de cônes qui m’aident à me repérer, je m’en éloigne pour aller dans le parc, rien de bien fatigant, je sens toujours mon corps je commence à avoir une idée de la distance, je m’étire sans tirer sur le cordon qui me renseigne. J’aperçois quelques rouges, sans doute des promeneurs, mais il y a des choses étranges partout, je sens des vibrations, j’ai vraiment l’impression par moment de ressentir des rêves, je suis sûr de passer au travers, mais je ne vois rien, c’est assez bref, sans consistance, je sens des bouffées de calme, de solide, d’apaisement, je n’arrive pas à comprendre, je ne sais pas ce qui se passe, il est temps de rentrer, je testerais plus tard, juste à temps pour entendre la porte s’ouvrir.
Mon repas arrive enfin, je replie mon écran et je mange en pensant à ma dernière promenade, j’ai ressenti des rêves je suis à peu près sûr, mais pas comme d’habitude, à part des gens dehors, ça c’est assez facile je reconnais les cônes, j’ai vraiment eu l’impression de traverser des songes, comme les traces de quelque chose, j’étais dans un parc de verdure, que des arbres et des plantes que je vois par la fenêtre quand je regarde au-dehors, peut-être des animaux, mais ce serait étonnant, on est près d’une ville. J’ai une drôle d’idée qui me chatouille l’esprit, je finis de manger et je vais voir mon pote.
Une fois tout récuré, je lance mon ami, je ne sais pas quoi chercher, j’associe des mots du genre rêves, plantes, nature, vie, je tombe sur un tas de trucs plus débiles les uns que les autres, un Monsieur Lamartine qui parle de l’âme d’objets, un truc qui me fait chier, et des sites qui disent que les plantes sont vivantes, je ne sais pas ou je vais, tout ça c’est du délire, rien de vraiment sérieux, j’avoue que je patauge.
Je regarde derrière, je sais que c’est la bonne heure, moins de monde dans les couloirs, c’est une pause pour tout le monde, je repars dans le parc, il faut que je comprenne.
Je retrouve les mêmes sensations, mais je ne vois rien, on dirait des traces de rêves qui flottent et pas un seul cône. Je sens les choses que je traverse, mais rien qui ne soit visible, un petit quelque chose que je n’avais pas vraiment vu avant, en supposant que voir soit la bonne définition, des petites étincelles de couleurs différentes, et dès que je m’approche, un sentiment différent m’envahit, mais je ne peux rien lire d’autre, je crois que je vais rentrer.
Je regarde de nouveau en arrière, toujours personne, je suis content de moi, je sais comment faire maintenant, des déplacements rapides ils ne peuvent rien voir, mais ce que j’ai ressenti commence à me poser un problème, il n’y avait pas de gens et pourtant je sens bien que quelque chose est là.
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