Roberto
Roberto était toujours très élégant pour venir au gymnase (dans le sens de lycée en Suisse), il mettait un costard, une cravate, un chapeau. Cela contrastait avec la tenue débraillée des autres gymnasiens et lui attirait quelques moqueries ou, au contraire, un soupçon d’admiration, il fallait oser.
Il gardait cette élégance sous la douche après le sport. Je le regardais se doucher dans la vapeur, son sexe n’avait rien d’extraordinaire. Il se savonnait, mettait un parfum et changeait de slip. Cela vous paraît peut-être normal, je ne l’ai jamais fait. Nous nous douchions sans nous laver et remettions le même sous-vêtement. C’était encore l’époque des slips blancs et Roberto ne dérogeait pas à la règle.
Roberto semblait être plus mature que nous. Alors que nous étions dans le compartiment d’un train de nuit, en route pour la traversée de l’Allemagne de l’est jusqu’à Berlin, un autre camarade, étendu sur sa couchette en sous-vêtements, s’était mis à faire des allusions sexuelles, il devait être manifestement excité de se retrouver dans cette ambiance. Roberto l’avait assez sèchement remis à l’ordre en lui disant :
« Pietro, branle-toi si tu le désires et laisse-nous dormir ».
Je n’avais pas beaucoup dormi cette nuit-là et je m’étais branlé, en essayant de faire le moins de bruit possible.
Roberto a fait les gros titres de la presse locale quelques années plus tard, il avait braqué une banque. Je ne sais pas s’il se douchait toujours avec la même élégance en prison.
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