Je reste muette de stupeur. Je ne reconnais pas le livre, sa couverture ne me dit rien. Je ne l'ai jamais vu de ma vie en fait. Je dois halluciner. Est-ce que ma mémoire me joue vraiment des tours ou est-ce la réalité ?

Sous le regard accusateur de mon frère, je me sens obligée de baisser la tête. Il soupire, exaspéré, se laisse tomber lourdement sur le canapé et glisse une main dans mon dos. Je suis soulagée. Il m'embrasse sur le front, comme pour s'excuser de son emportement.

- Peu importe, c'est pardonné. Mais si tu n'aimes pas un livre, tu n'as qu'à le dire, hein ? Je vais pas le prendre mal si ce n'est pas de ton genre préféré. Compris ?

Je ne peux qu'acquiescer. Il a tout faux mais il essaye quand même de me comprendre. Et je trouve ça très touchant.

Nous passons le reste de la soirée dans le calme, à discuter de tout et de rien, dans la lueur vive et chaleureuse d'une lampe murale. Il me faut du temps pour m'endormir sur l'épaule robuste de mon vieux frère qui ricane de temps à autre à la lecture d'une histoire de conte de fées.

Le lendemain, je me réveille avec un horrible mal de crâne. J'ai tellement mal que je trébuche, glisse sur le carrelage de la salle de bain et m'agrippe au rebord de l'évier. Il est tôt, je le vois au soleil vif qui perce les volets. Quelle heure est-il ?

Je me relève, défroisse mon pyjama bleu ciel et cours au rez-de-chaussée. Mon frère est là, à demi affalé sur le canapé, bavant sur son vieux t-shirt rayé. Il me fait de la peine mais en même temps sa sale tête me fait bien rire. Je devrais vraiment le prendre en photo un de ces jours.

Un tremblement de terre - ou du moins ce qu'il me semble être - m'annonce le réveil de l'ogre. Il siffle du nez, ravale sa salive et, évidemment, tombe du canapé en un bruit de tonnerre.

Je viens de réveiller mon frère. Il est temps de filer.