33. Dur, dur de se séparer
Joy
Je dépose sur la table de la terrasse la salade et le pain, et me retrouve sur les genoux d’Alken, emprisonnée dans ses bras. Sa bouche se pose dans mon cou et ses mains baladeuses se posent sous ma robe pour caresser mes cuisses.
— Vas-y mollo, tu ne vas pas récupérer ta caution si on casse la chaise, ris-je en glissant mes mains sur sa nuque.
— Tant pis pour la caution, je leur dirai qu’il faut qu’ils prévoient des chaises plus solides si ça ne résiste pas à ton poids plume, ma Chérie. Et à nos acrobaties ! ajoute-t-il en faisant mine de sautiller sur son siège.
Je niche mon nez dans son cou en riant alors que j’entends Kenzo ronchonner derrière nous.
— Un peu de tenue, tous les deux, je suis là, quand même. Peut-être qu’on devrait les arroser pour les refroidir un peu, ces deux-là. T’en penses quoi, Théo ?
— J’en pense que le brushing de Joy ne s’en remettra pas, et qu’en plus ça ne suffira pas à les calmer, ricane mon colocataire en s’installant à nos côtés. Mes genoux sont libres aussi, si tu veux, Princesse !
— Ça va aller, je te remercie, je ne bouge pas d’où je suis, sauf si mon confortable fauteuil humain avec option câlins veut que je le lâche.
— Pas tout de suite, ce n’est pas encore l’heure de partir, répond-il en enfouissant sa tête dans ma poitrine, comme si ces contacts que nous multiplions étaient le remède contre la séparation qui s’annonce.
— Eh bien, le repas va être long, soupire théâtralement Kenzo. Gardez vos fringues, quand même ! Et épargnez-moi des cauchemars, pitié.
— Oh, petite nature ! Comme si tu n’avais jamais vu de seins ! dit son père avant de jeter un regard gêné vers Théo qui se contente de sourire.
— Pourquoi est-ce que les conversations partent toujours en vrille quand il s’agit de nous quatre ? C’est fou, ris-je en me levant pour m’asseoir à table correctement, tirant malgré tout ma chaise pour être tout près d’Alken.
— Parce qu’il y a plein d’amour autour de la table, indique Théo, toujours aussi philosophe.
Je jette un œil à Alken qui me sourit. Je suis sûre que je dois avoir un air niais quand je regarde cet homme. Comment pourrait-il en être autrement ? Je suis totalement sous le charme, captive volontaire de ses bras et de tout son être.
Nous déjeunons tous les quatre avant le grand départ d’Alken, et je ne peux m’empêcher d’être un peu amère à cette idée. Ces quinze jours ont passé beaucoup trop vite et j’ai l’impression de ne pas avoir assez profité de lui. Evidemment, nous nous reverrons dans un peu plus de deux semaines, mais j’ai toujours cette impression stupide qu’il emporte avec lui une part de moi.
— Je te promets une soirée pleine de câlins pour apaiser ta peine, Princesse, murmure Théo à mon oreille alors que nous débarrassons la table.
— Je crois que je vais au moins avoir besoin de ça, ris-je en me lovant contre lui. C’est pas juste que Kenzo puisse rester et pas Alken, je suis jalouse.
— Eh, la jalouse, il est arrivé une semaine après, mon amoureux ! J’ai le droit à au moins cette semaine bonus !
Je lui tire la langue, vaincue, et prépare le café avant de tout apporter sur la terrasse, où Alken et Kenzo discutent tranquillement. Mon homme me sourit, charmeur, en me voyant revenir vers lui et se lève pour m’enlacer à nouveau. Nos lèvres se trouvent le plus naturellement du monde et je ne peux retenir un petit gémissement quand il me mordille la lèvre.
— On ne dirait pas que vous avez passé la nuit à faire des bêtises, s’amuse Kenzo en nous regardant.
— Ce ne sont pas les seuls, réplique Théo qui se penche pour l’embrasser.
Ces propos m’exaspèrent et m’émoustillent quand je repense à toutes les sensations que m’a encore fait découvrir mon amant la nuit dernière.
— Oh Alken, promets-moi que tu ne vas pas profiter de ces quinze derniers jours de séparation pour m’abandonner pour une bimbo plus sexy que moi. Je crois que je n’y survivrais pas.
Je me sens un peu niaise à dire ça, mais c’est sorti tout seul.
— Promis, craché, juré, répond-il en faisant mine de cracher par terre.
— Oh P’pa, t’es dégueu ! s’écrie son fils en le regardant, ahuri.
— Arrête de les embêter, mon chou, lui glisse Théo en l’attirant vers lui. Laisse-les profiter de ces quelques moments avant leur séparation, ils en ont besoin, tu le vois bien.
Mon colocataire me fait alors un petit signe de tête et il rentre dans le mobil-home, Kenzo sur ses talons. Alken passe son bras autour de ma hanche et m'entraîne à travers le camping jusqu’au sentier qui mène à la mer, où nous nous arrêtons, au bord de l’eau, bercés par le seul bruit des vagues. Enfin, il y a plein de monde et donc pas mal de bruit, mais c’est comme si nous étions dans notre bulle. Ses beaux yeux verts se perdent sur l’horizon tandis que les miens ne se détachent pas de son profil. Je rougis un peu en voyant l’arrête de son nez avec laquelle il s’est amusé à me faire jouir en caressant mon clitoris. J’adore sa barbe mal rasée dont les frottements sur mon intimité ont réussi à me faire craquer à chaque fois. Et ce sourire… Légèrement en coin. Mon mec a un charme fou et je crois que je suis follement amoureuse de lui. Prise dans mon élan, je le surprends dans sa contemplation et lui saute littéralement dessus pour l’embrasser. Sa langue ne se fait pas prier et s’immisce entre mes lèvres pour venir me rendre à mon tour folle de désir pour lui. Mais l’heure passe et nous n’avons pas le temps de nous attarder. Le covoiturage qu’a réservé Alken ne va pas tarder à arriver.
— T’es vraiment, vraiment obligé de partir ? soupiré-je en me levant.
— J’ai le spectacle qui reprend dans une semaine, et Mohamed nous attend pour répéter avant la reprise. Je dois y aller, oui, répond-il aussi triste que moi.
— Mohamed m’emmerde, pour être honnête avec toi, souris-je. Alken ? Est-ce que ta proposition tient toujours, au fait ?
— Celle de te faire jouir encore et encore ? Bien sûr ! Une promesse, c’est une promesse !
— Alken ! ris-je. Je te parle de ta proposition d’emménager chez toi, gros bêta !
— Ah mais oui, bien sûr aussi, ma Chérie. Je pensais que tu ne voulais plus. Ma chambre et mon appartement te sont grand ouverts si tu souhaites venir vivre avec moi. Ce serait vraiment exceptionnel ! s’enthousiasme-t-il.
— J’en ai envie, mais seulement si Kenzo est d’accord. Je ne veux pas m’imposer non plus…
— Kenzo sera ravi d’avoir son amie à la maison, non ? sourit Alken. En tous cas, plus sérieusement, je pense réellement que ça ne le dérange pas et en plus, il n’a pas trop son mot à dire. Tout va bien se passer, tu verras. J’ai hâte que tu arrives !
Il m’attire dans ses bras et me gratifie d’un baiser du tonnerre qui me laisse pantelante avant que nous ne reprenions le chemin du camping afin qu’il récupère ses affaires.
Les au revoir avec Kenzo et Théo sont rapides, quand je sais que, pour ma part, j’aurai bien plus de mal à le lâcher de la sorte. Quand il hisse son sac de voyage sur son épaule et attrape ma main pour nous conduire à l’entrée du camping, je suis bien trop déprimée pour que ça ne se voie pas sur mon visage. Dire que la prochaine fois que nous nous verrons, ce sera à Lille et qu’il faudra que nous nous cachions ! Je ne sais pas comment je vais faire pour repartir dans cette configuration après quinze jours à faire comme bon nous semblait, sans se cacher, en nous assumant avec fierté.
Je me love contre lui une fois sur le parking du camping et profite de nos dernières minutes de liberté.
— J’aurais dû t’attacher au lit ce matin pour t’empêcher de partir, marmonné-je en glissant mes mains sous son tee-shirt.
— Madame a des envies de domination ? me répond-il en souriant. Je me demande ce qui t’a retenue de le faire, ma Chérie. Ça ne me déplairait pas de rester ici jusqu’à la fin des vacances !
— Madame n’a pas envie que tu partes, c’est tout, ris-je. Quant à la domination… Il ne faut pas mourir bête, j’imagine !
— En tous cas, c’est vraiment super quand on peut passer du temps à deux sans se cacher, juste à profiter. J’ai tellement hâte que ce soit comme ça tout le temps et pour toujours…
— Oui… Ça va être difficile de repartir dans un quotidien caché après ça. Au moins, si je me tape l’incruste chez toi… On pourra avoir un minimum de normalité, soupiré-je alors qu’une voiture se gare près de nous.
Je jette un oeil à la petite citadine bleue, de laquelle sort une jeune femme superbe, grande et blonde, qui me donne des envies de meurtre dans la seconde.
— Tu l’as trouvée sur un site de covoiturage ou sur un site de rencontres, celle-là ? marmonné-je, presque suspicieuse.
— Qui ça ? demande-t-il en se retournant pour voir de quoi je parle.
Je me surprends à l’observer détailler la jeune femme et sens ma jalousie monter en flèche quand je le vois la détailler des pieds à la tête. Il se retourne cependant vers moi et me sourit avant de reprendre.
— Tu n’es pas jalouse, quand même ? Je vais juste faire la route jusqu’à Marseille avec elle, avant de reprendre le train pour Paris. Tu sais qu’elle ne fait pas le poids à côté de toi.
— Moi, jalouse ? Jamais… Mais tu lui diras que si elle te touche, je la retrouverai peu importe où elle se cache pour lui couper les deux mains et lui faire passer l’envie de draguer un mec déjà pris, dis-je en souriant, l’air innocent.
Il n’a pas le temps de me répondre qu’elle se tape l’incruste entre nous et lui fait deux bises bien sonores sur les joues avant de me dévisager, l’air pas franchement amical.
— Je pensais qu’il n’y avait qu’un passager, demande-t-elle sans me quitter d’un regard que j’affronte le plus sereinement possible.
— Oui, il n’y a que moi qui voyage. Ma compagne doit rester ici car elle travaille jusqu’à la fin du mois, malheureusement. Merci d’être venue me retrouver ici en tous cas. Vous pouvez nous laisser cinq minutes qu’on se dise au revoir ?
— Oui, mais faites-vite, dit l’autre pimbêche, visiblement un peu déçue, on a de la route à faire.
— Promis, on se dépêche, souris-je outrageusement avant d’embrasser Alken sans attendre son départ.
Je crois que nous utilisons les cinq minutes, peut-être même plus. De vrais petits ados qui s’abandonnent pour les vacances scolaires, accrochés l’un à l’autre et ayant beaucoup de mal à nous lâcher. Il faut que la bimbo klaxonne pour que nous nous écartions finalement l’un de l’autre, et après un dernier baiser, il dépose son sac dans le coffre avant de s’engouffrer aux côtés de son covoiturage. Je déteste le voir partir, surtout avec cette pouffe qui ne me dit rien qui vaille, mais je n’ai pas trop le choix. Le boulot m’attend, et le sien aussi, malheureusement.
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