44. Lancement de l'opération désinfection
Alken
— C’est par là, Marie, lui indiqué-je en lui ouvrant la porte de l’immeuble où se trouve le cabinet de Rafael. Monte l’escalier et ce sera la première porte à droite au deuxième étage.
Je la suis en essayant de ne pas trop mater ses fesses qu’elle dandine devant moi. Elle a arrêté ses avances directes depuis que je me suis fâché, mais elle reste néanmoins constamment dans la séduction. Je crois que, malheureusement pour elle, elle ne peut pas s’en empêcher. J’essaie de faire avec mais j’espère vraiment que Rafa va lui faire entendre raison et lui dire que ça ne sert à rien de passer sa vie chez moi. Je l’ai appelé pour le prévenir de la situation actuelle et il a surtout posé des questions sur la fille qui avait réussi à voler mon cœur alors qu’il pensait que j’allais finir vieux garçon.
Je souris en repensant à notre rencontre, un soir de spectacle. Sa femme, Charlotte, l’avait emmené contre son gré voir le show et il a tellement détesté les choses qu’il a passé le repas après la représentation à critiquer les danseurs, le chorégraphe, la musique… Sans savoir que j’étais assis à un mètre de lui, à la table d’à côté. Je n’ai pas pu m’empêcher de défendre mon travail et nous avons passé la soirée à discuter, échanger, argumenter. Et de fil en aiguille, nous nous sommes revus et sommes devenus amis. Il vient à tous mes spectacles qu’il critique sans retenue et je suis sa carrière et le soutiens quand il a des affaires difficiles de violences conjugales à traiter. Je me moque aussi de lui quand je suis invité chez lui et qu’il range tout avant même que ce ne soit le désordre. Même marié, il reste toqué de chez toqué. Heureusement qu’il n’a pas ce type de soucis quand il plaide ses affaires !
Marie sonne à la porte du cabinet et c’est Charlotte qui vient nous ouvrir. Charlotte est une ancienne cliente de Rafael dont il est tombé sous le charme alors qu’il la défendait. Ils ont essayé de résister mais c’était voué à l’échec. Ces deux-là s’entendent à merveille, et Charlotte l’aide maintenant en gérant l’accueil et le secrétariat de son cabinet.
— Bonjour Charlotte, la salué-je en l’embrassant. Ça fait plaisir de te revoir. Tu vas bien ?
— Très bien, merci, et toi ? me répond-elle avant de se tourner vers Marie pour lui serrer la main. Vous devez être Marie, enchantée. Entrez donc.
Nous la suivons jusqu’à une petite salle d’attente. Marie a l’air d’être vraiment apeurée, mais je m’assois plus loin, gardant mes distances pour éviter qu’elle ne dérape à nouveau. J’envoie un texto à Joy pour lui indiquer que nous sommes dans la salle d’attente. Elle me répond avec un petit smiley, ce qui est déjà pas mal. Depuis que j’ai avoué ce qu’il s’est passé, elle aussi garde ses distances et ça me fait un peu mal de la voir si lointaine, presque froide. Elle n’arrive pas à me pardonner mon écart, même si elle sait que je n’en suis pas vraiment responsable et que j’ai tout fait depuis pour éloigner l’auteure de la fellation coupable.
Rafael arrive ensuite et salue Marie en lui faisant un grand sourire. Toujours aussi charmeur, il lui fait un baise-main avant de serrer la mienne.
— Bonjour mon ami !
Te voilà embarqué dans une nouvelle histoire ?
Tu sais que cela me réjouit,
d’avoir ce prétexte pour te revoir.
Je souris à ses vers improvisés et constate qu’il ne change pas. Marie est impressionnée aussi et je vois à son regard qu’elle va peut-être m’oublier un peu et reporter son attention sur le bel avocat barbu qui s’apprête à lui venir en aide dans son histoire contre Steve.
— Arrête ton charme, Rafa, Marie est dans la merde et ne peut même pas rentrer chez elle tellement son petit ami est un fou furieux. Il faut que tu fasses quelque chose !
— Alors, Marie, il va falloir tout me raconter. Vous souhaitez que votre ami reste ou bien nous faisons ça avec mon assistante et moi seulement ?
— Non, maintenant que vous êtes là, je n’ai plus besoin de lui, répond-elle alors que je m’étais déjà levé pour les suivre.
— Attention, Rafa, Marie semble se faire des idées sur toi, rigolé-je doucement. Il faudra dire à ta femme que tu plais toujours autant à ces dames !
— T’inquiète, Alken, je vais gérer ! A tout à l’heure.
Je me demande si je dois attendre que Marie sorte ou si je peux la laisser là, entre de bonnes mains, vu que je ne sers plus à rien. Malgré tout, je reste encore un peu car j’ai promis de la raccompagner à la fin du rendez-vous, pour la protéger de ce Steve que je n’ai jamais vu mais qui l’effraie tant.
Lorsqu’elle ressort après presqu’une heure d’entretien, elle a l’air un peu moins tendue. Elle semble rassérénée et Rafa m’indique qu’il a accompli sa mission. Je me tourne vers Marie, intrigué de savoir de quelle mission il parle.
— Ah, Alken, tu m’as attendue ? C’est gentil, je croyais que tu serais parti. Ton ami est vraiment gentil, tu sais ? Il a accepté de me défendre et me conseiller. Ça fait du bien de ne plus être seule pour affronter la situation.
Encore une fois, elle considère que je n’ai rien fait pour elle. Cela commence clairement à me gonfler, ce manque de considération. Je ravale ma fierté et lui demande quelle va être la stratégie de son nouvel avocat.
— Le plus important, selon Maître Ramirez, c’est que je parte de chez toi, Alken. Il me dit que l’image que je donne de moi en me réfugiant chez un homme célibataire, n’est pas la meilleure pour les juges. Si je veux mettre toutes les chances de mon côté pour faire tomber ce con qui me frappait, il faut que je déménage. Je crois que je vais retourner chez ma mère dès ce soir. Ce sera plus respectable, sourit-elle.
Je suis un peu surpris mais je me rends compte que mon ami a encore fait des merveilles. En un rien de temps, il l’a convaincue de faire ce que j’ai mis des jours à essayer de lui faire entendre sans succès. Je le remercie d’un sourire alors qu’il lève son pouce vers moi en me faisant un clin d'œil. Je raccompagne Marie chez moi et suis vraiment surpris de voir qu’elle se met immédiatement à préparer ses valises. Un vrai miracle.
— Merci Rafa. Madame s’en va prendre ses quartiers d’hiver. Je vais retrouver ma liberté. Bonne fin de journée.
J’ai à peine fini d’écrire ce SMS que je vois Marie redescendre avec sa valise. Elle me colle une petite bise amicale sur la joue et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, elle a refermé la porte derrière elle, me laissant seul dans mon appartement.
— Allo ? Bonjour ma chérie ! C’est moi ! m’exclamé-je alors que Joy décroche à la première sonnerie.
— Oui, j’ai vu ça, Alken, ton prénom s’affiche sur mon téléphone, tu sais. Le minitel, c’est fini depuis longtemps.
— Ah oui ? Je ne suis pas au trente-six quinze sexe phone ? demandé-je pour la dérider un peu.
— Ah non, le dernier acte sexuel que tu as fait, c’était pas à ce numéro, Prof, marmonne-t-elle.
— Oh Joy, s’il te plaît, passons à autre chose. J’ai une bonne nouvelle à t’annoncer si tu acceptes de me parler sans revenir sur cette erreur de parcours.
— Laquelle ? Marie s’est étouffée avec une nouvelle giclée ?
Même si c’est comme ça depuis que j’ai avoué ma mésaventure, ça fait toujours mal au cœur de l’entendre aussi amère.
— Moi aussi, je t’aime, Chérie, rétorqué-je sans répondre à sa provocation. Tu crois que tu me pardonneras un jour ou bien je finirai vieux garçon en pensant à tout ce qu’on aurait pu vivre à deux ?
— Tu crois que je répondrais au téléphone si je ne comptais pas continuer avec toi ?
— Ah, voilà une autre bonne nouvelle alors. Est-ce que tu comptes continuer depuis chez Léon ou bien ton sac est prêt pour emménager avec moi, mon Amour ?
— Ah, ça y est, la place est libre dans ton lit ?
— La place a toujours été libre dans mon lit, Joy, dis-je tristement. Et elle t’attend le jour où tu seras prête à venir l’occuper. En tous cas, Marie a vu l’avocat et, à son retour, elle a pris toutes ses affaires et est partie vivre chez sa mère. Plus rien ne t’empêche de venir me rejoindre quand tu le décideras.
— Très bien, j’arrive. Enfin, j’arrive pour discuter, quoi… Tu peux désinfecter tous les coins où elle a posé son cul en petite culotte, s’il te plaît ? J’ai pas envie de choper des morpions, dit-elle alors que j’entends presque clairement sa grimace. Je deviens vraiment méchante, c’est horrible…
— Tu viens juste pour discuter ? Pas pour emménager ? demandé-je, déçu. Tu n’es pas méchante, tu sais, juste blessée. Mais j’espère que tu finiras par oublier tout ça. Tu arrives dans combien de temps ? Que je sache quel délai j’ai pour rendre tout nickel chrome.
— Eh bien, étant donné que mon prof de danse contemporaine est absent, je suis chez moi, donc disons d’ici une petite heure maximum.
— Super, m’enthousiasmé-je à l’idée de la voir même si elle semble toujours sur la réserve. A tout à l’heure, alors, ma Chérie. Je t’aime et je suis trop content de pouvoir te retrouver à la maison sans qu’on ait à se cacher. Fais vite !
— A tout à l’heure, Alken… Et n’oublie pas le canapé, dit-elle dans un sourire, j’ai souvenir de voir son cul posé là.
Elle raccroche sans me laisser le temps de répondre. La bonne nouvelle, c’est qu’elle a accepté de venir. Vu son état d’esprit, je risque de galérer encore un moment, mais au moins, la source de sa jalousie est partie. Et moi, je vais enfin pouvoir vivre avec la femme que j’aime. Je suis sûr que je vais réussir à la convaincre d’emménager avec moi maintenant que Marie est partie. Nous allons enfin pouvoir tester la vie à deux et je suis intimement convaincu qu’elle nous réserve énormément de surprises merveilleuses. Je suis tellement heureux de l’arrivée de mon Amour que je suis envahi d’une vague d’optimisme rarement égalée. Mais avant ça, opération Désinfection !
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