36. SOS d'une Marie en détresse

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Alken

Je marche entre les grandes tours modernes qui entourent le commissariat de la ville. Marie est à mes côtés, silencieuse. Il ne fait vraiment pas froid, mais elle ne quitte pas sa veste, à la fois je pense pour cacher les bleus qu'elle a sur le corps mais aussi parce que le choc de la violence subie semble avoir retiré toute chaleur de son existence. Arrivés devant la porte, sur la petite place où se situe le commissariat, elle s'arrête net et me lance un regard désespéré qui me fait mal au cœur.

— Allez, Marie. Courage. C'est juste un mauvais moment à passer. Et ce connard de Steve mérite tout ce qui va lui arriver. Il faut le mettre hors d'état de nuire. Tu as vu comment il t'a amochée ?

— Je sais bien… C’est juste que… Enfin, allons-y avant que je ne change d’avis, soupire-t-elle en glissant son bras sous le mien.

— Je suis là, Marie. Tout va bien se passer.

Je l'entraîne à ma suite à l'intérieur du poste de police et nous sommes accueillis par un jeune policier à qui j'explique la situation. Il prend nos cartes d'identité et nous demande de patienter dans la petite salle qui rassemble tous ceux qui, comme nous, cherchent à faire valoir leurs droits.

Rapidement, une officière de police judiciaire vient chercher Marie mais ne me laisse pas me joindre à elle. J'en profite pour contacter Rafael, un ami avocat qui est devenu spécialiste sur ce genre d'affaires. C'est son épouse qui est aussi sa secrétaire qui me répond.

— Bonjour Charlotte. Tu vas bien ?

— Très bien, merci, et toi Alken ? Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

— Moi, ça va, mais j'ai une amie qui a besoin de Rafael. Tu crois qu'il aurait le temps de la rencontrer et de s'occuper de son affaire ?

— Bien sûr, tu sais bien qu’il ne sait pas dire non, encore moins à un ami. Bon, sa prochaine dispo pour un rendez-vous c’est dans quinze jours, mais je peux te proposer un déjeuner ce midi, ou demain, comme vous préférez. J’ai l’habitude de ne l’avoir pour moi qu’une fois à la maison, rit-elle.

— Super, je te tiens au courant, Charlotte. Je vois avec Marie et je te dis quoi. Merci en tous cas, salue Rafael de ma part !

— Ce sera fait, compte sur moi. A très vite, Alken

Je raccroche et continue à patienter jusqu'à ce que Marie ressorte enfin du bureau où elle était. Elle a l'air anéanti et je pense qu'elle a dû beaucoup pleurer vu comment ses yeux brillent.

— Tu peux m'emmener à la médecine légale, Alken ? Je suis désolée d'abuser de ta gentillesse, mais j’ai des examens à faire et il faut que je rencontre un médecin…

— Pas de soucis, soupiré-je. Tu as besoin d'aide et c'est normal que je fasse ce que je peux. J'ai pris contact avec un avocat en attendant. Tu pourras le rencontrer quand tu seras prête.

— Je suis désolée quand même… J’imagine que tu avais mieux à faire de ta journée... Et merci, vraiment.

Clairement, j'avais mieux à faire oui. Quand je pense que j'avais prévu de fêter l'emménagement de Joy en passant l'après-midi à lui faire l’amour… Mais je ne peux pas avouer ça à Marie, je fais comme si son arrivée surprise ne bouleverse pas tous mes plans et je l'emmène donc à son nouveau rendez-vous. Une fois de plus, je suis condamné à attendre dans la salle d'attente. C'est beaucoup plus aseptisé qu'au commissariat et les personnes présentes ont toutes des traces de coups, des bandages… Je me demande dans quel pétrin je me suis fourré en acceptant d'aider Marie. Je ne sais pas pourquoi c'est vers moi qu'elle s'est tournée. Je sais qu'elle me considère comme son ami mais j'espère qu'elle n’attend rien d'autre de ma part. J’aimerais aussi que cette relation avec cet enfoiré de Steve n'ait pas été une relation pansement juste pour m'oublier. Sinon, je me sentirais un peu responsable de ce qui arrive à la jolie secrétaire.

Le temps passe lentement alors que je joue sur mon téléphone en attendant Marie. Elle sort quelques instants pour m’indiquer qu’elle doit encore faire une radio.

— Alken, je viens de voir la psychologue. Elle me dit que pour partir, il faut que j’aille chez une personne de confiance, à la fois pour me surveiller et me soutenir, mais surtout pour ne pas que…

Elle ne finit pas sa phrase et s’écroule, en larmes dans mes bras. Elle est touchante de fragilité et j’essaie de la réconforter sans comprendre ce qu’elle essaie de me dire.

— Surtout pour ne pas faire quoi ? demandé-je doucement en lui caressant les cheveux.

— Pour ne pas qu’il me retrouve et recommence à me frapper… Oh Alken, je suis désolée de te mettre dans cette situation… Mais tu veux bien m’héberger encore quelques jours, le temps que je trouve une autre solution ? Je n’ai nulle part où aller… Je me ferai discrète chez toi.

— Bien sûr que tu peux rester, m’entends-je dire alors que je ne pense qu’à Joy à qui je vais devoir annoncer que non seulement elle ne pourra pas emménager tout de suite avec moi, mais qu’en plus, mon ex va dormir chez moi.

Je sais qu’elle me fait confiance, mais ce ne sont pas de bonnes nouvelles pour notre couple. Déjà, nous cacher n’est pas facile, mais si en plus, les circonstances nous empêchent de nous voir, ça devient encore plus compliqué. Pour l’instant, je laisse Marie aller à sa radio et j’envoie un petit SMS à Joy.
Je pense à toi. Tu me manques. Je t’appelle dès que je peux. Bisous coquins à la plus jolie des danseuses.

Pardon, mais qui êtes vous ? Désolée, je suis devant Bridget Jones avec mon “encore coloc”, et Hugh Grant me fait même oublier mon prénom ! Tu me manques aussi. Comment va Marie ?

— Compliqué ici. On est à la médecine légale. Je t’explique dès que je peux. Bon film. Je t’aime.

D’accord… A plus tard alors. Je t’aime.

Je la trouve un peu froide depuis l’annonce de l’arrivée de Marie. Je comprends sa déception mais j’espère qu’elle sait que je suis moi aussi déçu de cette situation et que je fais ce que je peux pour la résoudre au plus vite.

Marie ressort enfin de sa consultation et elle me suit jusqu’à la voiture. Avant d’entrer, elle se jette à nouveau dans mes bras, m’enlace et vient nicher sa tête dans mon cou pour pleurer de plus belle. J’attends patiemment que ses sanglots se calment, en la laissant ainsi profiter de la chaleur de mes bras.

— Ça va mieux ? C’est fini, désormais, tu as fait le plus dur, Marie.

— J’ai peur de craquer, Alken… Peur qu’il vienne me voir à l’ESD, ou pire, qu’il me trouve chez toi.

— Il ne sait pas où j’habite, si ? Chez moi, tu ne crains rien. Tout va bien se passer, tenté-je de la calmer. Et s’il vient, je suis sûr que je suis plus musclé que lui !

— Oui, c’est sûr, rit-elle doucement sans me lâcher. Merci, vraiment…

Je parviens enfin à la repousser et elle va s’asseoir sur le siège passager, semblant avoir un peu retrouvé le sourire. Nous rentrons chez moi et je l’aide à s’installer dans la chambre d’amis, à côté de celle de Kenzo. Elle n’a quasiment pas d’affaires avec elle et je vois pour la dépanner de quelques tee-shirts et pantalons à moi pour qu’elle puisse se changer. Je la laisse aller prendre sa douche et profite de cet instant de tranquillité pour appeler Joy.

— Coucou ma Chérie, le film est terminé ? Je peux te déranger un peu ?

— Hey coucou. Le film est fini, oui, j’ai failli en manger un autre, quand on lance Théo, il est inarrêtable, rit-elle. Ça va ?

— Oui, on est rentré à l’appart. Marie a pris cher, c’est fou. Et elle a peur de son copain…

— Tu m’étonnes, la pauvre… C’est dingue de voir ce genre de choses. Elle a déposé plainte, c’est déjà ça, mais quand tu vois toutes ces histoires qui passent aux infos, je peux comprendre qu’elle ait la trouille…

— Oui, mais ça veut dire que là, elle va rester plusieurs jours à la maison. Au moins le temps qu’elle ne voie l’avocat que j’ai trouvé. Je crois qu’elle a trop peur pour aller ailleurs. C’est la merde…

— Ok, me répond-elle après plusieurs secondes de silence. Plusieurs jours, genre quatre ou cinq ? Ou quinze, vingt ? Ça repousse de beaucoup mon emménagement ?

— J’espère que non, Joy. Ce n’est pas elle qui doit emménager ici, mais toi. Je vais rappeler mon ami avocat et voir pour prendre un rendez-vous rapidement. En attendant, je l’ai installée dans la chambre d’amis, à côté de celle de Kenzo. Je me demande s’il ne faudrait pas lui dire pour nous. Comme ça, tu pourrais venir tout de suite…

— Et risquer nos carrières respectives pour quelques jours ? Je ne pense pas que ce soit très judicieux, soupire Joy. Et plutôt égoïste, vu ce qu’elle vit. Laisse tomber, on va patienter.

— Tu es sûre ? demandé-je, inquiet. J’ai juste trop envie d’être avec toi. Mais tu vas bosser ce soir… Ça va être compliqué de se retrouver. Moi qui me faisais une telle joie de te recevoir ici…

— Elle est sûre, Prof ! intervient Théo derrière Joy. Mais t’abuses ! Te plains pas si elle veut plus venir après. Tu comptes recueillir toutes les âmes en peine ou quoi ?

— Mais boucle-la, Théo, marmonne Joy. L’écoute pas, ça va, c’est bon…

— Eh, Théo, pourquoi tu viens pas faire l’ange gardien ici et je prends ta place chez Léon ? Comme ça, tout le monde serait content, non ?

— Tu rêves, ricane-t-il. Je préfère faire des câlins à Joy qu’à la secrétaire cochonne, moi.

— Mais moi aussi, je préfère ça. Joy donne les meilleurs câlins du monde, quand même. J’ai hâte que tu viennes, mon Amour.

— Ouais, je crois que c’est pas près d’arriver, soupire-t-elle. Bref, on pourra peut-être au moins se retrouver pour déjeuner un midi dans la semaine, non ?

— Oui, bien sûr. On va se débrouiller. Et promis, je fais tout pour la renvoyer chez elle dès que c’est possible. Bon courage pour le boulot, ce soir, ma Joy. Je t’aime.

— La renvoyer chez elle ? Évite, quand même, rit-elle doucement. Bonne fin de journée, et occupe-toi bien d’elle, mais pas trop non plus… Je t’aime.

Je raccroche, tout triste de ne pas pouvoir être avec la femme que j’aime. J’ai l’impression que je me suis mis dans une situation compliquée, là. Marie a besoin de moi, je le sais, mais au fond de moi, je crains que la situation ne se prolonge et décourage Joy d’avoir envie de venir me rejoindre.

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