Chapitre 12 - Une nouvelle mission
La fête du souvenir allait se dérouler dans deux jours. Tout était enfin prêt pour l'évènement. Elrynd avait déjà donné son accord pour utiliser la grande salle d'entrainement intérieur pour héberger le trop plein de marchands de passage. Ces derniers n'allaient pas tarder à débarquer, et les heures à venir allaient être chargées. La porte du bureau s'ouvrit et Jaelith entra, une missive à la main.
— Ça t’est adressé personnellement. Peut-être est-ce une nouvelle mission ? Je ne l'ai pas lue...
— Une mission qui ne consiste pas à récupérer un animal accroché à un arbre...
La jeune femme eut un large sourire. Elle repensa à ce pauvre Feiyl qui désespérait de faire quelque chose de plus intéressant.
— Je vais m'occuper de l'entrainement de ce matin. Je te laisse à tes paperasses Elrynd.
Ce dernier hocha la tête tendit qu'elle sortit de la salle en fermant la porte derrière elle. Le Paladin retournait à nouveau la lettre qu'il venait de recevoir dans tous les sens. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi c'était à lui que l'on demandait de l'aide. La lettre était brève, et l'écriture étroite sans aucune faute d'orthographe. C'était sûrement l'œuvre d'un membre d'une noble famille.
" Noble paladin,
Si j'en viens à vous demander votre aide, c'est que je ne puis faire cette tâche moi-même. Je ne peux malheureusement pas vous dire mon nom, ni même celui de ma famille. Sachez juste que j'ai été marié à un homme. Ce dernier m'a rendue heureuse pendant nos cinq années de mariage. Malheureusement, la maladie a eu raison de lui. Il est actuellement en terre dans l'ancien cimetière à la sortie de notre belle cité.
Ce sont les rumeurs qui m'ont poussée à vous écrire cette missive. Il paraitrait que ceux qui ont le malheur de se trouver au cimetière sont attaqués par une étrange créature revenue à la vie. Selon les différentes descriptions que j'ai obtenues, il s'agirait de mon défunt mari.
Trouvez le et offrez-lui le repos, je vous en prie."
Elrynd savait déjà à qui il allait confier cette surprenante mission. Même s’il pensait que Feiyl était un peu jeune, il serait assez malin pour y arriver. Le paladin se leva de son siège. Il eut un moment de doute. Devait-il envoyer le dragon en mission seul ? Et si jamais il y avait un problème inattendu ? Le jeune homme relut la lettre. Il ne s'agissait que de rumeurs après tout... Pourtant, il se décida de faire accompagner son petit protégé.
Le dragon s'était rapidement changé lorsqu’on lui avait dit qu'il était attendu dans le bureau du général. D'abord de bonne humeur, il se rappela de sa première mission et se mit en tête que celle qu'on allait lui proposer était du même acabit. Son enthousiasme disparut en quelques secondes. C'est à reculons qu'il entra dans la salle où l'attendait Elrynd.
— Vous m'avez fait demander ?
Le paladin se leva de son siège pour le saluer d'une poignée de main.
— Oui... J'ai une mission pour toi Feiyl.
— Encore une histoire de chat ?
Le paladin secoua la tête.
— Pas cette fois. J'ai reçu un courrier ce matin qui parlait d'un mort revenu à la vie.
— L'œuvre d'un nécromancien ?
— Peut-être... Pour le moment, ce n'est qu'une rumeur. J'aimerai juste savoir si c'est vrai.
Un léger sourire apparut sur le visage du dragon. Les bras croisés, il demanda à son interlocuteur :
— La mission est juste de vérifier des ragots c'est ça ?
— Oui... Mais il est fort probable que cela n'en soit pas. C'est pour cela que tu ne seras pas seul sur cette mission.
Si Elrynd lui demandait de faire équipe avec une tierce personne, c'était que le danger était réel. Feiyl le savait, et même si cela lui déplaisait, il n'en avait rien dit. Quelqu'un frappa à la porte. La voix du paladin résonna à travers la pièce.
— Entrez.
Feiyl observa la nouvelle arrivante aux cheveux couleur cuivre.
— Vous m'avez fait demander mon général ?
Ce dernier hocha la tête.
— Aujourd'hui Frederik, vous allez faire équipe avec Feiyl pour une mission.
La jeune femme tourna la tête vers le jeune garçon. Elle pensa que c'était une farce de très mauvais gout.
— Ce n'est qu'un enfant ! Je dois faire équipe avec lui ?
Elrynd confirma.
— Oui... Je vous laisse jusqu'à la fin de la journée pour faire la lumière sur cette affaire.
Le dragon avançait sans regarder la femme qui l'accompagnait. Il semblait préoccupé.
— Tu sais te battre au moins ?
Frederik lui avait posé cette question d'une voix froide. L'adolescent ne se retourna même pas pour lui répondre.
— Je sais me servir d'une épée. Et j'ai bien d'autres qualités en tant que combattant si tu veux savoir.
Il était énervé. Rapidement, ils arrivèrent tous deux à l'ancien cimetière en bordure de la cité. Ce dernier n'était visiblement plus utilisé depuis longtemps. Des mauvaises herbes jonchaient le sol un peu partout, certaines tombes tombaient en morceaux.
— Lugubre comme endroit.
Frederik n'attendait pas de réponse de la part du dragon. Elle ne savait pas pourquoi son supérieur lui avait mis cet enfant dans les pattes. Feiyl scrutait les alentours. Il y avait quelque chose de bizarre ici, mais il ne savait pas quoi exactement. Il pensait que rester sous forme humaine avait affaiblit ses pouvoirs de dragon. Il s'avança dans une autre allée, identique à celles qu'il avait déjà parcouru, Frederik sur les talons. Une odeur de mort flottait dans l'air.
— Il y a quelque chose...
Feiyl avait parlé à voix haute. Il s'agenouilla près d'une des tombes et vit que la terre avait été récemment retournée. La jeune femme demanda :
— S'agirait-il d'un trafic de cadavres ?
— Non... C'est pire que ça. Je crois que c’est encore un coup des membres du culte des Ombres.
Il avait touché juste en parlant de nécromancien. Sous cette terre, les morts ne devaient plus être là depuis quelques jours. Quelque chose bougea un peu plus loin. Frederik avait posé la main sur la garde de son épée. Feiyl avait déjà sorti la sienne. A voix basse, la jeune femme demanda :
— Qu'est-ce que c'est ?
Une forme humaine s'approcha. Elle n'était pas seule. L'adolescent pensa tout d'abords que c'était des personnes qui étaient venues rendre hommage à leurs défunts. Mais leur démarche n'était pas naturelle. L'odeur de pourriture sauta au nez de Feiyl, et ce qu'il vit confirmait ses craintes. C'était des cadavres qui déambulaient vers eux. Ils s'approchaient dangereusement. Sans attendre un instant de plus, Feiyl fonça sur le premier adversaire et le décapita sans autre forme de procès. Le second rejoint rapidement le premier : Frederik lui avait fait sauter la tête. Le dragonnet eut un mauvais pressentiment.
— L'odeur est encore là.
— C'est normal, c'est un cimetière.
— Non... Tu n'as pas d'expérience dans ce domaine. Tu ne peux pas comprendre.
Frederik était vexée. Mais pas pour longtemps. Sous ses pieds, la terre se souleva et une patte décharnée en sortie. Une patte de dragon.
— Recule !
Feiyl avait hurlé de tous ses poumons. La femme paladin avait obéit. De la terre sortit un cadavre de dragon. Suivit d'un second. Tous deux n'étaient quasiment plus qu'os. Frederik observait, les yeux écarquillés. Jamais elle n'avait pensé cela possible.
— Va prévenir les autres ! Dépêches toi !
C'était un ordre. Mais il venait d'un adolescent. La jeune femme secoua la tête.
— Tu vas te battre contre ces monstres ?
Un léger sourire apparut sur le visage du jeune garçon.
— Pour battre un dragon, rien ne vaut un autre dragon.
Elle venait de comprendre. C'était pour cela que cet enfant était si respecté par son supérieur. C'était un dragon. Frederik lui fit un signe de la tête et courut vers la cité.
Elrynd était dans son bureau lorsque la jeune femme débarqua dans son bureau sans frapper. Frederik était essoufflé et visiblement effrayée.
— Que se passe-t-il ? Où est Feiyl ?
Le paladin posa ses mains sur les épaules de l'apprenti, attendant sa réponse, inquiet.
— Il n'y avait pas que des cadavres d'humains revenus à la vie... Il y a aussi ceux de dragons de la première guerre...
— Des dragons ?
— Feiyl se bat contre eux en ce moment...
Elrynd appela l'un des paladins qui était en service et lui demanda de se rendre au donjon de toute urgence pour prévenir le roi de la situation. Il s'assura que son épée était à sa ceinture et se précipita dehors, Frederik sur les talons.
Les deux dragons se regardaient en riant intérieurement en imaginant les souffrances qu’ils allaient pouvoir imposer au petit humain qui leur faisait face. Feiyl serrait son épée. Il espérait gagner un peu de temps en attendant les renforts et demanda d'une voix forte :
— Qui vous a ramené à la vie ?
— L’humain ne pose pas les bonnes questions. Il va mourir.
La phrase à peine prononcée, le dragon cracha un souffle de flamme que Feiyl esquiva en roulant sur le côté. Il était en un seul morceau, mais les arbres autour de lui brûlaient. Son frère se moqua de lui.
— Raté mon frère. Veux-tu que j’essaye ?
— Il est à moi. Contentes toi d’apprécier le spectacle.
— D'autres humains arrivent.
C’était Elrynd. Armé de son épée, il se positionna près de Feiyl. Frederik fit de même à son arrivée. L'un des cadavres se mit à rire.
— Trois humains... Trop facile...
Feiyl se jeta sur celui qui se trouvait face à lui, au grand dam d'Elrynd qui ne put l'arrêter. Les mâchoires claquèrent près du jeune garçon, le manquant de peu. Avec son épée, il trancha un tendon près du cou de la créature. Il évita un coup de patte puis recula pour se replacer près du général.
— Comme tu peux le voir, je me suis amélioré, dit-il en souriant à Elrynd.
Annotations