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J’espère que je fais bien, mais il n’a pas de preuves, je n’en ai pas non plus, tout ça est irréel comme dans les romans de science-fiction, je vais tester doucement et voir s’il va tenter autre chose.
« Je peux vous demander quelque chose ? J’en ai entendu parler, je l’ai vu dans des films, mais je ne sais pas trop. »
« Je vous en prie, allez-y. »
« C’est quoi le secret médical ? »
« D’accord, je comprends maintenant, je vais vous expliquer. »
S ‘ensuit une longue définition, le pourquoi, le comment, et le risque que l’on prend à raconter des choses, d’après ce que je comprends, certains de ses collègues ont payés des amendes ou bien de la prison pour n’avoir rien dit, je le crois en partie, mais j’ai bien écouté tout ce qui concerne la famille ou les proches, jamais sans mon accord. Je ne lui fais pas confiance entièrement, mais j’ai besoin de raconter un peu, juste un peu en surface de cette chose qui me ronge et que je ne comprends pas. J’ai eu du mal à commencer, je ne savais pas par quel bout débuter, il faut que je reste vague.
« J’espère vous faire confiance, j’espère que vous dites vrai, mais je n’ai pas de preuves, je pense que vous non-plus, je crois que vous avez deviné que je fais beaucoup de rêves depuis que je suis là, à cause de ma blessure. »
J’étais en train de parler d’égal à égal avec un professeur, avec un vieil adulte, à un certain moment il à voulu sortir un carnet de sa poche, j’ai dit que j’arrêtais s’il notait quelque chose, et nous avons repris.
« Une chose que je ne comprends pas, les battements à vos tempes, comment ça se déclenche ? »
« Je ne sais pas trop quoi dire, j’ai juste remarqué que quand je ferme les yeux dès que je veux partir, je sens que ça s'accélère, ça me fait comme une vibration, et tout le corps est mou, je crois qu’il n’y a plus que ma tête qui travaille. »
« Je comprends mieux maintenant vos états de fatigue, vous devriez faire attention, toute votre circulation irrigue le cortex qui travaille, ça je ne sais pas comment. Quand vous êtes chez quelqu’un vous me dites que vous pouvez créer des choses, je pense que c’est la même chose, vous apportez vos rêves, tout est inconsistant, mais vous rêvez vous-même chez vous et chez les autres. »
Il ne m’apportait pas réellement de réponses, quelques détails techniques de part sa profession, ça n’allait pas plus loin, c’est moi qui racontais.
« Votre définition d’une scène de cinéma, il fallait y penser, mais vous avez raison, c’est le rêveur qui crée, il sait qu’il joue son rôle d’acteur, tout ce qu’il y a autour se centre ou il se croit, c’est le projectionniste, il n’a pas besoin de se voir, donc vous ne le voyez pas. »
« J’avais commencé à le comprendre un peu, mais il y a une chose qui m’intrigue, on dirait que les personnes crées, c’est juste une impression, attention, elles peuvent me distinguer, me sentir, ou quelque chose comme ça, quand je crois parler également, c’est pas tout à fait ça, plutôt quand je pense fort. »
« J’avoue que je sèche un peu, tout est nouveau pour moi, je pense que quand vous arrivez, comme ce n’est pas chez vous, vous apportez quelque chose en pensée ou en rêve plutôt, on va dire un surpoids, je n’ai pas d’autre mot, le rêveur est bien là, pas forcément dans la salle mais ses personnages si, vous prenez un espace, vous ajoutez un espace dans tout ce qui est à lui. Pour le fait qu’il entende, le rêve est une pensée, c’est ma définition, vous pensez, vous parlez, donc il doit vous entendre. Ça peut paraître idiot, mais c’est une autre approche, la télépathie, oui je sais ça fait rire, on nage dans la fiction, j’ai tenté cette approche, mais je ne suis pas le seul. Je vous parlerais bien du protocole de Ganzfeld, ça ne ferait qu’alourdir, mais le principe par échange d’images, c’est ce que vous faites, on ne parle pas, on ne discute pas, ce sont des sensations que l’on essaie de transmettre, le mot n’existe plus. Chez vous, c’est étonnant, vous pouvez envoyer, vous pouvez recevoir, et c’est là, ce qui est important, par l’intermédiaire de la plus petite partie du cerveau qui ne s’éveille, encore un mot impropre, que quand tout le reste est au repos, je suis époustouflé par votre approche. Je dois quand même vous dire qu’on tâtonne beaucoup, l’esprit humain reste une grande énigme. »
« Les couleurs, parlons-en, vous me parlez de sensations, c’est quoi les couleurs, parce je les vois, je les sens, je sais que ça dit quelque chose, même si je ne sais pas tout lire. »
« ça c’est encore autre chose, je vous parlais de sensations tout à l’heure, d’impressions, je pense que vous savez qu’on parle de couleurs chaudes ou bien de couleurs froides, représenter une température est assez arbitraire, avec des mots communs pour que tout le monde s’y retrouve. Une certaine partie de la population nomme les choses autrement, pourquoi pas les sentiments par exemple, des choses peu palpables, c’est la synesthésie, on ne sait pas pourquoi, ils semblent voir des couleurs à la place des mots ou des solides, certaines formes d’autisme qui sont plus décalés font un peu la même chose, quand je vous disais que l’esprit humain reste une grande énigme. Certains animaux, ne voient pas les couleurs, ils ne font que sentir, ou plutôt ressentir, donc il y a quelque chose et on est encore loin d’avoir tout exploré. Si je vous avais connu plus tôt, on aurait pu faire avancer plein de choses, vous m’ouvrez tellement d’horizons. »
Il commençait à me plaire, mais je reste quand même sur mes gardes, plus fort que mon pote, mais ça c’est un peu normal.
« Je sais que vous n’allez pas aimer, mais j’ai lu quelque part qu’une personne a eu des problèmes avec vos expériences. »
« Ah oui, je comprends. Vous avez sûrement lu quelque chose de tronqué qui n’a jamais représenté la vérité. C’est vrai, une personne est décédée pendant une expérience, mais cela n’avait strictement rien à voir avec des tests de laboratoire, une insuffisance cardiaque tout bêtement, mais comme c’est arrivé dans une salle de recherche, son décès a été classé ainsi, je ne savais pas qu’il était malade à l’époque, mais bon, comme vous avez bien lu, l’information est incomplète.»
Petit à petit, au fil de nos échanges, je me sentais léger, quelqu’un qui comprenait tout ce que je disais, qui tentait d’expliquer ce que je ressentais, et qui ne me prenait pas pour un fou.
« Vous écrivez encore des livres de science-fiction ? »
je ne m’y attendais pas, il s’est mis à éclater de rire, il m’a fait un peu peur, et quand il s’est calmé.
« Je vois que vous êtes bien renseigné. Écrire est un bien grand mot, je dirais que je participe à certains ouvrages avec mes bases scientifiques, une manière de se lâcher un peu et pourquoi pas d’émettre des hypothèses, parce voyez-vous dans mon métier, et dans certains autres d’ailleurs, certaines idées trop révolutionnaires, peut être trop en avance, je n’en sais rien encore pourraient sans doute choquer, alors je me défoule, mais vous avez raison et vous êtes sacrement bien renseigné. Combien de jeunes gens de votre âge ne prennent pas la peine d’aller voir plus loin, j’ai bien vu tout à l’heure, j’ai cité quelques mots, vous n’avez pas tiqué, je crois que vous les connaissez, vous continuez à me surprendre. »
On aurait pu continuer encore longtemps, j’ai passé sous silence certaines choses, je ne suis encore prêt à tout me raconter je le regardais d’un autre œil, mais il reste quand même un adulte doublé d’un scientifique, le chariot des repas venait de livrer son plateau.
« Je vous remercie beaucoup de tout ce que vous m’avez dit, et s’il vous prend l’envie de revenir me voir, faites quand même attention, je sais que vous tâtonnez, je n’ai aucuns conseils à vous donner, mais je suis là si jamais, sans doute un des rares à comprendre une partie de ce qui vous travaille. »
Ça c’est arrêté là, je me sentais léger.
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