Dans un souffle de vie
Autour d'elle, les bruits cessèrent. Il n'y eut plus que le silence et les battements irréguliers de son cœur. Que faisait-elle ? Elle avait fait le chemin jusqu'ici, avait manqué de trébucher, s'était laissée envahir par le son de ses talons sur le sol froid ; comme un compte à rebours qui la laissait terrifiée. Y avait-il un bon choix ? Elle n'en était plus sûre, maintenant. Non, en vérité, elle s'était toujours posée la question, sans trouver de réponse. Elle n'avait jamais été sûre de l'existence d'un bon ou d'un mauvais choix. Il y avait simplement un choix. Elle devait faire un choix.
Elle devait bien l'avouer pourtant, elle avait toujours été égoïste et lâche. Elle s'était préservée, s'était contentée de prendre ses distances et laisser les autres décider à sa place. Quel film ce soir ? Comme tu veux. Que veux-tu manger ? Je m'en fous, choisis toi. Tu as choisi quel lycée ? Je ne sais pas et toi ? Je vais faire comme toi. C'était ridicule, cela ne rimait à rien. Ses amis en avaient eu marre, sa famille en avait marre, son copain en aurait bientôt marre. Toute sa vie, elle s'était défilée mais, aujourd'hui, ironiquement, elle n'avait pas le choix. Oui ou non, elle ne pouvait pas attendre qu'un autre réponde à sa place, elle ne pouvait pas fuir la question. Elle devait se décider elle-même.
Les mains plus moites que jamais, elle déglutit difficilement et releva les yeux vers son compagnon de gauche. Debout, droit comme un i, il la fixait en retour, tout aussi nerveux, une pointe d'inquiétude au fond des yeux. Elle prit le temps d'inspecter la ligne de sa mâchoire, la courbe bossue de son nez cassé, la cicatrice discrète entre ses sourcils. Il n'y avait personne au monde pour le connaître mieux qu'elle. Sa propre mère n'en était pas capable. Elle, elle connaissait l'emplacement de chacun de ses grains de beauté, savait avant lui quand un nouveau lui poussait sur le corps. Elle connaissait ses habitudes par cœur, son style vestimentaire et ses goûts en général. Aussi bizarre que cela puisse paraître, elle le connaissait mieux qu'elle ne se connaissait elle-même ; et elle était persuadée qu'il en était de même de son côté.
Stressée et apeurée, elle se retourna juste assez pour étudier les visages qui la fixaient en retour. Qui étaient-ils ? Que voulaient-ils ? Depuis combien de temps on attendait qu'elle réponde à une simple question ? Elle était arrivée jusque là, s'était préparée pendant des heures, des mois ! Son choix n'était-il pas évident, naturel ? Elle n'était plus sûre de rien.
« Madame ?
- O… oui… »
Sa respiration se bloqua et son cœur cessa de battre un instant. Des larmes plein les yeux, elle tendit la main gauche à son compagnon. Il n'y avait aucun choix. La réponse était claire. Comment elle avait pu douter ? La peur, le stress… tout ceci n'était rien, elle ne pouvait plus se permettre d'être lâche. Elle devait prendre ses responsabilités.
« Je... »
Les mots se bloquèrent dans sa gorge. Elle passa sa main droite sur son visage, souffla un instant et reprit lentement ses esprits. Elle était ridicule, parfaitement ridicule. Elle se mettait la pression toute seule alors qu'il n'y avait qu'à le dire. Trois petits mots.
Elle posa ses doigts sur son ventre arrondi, chercha du soutien dans le regard suppliant de son compagnon et se permit, enfin, un sourire qui ne fut pas forcé.
« Je le veux. »
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