15. Un O'Brien peut en cacher un autre

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Joy

Je crois n'avoir jamais été aussi excitée d'être à Paris. Autant dire que je ne viens pas pour voir ma mère, loin de là, même si je pense y passer rapidement durant le weekend. En revanche, elle a été une superbe excuse pour ne pas avoir à prendre le bus du retour direction Lille en ce vendredi soir avec mes autres camarades. Ben oui, personne ne peut me refuser de rester sur place pour le weekend en sachant que je vais chez mes parents. La réalité sera toute autre, puisque je compte bien squatter la chambre d'hôtel d'Alken.

Depuis que nous sommes rentrés de Cuba il y a un mois, mon beau Prof est bien occupé avec ses répétitions. Finalement, nous ne nous voyons pas tant que cela. Évidemment, davantage maintenant que Kenzo est au courant, mais il passe ses fins de semaines à la Capitale et j'en profite pour bosser au Nouveau Départ. Alors autant dire qu'un weekend à deux, j'en rêve et je crois que lui aussi. Ce sera malheureusement entrecoupé de représentations puisqu'il dansera sur scène samedi soir et dimanche après-midi, mais c'est toujours mieux que rien.

C'est un rêve de danser dans ce théâtre. Chaillot est l'objectif de beaucoup d'entre nous et, à défaut de pouvoir monter sur scène, nous nous installons dans la salle Jean Vilar, dont les gradins montent plutôt haut et font rêver. La salle est presque comble pour cette première et je m'assieds à côté de Théo avant d'être rejointe par Kenzo. Tous les deux se font la tête depuis un moment et je n'ose pas me mêler de tout ça. Je ne voudrais pas avoir à choisir entre l'un et l'autre, surtout que Kenzo brise le cœur de mon meilleur ami et colocataire, alors je ne prends pas parti sous peine de me fâcher avec lui. Ce qui serait plutôt ennuyeux en sachant que je sors avec son père.

Je soupire quand Sarah s'installe juste derrière nous avec certaines autres filles. Nul doute qu'elle va kiffer et passer son temps à baver sur mon homme, et ça m'agace d'avance. Elle n'a aucune gêne, puisqu'elle parle ouvertement de lui devant son propre fils, qui ricane bien dans sa moustache et me lance souvent des regards entendus. Si elle savait, la petite, que c'est moi qui me glisse dans son lit, que c'est moi qui connais son corps par cœur, que je savoure chaque instant en sa compagnie.

— J'ai hâte de voir ce que ça donne. Tu crois qu'Alken est du genre à nous pistonner ? Je rêve de danser pour Benkali, moi, soupire Théo.

— Je crois que tu y arriveras, mon Chou, et que tu n'as aucun besoin de piston pour ça. Qui sait, peut-être qu'un jour on dansera ensemble sur l'un de ses spectacles, murmuré-je en attrapant sa main.

Il n'a pas le temps de me répondre que les lumières s'éteignent. Je sais qu'Alken stressait un peu avant ce soir, d'autant plus qu'il n'a eu qu'un mois pour répéter avec son nouveau collègue, Olivier, que je découvre à présent sur scène. Mon regard est rapidement happé par mon danseur, dont l'allure me captive immédiatement. Outre la beauté du corps, l'attirance habituelle que je ressens pour lui, le talent du danseur m'hypnotise et m'appelle. Il est superbe, il remplit l'espace et captive toute l'assistance, j'en suis sûre. Même Sarah, derrière moi, la boucle, ou je suis trop occupée à admirer le spectacle pour entendre sa voix pourrie.

Lorsque les lumières se rallument, la salle se lève pour applaudir et je ne peux que me joindre à tous ces spectateurs emballés. Le show est superbe et va faire un carton, c'est certain. La fierté que je peux lire dans les yeux de Kenzo me fait chaud au cœur, et je pense qu’on peut y voir le même genre de sentiments dans mon regard. J’ai envie de crier à tous que le beau gosse torse nu qui salue au milieu des autres danseurs est mon mec.

Nous nous retrouvons embarqués avec la foule jusqu’au hall du bâtiment qui donne sur la Tour Eiffel illuminée, et je peine à masquer le sourire qui s’est imprimé sur mon visage.

— Alors ? Tu en as pensé quoi ? A part qu’ils étaient tous beaux comme des Dieux, évidemment ? demandé-je à Théo en riant.

— Un jour, je veux danser comme eux, ma Princesse. Et oui, ils étaient beaux ! Tu as vu le cul du petit nouveau ? Un régal !

— Oui, oui, pas mal du tout.

— Vous parlez du prof ? intervient Sarah avec un sourire jusqu’aux oreilles. Bon sang, je me demande comment je vais pouvoir le considérer encore comme mon prof quand j’ai juste envie de lui arracher ses fringues.

— Je l’ai vu en maillot de bain à Cuba, et je t’assure que le spectacle en vaut la chandelle, Sarah, sourit Théo, les yeux rêveurs.

J’ai bien envie d’ajouter que je l’ai vu sans le maillot et que le spectacle est d’autant plus agréable, mais je vais garder ce petit détail pour moi. Pour autant, je crois que le jour où j’ai mon diplôme, j’irai lui parler du grain de beauté qu’Alken a sur la fesse droite, histoire qu’elle comprenne que j’ai eu plus de chance qu’elle et que ce beau gosse, danseur de talent, est à moi.

— Allez les jeunes, crie Elise en tapant dans ses mains comme si nous étions des enfants, au bus !

Je prends Théo dans mes bras et l’embrasse sur la joue avec force.

— Occupe-toi ce weekend, et va embêter Léon si tu te sens un peu seul. Ou envoie-moi des messages, ok ? Mouronne pas dans ton coin.

— Oui, c’est prévu, ma Chérie. Léon et moi, on fait les magasins ce weekend. Je l’emmène au Monop’. Tu vois, tu n’as pas à t’en faire pour moi. Ça va être la fiesta ! rigole-t-il un peu tristement.

— Je t’aime, grand fou, soupiré-je en le serrant avec force contre moi. Je rentre dimanche soir, on se fera une pizza et des câlins, promis.

— Tu es la meilleure, Joy. Merci ! Vivement dimanche soir alors. Profite de tes parents !

La meilleure menteuse, oui, et la pire des meilleures amies, je crois. Je vais passer le weekend avec mon amoureux alors que mon colocataire déprime à cause de son mec qui va voir si l’herbe est plus verte ailleurs.

— Comment il va ?

Je me tourne vers Kenzo alors que Théo passe la porte du théâtre et me retiens de l’engueuler de peu.

— Ça t’importe vraiment ? soupiré-je en récupérant mon téléphone dans mon sac.

— Joy… J’ai aucune envie de le faire souffrir, tu sais ?

— Ben c’est raté, mon lapin, il morfle pendant que tu t’envoies en l’air avec une nana… Mais passons, ça ne me regarde pas.

J’avance de quelques pas vers l’entrée pour observer la Tour Eiffel. C’est fou d’être ici, et ça le devient encore plus quand l’un des types qui assurent la sécurité vient nous chercher pour nous accompagner dans les coulisses. Il y a plein de monde dans les couloirs, et nous pouvons apercevoir les danseurs dans leur loge dont la porte est ouverte, en compagnie de leurs proches. Celle d’Alken est fermée, et lorsque nous entrons après avoir frappé, nous le trouvons à peine sorti de la douche, une serviette de toilette nouée autour de la taille. Kenzo le prend dans ses bras et lui tapote le dos avec ferveur.

— Bravo P’pa ! Le spectacle était génial, t’as assuré !

—Merci, Fiston. J’ai fait quelques petites erreurs, mais je pense que ça ne s’est pas trop vu. Et le spectacle est génial. Quel plaisir de danser ainsi ! Ça t'a plu, Joy ? me demande-t-il en me faisant un rapide baiser après s’être assuré que personne ne pouvait nous voir.

— Oui, c’était superbe. Vous êtes très doué, Monsieur O’Brien, je suis sous le charme !

— J’ai bien fait de danser alors, sinon je ne sais pas comment je pourrais te séduire, ma Chérie.

— Pitié, n’allez pas jusqu’à flirter devant moi, grimace Kenzo, le sourire aux lèvres alors que j’allais répliquer.

—Est-ce que moi je t’embête quand tu ramènes Emilie à la maison ? le taquine Alken en souriant aussi. Je suis content que vous ayez pu venir me voir, ça me fait très plaisir.

—Tu es trop fort, P’pa. Et le petit nouveau, on n’aurait pas dit qu’il n’avait pas autant répété que vous. Il s’est bien intégré. La magie a opéré, tout le monde était sous le charme.

— C’est vrai qu’on n’y a vu que du feu. Le travail a payé, dis-je doucement alors que Mohamed Benkali en personne débarque dans la petite pièce sans même frapper.

— Formidable ! Tu feras attention à ton bras au moment du bond et ce sera parfait, Alken ! Bravo, je ne suis pas déçu ! Oh, mais qui voilà ? Ton fils et sa copine ?

— Merci, Mohamed, je ferai attention, oui. Et c’est bien mon fils, Kenzo, mais Joy n’est pas sa copine, juste une autre de mes élèves. Tu l’as rencontrée à Lille, tu ne te souviens pas ? Ils dansent tous les deux très bien, deux jeunes très prometteurs, tu peux me croire sur parole.

Nous sourions tous les deux et nous saluons le chorégraphe alors qu’il nous dévisage un instant. Son regard s’éclaire et il nous sourit.

— Je crois que ton fils a la même beauté un peu hors du temps que toi, Alken. Dis-moi, Kenzo, un petit essai pour un de mes prochains spectacles, ça te dirait ? lui demande-t-il sérieusement. Je te verrai bien dans un rôle, mais c’est sur un thème un peu controversé.

— Controversé ? s’interroge mon beau danseur.

— Non, mais on s’en moque du thème, s’enthousiasme son fils. Je suis partant !

— T’inquiète Alken, c’est juste que pour le rôle auquel je pense, il va falloir que ton fils fasse semblant d’embrasser un autre danseur. Tu vois le genre ?

Je manque de m’étouffer car le chorégraphe a vu juste sans le savoir. Il doit y avoir des signes à un niveau presque imperceptible pour qu’on lui propose ce type de rôle. Kenzo rougit de son côté alors que son père plisse les yeux, méfiant. Et moi, tout ce que je me dis, c’est que ce n’est pas juste qu’on propose quelque chose à mon ami et pas à moi. Qu’a-t-il de plus que moi ? Ça fait deux fois que Mohamed me croise et il ne me propose rien, il m’oublie même, mais il aperçoit Kenzo et déjà il a en tête un rôle pour lui ? Vraiment ? Si c’est le cas, il va falloir que je travaille encore plus dur pour avoir des chances de réussir dans ce milieu. Mais aux côtés d’Alken, ça devrait être possible, non ? Tout devient envisageable aux côtés de mon brun.

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