51. Rester sur ses gardes
Joy
Je me laisse tomber sur le lit, le sourire aux lèvres, enroulée dans une douce serviette de bain. Si on m’avait dit un jour que j’aimerais autant revenir à Paris, je ne l’aurais pas cru. Pourtant, chaque fois que c’est en compagnie du beau quadragénaire qui sort de la salle de bain dans le plus simple appareil, c’est un plaisir sans commune mesure.
Je ris lorsqu’il tire sur ma serviette et me fait rouler sur le côté pour me dévêtir avant de s’installer sur le lit à mes côtés. Les weekends avec Alken sont rares et j’avoue particulièrement savourer ces moments. Entendons-nous bien, je n’ai pas besoin d’un hôtel cossu à Paris pour les savourer, le simple fait de me poser dans le canapé avec lui pour regarder un film qu’il va trouver hyper intéressant alors que je vais m’endormir dessus, ça me convient. Est-ce que je passe pour une folle si je dis que j’adore le regarder tailler sa barbe ? Oui, je suis folle. De lui, assurément.
— On va finir en retard, ris-je alors qu’il m’attire contre lui et remonte ma cuisse sur sa hanche.
— Mais non, ma Chérie. On a tout le temps de profiter de ce petit moment. Ne me dis pas que tu n’as pas envie !
— Dois-je te rappeler ce qu’il vient de se passer sous la douche ? murmuré-je à son oreille avant de le repousser sur le dos pour le surplomber.
— J’avoue que si j’y repense, ça me donne juste envie de me retrouver à nouveau à te faire l’amour et à te faire gémir, ma Belle, dit-il d’une voix un peu rauque alors que je m’empale à nouveau sur son sexe qui se dresse sous moi.
— Rappelle-moi d’être discrète, ris-je, ton fils est dans la chambre d’à côté…
Je me soulève lentement et commence à aller et venir sur lui, m’appuyant sur son torse alors que ses mains se promènent sur mon corps, alternant entre ma poitrine et mes cuisses en passant par mes fesses qu’il agrippe avec délice pour m’accompagner dans mes mouvements. Encore une fois, notre étreinte est intense et passionnée, tendre et rythmée, jouissive. C’est un plaisir pour les sens, pour le corps et l’esprit, pour mon cœur et mon âme. Une vraie symbiose de celle qu’on ne doit rencontrer qu’une fois dans sa vie.
— Je t’aime susurré-je à son oreille en m’effondrant sur lui, essoufflée et le corps encore parcouru de spasmes.
— Oh, vraiment ? s’amuse-t-il à me répondre en me serrant fort contre lui. J’adore quand tu me le dis, ma Chérie.
— Moi aussi, j’adore quand tu me le dis, dis-je en me redressant, le sourire aux lèvres. D’ailleurs, j’attends, Prof…
— Tu en veux encore ? Tu es insatiable ! fait-il semblant de ne pas comprendre. Heureusement que moi aussi je t’aime !
Je pose mes lèvres sur les siennes et sursaute en entendant la porte de la chambre s’ouvrir.
— Oh put… Oh bon dieu, merde !
— Kenzo ! crié-je tirant sur le dessus de lit pour essayer de nous couvrir. Tu peux pas frapper ?
— Oh la vache, grimace-t-il en se frottant les yeux. Je vais finir aveugle, ça pique les yeux ! On devrait être partis, je vous signale, donc techniquement je vous pensais habillés, pas à poil en train de jouer au papa et à la maman !
— Bon sang, Kenzo ! Laisse-nous un peu d’intimité quand même ! Nous serons prêts d’ici dix minutes ! Et frappe avant d’entrer, c’est la moindre des politesses ! Si je connaissais le rustre qui t’a éduqué ! rajoute Alken, plus amusé que moi de la situation.
— Oh ça va, le rustre, ricane son fils en sortant de la chambre.
— Foutue famille de dingues, marmonné-je en me levant. Dix minutes, hein ? On voit bien que tu n’es pas une femme, toi.
— Si tu veux, Joy, je t’aide à t’habiller. On le fait en cinq minutes, et on a de la marge pour… Non, je rigole ! finit-il en voyant mes yeux lui lancer des éclairs.
Je fais mine de rire et récupère mes vêtements dans l’armoire pour m’habiller rapidement. Enfin, j’essaie, mais quand je le vois baver rien que parce que je remonte mon petit boxer en dentelle, j’ai envie de jouer et de le frustrer un peu. Possible que je me la joue publicité sensuelle en enfilant mes bas, le pied posé sur le lit près de lui qui boutonne sa chemise d’un air distrait, ses yeux attirés par mes mouvements. Je lui tourne ensuite le dos et me poste devant le grand miroir sur pied pour m’attacher les cheveux, en petite tenue, les seins à l’air, et récupère mon mascara et mon rouge à lèvres pour me maquiller rapidement devant la psyché.
— J’ai quand même de la chance d’être avec la plus belle de toutes les femmes, me dit-il en se collant derrière moi pour me voler un baiser.
— Tu dis ça pour que je te consacre encore cinq minutes, c’est ça ? souris-je en me lovant contre lui alors que je sens ses mains remonter lentement le long de mes flancs.
— Je dis ça pour que tu me consacres encore tout le reste de ta vie, plutôt, répond-il, toujours aussi câlin avec moi.
— Je crois bien que c’est au programme, Monsieur O’Brien.
Je lui souris et viens poser un baiser sur sa pommette, y laissant une trace du rouge à lèvres que je viens d’appliquer.
— Je crois que je n’aurai pas assez d’une vie d’ailleurs, continué-je en enfilant ma robe. Tu veux bien fermer les boutons, s’il te plaît ?
Elle est toute simple, noire à bretelles, avec un décolleté léger en V, cintrée jusqu’à la taille. En revanche, la jupe est évasée et m’arrive au-dessus du genou, et j’ai déjà hâte de sentir sa main glisser dessous pendant la représentation pour caresser ma peau. Un peu comme il le fait là, en passant sa paume le long de ma colonne vertébrale avant de commencer à boutonner ma robe. J’aime ce côté tactile, ce besoin qu’il a, et que je partage, de me toucher dès que possible. C’est un vrai délice, toujours aussi agréable.
— Dépêchons-nous ou on va encore se prendre une remarque de Kenzo. Il n’aurait pas tort, là, on est un peu à la bourre !
J’acquiesce et prends tout de même le temps d’essuyer sa joue marquée avant d’enfiler mes chaussures et de récupérer veste et sac. Quand nous rejoignons Kenzo dans le petit salon, il trépigne d’impatience et ouvre la porte sans nous laisser le temps de quoi que ce soit.
Nous nous retrouvons bien vite dans un taxi, tous les trois sur la banquette arrière plutôt étroite, et je souris alors que la main d’Alken se pose sur mon genou. Je commence à bien connaître cet homme avec qui je partage ma vie. Je sens que la soirée va être des plus agréables, et pas seulement grâce au spectacle de Théo, dont c’est la première ce soir.
Je suis ravie d’aller le découvrir sur scène et je ne suis pas la seule. Evidemment, Kenzo est aux anges, excité comme une puce depuis le début de la semaine, et Alken est fier qu’un de ses élèves se retrouve en tête d’affiche d’un spectacle de danse quelques mois à peine après avoir obtenu son diplôme.
Paris, cette ville où tout le monde se fout de tout le monde, me permet d’être au bras d’Alken sans craindre que nous ne soyons découverts. Encore une fois, je savoure cette chance et glisse ma main dans la sienne alors que nous entrons dans l’imposant bâtiment où mon ami d’enfance va, je n’en doute pas, connaître son premier succès en tant que danseur professionnel.
— Cette salle est sublime, m’extasié-je alors que nous descendons les marches pour aller nous installer. Je ne me lasse pas de venir ici.
— Eh bien, on y reviendra quand ce sera toi qui seras à l’affiche, mon Amour. Ce sera encore plus excitant.
Je souris en m’installant entre les deux O’Brien. J’espère qu’il a raison, mais nous n’en sommes pas encore là, et pour le moment, je compte profiter de la soirée et me réjouir pour Théo, qui a bossé comme un dingue pour être prêt pour ce soir.
Le spectacle est superbe, et comme prévu, mon ami d’enfance assure. Il est magnifique, occupe l’espace avec force et me transmet tout ce qui doit l’être. Je suis sous le charme, comme chaque fois que je le vois danser. Théo est vraiment un danseur formidable. Finalement, Alken et moi restons plutôt sages, pris dans la représentation et dans l’histoire qui nous est racontée sans aucun mot autre que les paroles des chansons rythmées qui vont laisser les danseurs épuisés, à n’en point douter.
Aucun de nous ne parle lorsque nous applaudissons, debout, charmés par le show, et aucun de nous ne parle davantage en regagnant le hall où nous devons attendre Théo. C’était magnifique et je crois que je reviendrai les voir rapidement.
— Théo a bien fait d’accepter, finit par dire Kenzo, rompant notre bulle de calme au milieu de la foule qui sort. Il est génial, c’était…
— Ouais… C’était… Réussi, splendide, puissant, soufflé-je. Tu en as pensé quoi, Prof ?
— Il a fait un spectacle formidable ! Quelques petits réglages à faire, mais c’est normal, c’est une première. Je suis fier de lui, en tous cas !
Kenzo et moi levons les yeux au ciel avant de rire, mais mon rire se meurt à la seconde où je croise un regard connu.
— Merde, Elise est là, paniqué-je en m’éloignant instinctivement d’Alken, me cognant contre un passant qui jure et me fusille du regard.
— T’inquiète me dit Kenzo qui réagit au quart de tour. Donne-moi la main, et ça va passer crème.
Je fronce les sourcils et le regarde sans comprendre, avant de réaliser ce qu’il me dit. Bon sang, si c’est pas la galère, voilà que je vais devoir faire semblant de sortir avec Kenzo, sérieusement ? Même si je ne suis pas convaincue par la stratégie de mon ami, je m’exécute malgré tout alors qu’Elise fend la foule et nous rejoint plus vite que son ombre.
— Bonsoir Alken, bonsoir les jeunes ! Je vois que les grands esprits se rencontrent.
— Bonsoir Elise ! Alors, toi aussi, tu es venue voir notre nouvelle star ? demande mon amoureux, non sans avoir jeté un regard noir à son fils qui se permet de me bécoter dans le cou.
— Eh bien, oui ! C’est un petit joyau que nous avons eu entre les mains, félicitations, Alken, sourit-elle alors que je repousse gentiment Kenzo qui abuse, le sourire aux lèvres.
— Alken est un prof formidable, interviens-je. Je crois que le parcours de Théo nous permet de croire en l’avenir, pour le coup.
— Oh arrêtez ! Je ne fais pas des miracles, je vous aide juste à révéler votre talent, réplique notre Professeur qui joue au modeste.
— Tu emmènes les élèves avec toi, Alken ? continue Elise. Kenzo, je comprends, mais Joy ? Comment ça se fait ? Vous vous permettez des petites sorties depuis le voyage à Cuba ?
— Théo et Joy sont colocataires, Elise. Elle a juste profité de notre venue ici pour se joindre à nous. Et c’est bien qu’elle s’implique ici, tu ne trouve pas ? Un vrai apprentissage au contact des meilleurs !
— Oh, je vois, oui… Effectivement, c’est une bonne chose. Bref, je ne vous ennuie pas plus longtemps, mon mari m’attend et n’est pas du genre très patient… Je… Bonne fin de soirée à vous trois, et le bonjour à Théo de ma part, dit-elle, semblant un peu perplexe.
— Bonne soirée, Madame la Directrice, répond Kenzo en me reprenant la main. Moi, je trouve que c’est une super idée, la venue de Joy.
— Je n’allais quand même pas manquer la première de mon coloc, dis-je à mon tour. Bonne soirée, Madame.
Elle nous salue et part rejoindre son époux alors que je n’ose plus un geste en direction de mon homme. Merde, si même à Paris on ne peut plus se promener sans risquer de croiser une connaissance, il va vraiment falloir qu’on se cantonne à la maison. La maison… Oui, je m’y sens chez moi, mais j’avoue que devoir se cacher devient de plus en plus pesant malgré le plaisir d’être ensemble. Devoir se cacher, c’est nul, vivement que j’aie mon diplôme.
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