3 décembre

4 minutes de lecture

- Quoi, ça veut dire que nous étions sur une fausse piste depuis le début ?

- Hélas, je le crains…

- Arminius nous a donc trahis… mais pourquoi ?

- C’est pourtant clair, non ? Il voulait récupérer le château…

Je monte sur une petite butte de terre qui surplombe toute la forêt et y plante un drapeau de fortune fait d’un bâton et d’un t-shirt blanc.

- Alors moi, Noah, prince des forêts, je jure solennellement de le retrouver et de le défaire !

Je sors un instant de mon personnage.

- Et là, on dit que le Goupil apparaît…

- Non, me dit Chacha très sérieusement, le Goupil, il peut pas apparaître.

- Mais pourquoi ? C’est nul, on le voit jamais.

- Ben oui, c’est le but, cultive ton sens du drame.

- Je comprends rien à ce que tu racontes.

- Pourquoi est-ce qu’il est intéressant, le Goupil, à ton avis ? Pourquoi on a envie de connaître ses motivations et son identité ?

- Parce qu’on n’en sait rien ?

- Exactement ! Tant qu’on sait rien de lui, ça peut être n’importe qui. Il peut se cacher n’importe où, nous envoyer n’importe quoi… Il est imprévisible, c’est ça qui le rend cool.

- T’as pas peur qu’on finisse par s’en lasser ?

- Du moment qu’il continue à nous envoyer des trucs de plus en plus forts, ça le fait, non ?

- Ben, en fait…

- Salut, les jeunes, lance une voix familière en marchant près de là où nous nous trouvons.

C’est un ancien du village de pépé. Son nom, nous ne le connaissons pas, mais nous l’avions, il y a longtemps, surnommé la Baleine à Bosse.

Le jour où nous le vîmes pour la première fois, il portait une casquette dans le même style que celle de Pépé, des sabots et un pull qui représentait une grande baleine qui portait des lunettes de soleil. Une de ses filles avait dû lui offrir, mais ce dessin détonait tellement d’avec le reste que l’image nous resta en tête. Puisqu’il se tenait toujours quelque peu courbé, l’idée de la Baleine à Bosse nous était vite venu.

Dans notre histoire, c’était un marin qui écumait les sept mers pour extraire une substance rare, l’ardénium, qui conférait le pouvoir de rajeunir à celui qui avait le bonheur de la consommer. Toutes nos aventures se déroulaient sur une grande île dans laquelle se trouvaient monts et forêts qui renfermaient ce mystérieux matériau en abondance. Le seul problème, c’est que l’île risquait de couler si l’on en extrayait tout l’ardénium. C’est pourquoi nous essayions à chaque fois de l’en empêcher.

Puisque Chacha et moi aimions beaucoup ce personnage, il avait pris de l’importance. Entre autres, il nous avait déjà dérobé notre livre d’aventures (c’est ce que nous avions dit lorsque nous l’avions égaré), s’était un jour allié au Goupil pour créer un « Super-Ardénium » et avait même décidé de mettre nos querelles de côté le temps d’un festival.

Sans que le pauvre homme ne puisse comprendre pourquoi, nous courrons juste après qu’il nous ait dit bonjour. Nous sommes repartis dans notre aventure.

- La Baleine à Bosse ! Mais qu’est-ce qu’il fait ici ? Il s’est échappé des geôles de l’Arbre-Fondu ?

- Echappé…ou relâché, me répond ma sœur pour citer un célèbre film.

Nous continuons à courir en slalomant entre les arbres, comme si notre ennemi était vraiment à nos trousses. Nous ne sourions même plus, tant l’enjeu semble important à nos yeux d’enfants. Et puis nous trébuchons, tombons l’un sur l’autre, pleurons puis éclatons de rire.

- On l’a semé, je crois.

Si je pouvais choisir où je passerais ma vie, ce serait ici, sur cette île imaginaire qui n’a même pas de nom. Le reste me paraît trop compliqué.

Chacha enlève la poussière de ses vêtements et souffle un bon coup. Elle se fait craquer les doigts et le cou, comme à son habitude, et commence à marcher en direction de chez Pépé.

- Tu vas où ?

- Ben, on rentre, non ?

- Tu veux pas jouer encore un peu ?

- Non, ça me fait plus rigoler là, on a assez bougé, tu trouves pas ?

- Si, si…

Avant, on pouvait passer toute la journée à jouer, avec Chacha. Depuis quelque temps, on faisait ça pendant deux heures, et maintenant, ce n’est plus qu’une heure qu’on passe ensemble. Bientôt, ce sera pendant une petite demi-heure, voire moins.

Je crois qu’elle n’aime plus vraiment jouer avec moi mais en temps normal, je préfère ne pas y penser. Seulement, quand je la voit s’éloigner comme aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de penser que bientôt, je serais tout seul à continuer de combattre le mal.

- Tu viens ? me demande-t-elle.

- Oui, j’arrive, pars devant.

Je devrais vous reparler du renard de cette nuit-là, parce qu’il n’a pas disparu. Depuis l’épisode du pré enneigé, il demeure dans mon imagination et dans mes rêves. Là, en regardant ma sœur partir, je reste un peu avec lui. Après tout, moi non plus, je n’ai plus envie de jouer, maintenant qu’elle n’est plus là.

Au bout d’un moment, mon ami renard se met à courir en faisant craquer les feuilles mortes sous ses pattes et je me sens obligé de le suivre. Je me retrouve dans une clairière vaguement familière. Ensuite, je gravis une colline escarpée avant de me retrouver devant la vieille maison située de l’autre côté du pré de Pépé.

Avec Chacha, nous avions l’habitude de nous rendre dans cette maison abandonnée pour nous raconter des histoires qui faisaient peur. Elle servait de décor à nombre d’aventures puisque son plancher était instable et grouillait de bestioles dégoûtantes.

Mais aujourd’hui, pas de bêtes ni d’histoires de fantômes. De la fumée sortait de la cheminée et une dizaine d’hommes en salopettes et bleus de travail démontaient un échafaudage.

Visiblement, la maison n’était plus à l’abandon.

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