Chapitre 23 - La fille de Jaelen Lokliar

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Lorsque la jeune femme ouvrit les yeux, ce n'était qu'obscurité autour d'elle. Elle se souvenait avoir été arrêtée par les Drinvels, puis le néant. Rien. Qu'est ce qui avait bien pu se passer après ? Pourquoi se retrouvait-elle ici, dans le noir, incapable de bouger ? Elle avait les poings liés derrière le dos. C'était si serré qu'elle souffrait. Elle eut un haut le cœur qu'elle parvint à contrôler. Le sol était glacé. Jaelith frissonna. Pourquoi ne l'avait-on pas tuée tout de suite ? Puis elle se rappela les paroles d'Enki : Je me ferais un véritable plaisir de vous torturer moi-même. La jeune femme secoua la tête, désespérée. Elle ne pouvait rien faire. Elle avait envie de hurler, de pleurer. Puis la porte de la pièce s'ouvrit, l'aveuglant de lumière.

— ...arracher les ongles un par un. Ce n'est pas la mort. Juste une très longue souffrance...

C'était la voix glaciale d'Enki. Il n'était pas seul.

— Je ne te laisserais pas faire ça mon frère. Je n'aime pas la torture. Ce n'est pas le meilleur moyen d'obtenir des informations.

— On ne peut jamais s'amuser avec toi.

Lorsque la dame paladin s'habitua enfin à la lumière, elle put distinguer les deux elfes. Le premier était Enki. Il semblait déçu. Elle ne connaissait pas le second. Il était grand, et deux yeux couleurs émeraude illuminaient son visage pale. De longs cheveux d'une couleur sombre retombaient sur ses épaules. Il était habillé d'une toge brune et simple. L'inconnu se pencha sur la jeune femme qui demanda d'une voix faible :

— Où suis-je ? Pourquoi m’avez-vous enlevée ?

L'elfe se tourna vers son frère qui lui fit un léger signe de tête avant de répondre.

— Vous êtes dans la cité d'Argent. Très précisément, dans les sous-sols de la cité. Vous faites partit des rebelles, c'est ça ?

— Et alors ?

Même si elle était en position d'infériorité, Jaelith n'avait pas perdu de sa hargne.

— Je suppose que cela veut dire oui. Une semi-humaine, hein...

— La catin du roi loup, ajouta Enki d'un air dégouté.

La jeune femme se mordit la lèvre et détourna la tête. Catin du roi loup... C'est ainsi qu'elle était vue par les autres ? L'inconnu ignora son frère, puis continua :

— Je vais lire votre esprit, rien de ce que vous savez ne pourra m'échapper.

Jaelith recula comme elle pouvait dans sa position inconfortable. L'elfe se voulait rassurant :

— Cela ne vous fera pas souffrir.

Il posa sa main sur le front de la jeune femme et prononça des paroles qu'elle ne comprit pas. Et ce fut à nouveau les ténèbres.

La petite ville d'Ergon était en effervescence. De nombreux elfes étaient arrivés, certains étaient blessés. L'odorat de Feiyl ne l'avait pas trompé. Il y avait eu un massacre. Pas ici, mais plus loin, dans la forêt derrière la frontière. Le dragon reconnu au loin une silhouette familière. Siaraliane hurlait des ordres à tous ceux qui étaient encore valides. Feiyl se tourna vers le roi loup mais ce dernier descendit de monture avant de foncer vers l'elfe. Sans la saluer, il lui demanda :

— Où est Jaelith ? Où est-elle ?

Le regard de Freyki était remplit d'inquiétude. Siara détourna la tête. Comment pouvait-elle lui annoncer que la semi humaine était resté pour se battre et qu'elle n'avait rien pu y faire ? L'elfe prit son courage à deux mains.

— Ce sont les hommes de mains de ma sœur. Les Drinvels... Elle nous a ordonné de prendre la fuite. Je n'ai rien pu faire pour lui venir en aide.

Elle baissa la tête, honteuse, reprit sa respiration et continua :

— Je ne pense pas qu'ils l’ont tué. Un de mes éclaireurs m'a certifié que les Drinvels l'avaient emmené. C'est un groupe de guerrier d’élite, il ne sera pas facile de les combattre...

— Qu'est-ce qu'ils lui veulent ? Qu'est-ce qu'ils vont lui faire ?

— Je...

Siara secoua la tête avant de finir sa phrase.

— Je ne sais pas... Je n'en sais rien du tout.

Sidan Lokliar se prélassait dans la grande salle. Un verre de vin à la main, elle observait sa forêt. Elle ne comprenait pas pourquoi sa sœur avait décidé de prendre la défense des humains. Etait-ce à cause de la gamine qui était venue ? La semi-humaine l'avait presque supplié de venir l'aider contre un dragon noir. Elle, Sidan Lokliar, la grande impératrice, avait refusé en bloc et l'avait renvoyé. Elle ne savait pas qu'elle était la maitresse du roi humain. Si elle avait su, à ce moment-là...

— Impératrice... Le sage Kerninos en a terminé avec la fille.

L'elfe s'était agenouillé devant elle, et elle lui avait fait un signe de la tête.

— Bien... A-t-il pu récupérer des informations intéressantes ?

— Il aimerait vous en parler lui-même.

L'Impératrice fronça les sourcils. Elle avait ordonné au sage de lire l'esprit de la fille puis de la mettre à mort. Pourquoi fallait-il qu'il en soit autrement ?

— Qu'il vienne alors !

L'elfe sortit de la salle, et quelques instants plus tard, Kerninos apparut. Visiblement énervée, Sidan lui demanda :

— Qu'est-ce qu'il y a de si important pour que vous n'exécutiez pas mes ordres ?

Le sage s'inclina avant de répondre d'une voix douce, mais ferme.

— J'ai lu l'esprit de cette jeune fille. Et je pense que ce serait une erreur de vouloir la mettre à mort.

— Pourquoi ? Vous savez très bien que je n'aime pas les devinettes !

L'impératrice avait hurlé, à bout de patience. Kerninos s'approcha d'elle et lui tendit un petit parchemin. Elle demanda :

— Qu'est-ce que c'est ?

— Ce sont des notes que j'ai prises après lecture de l'esprit de cette fille. Prenez votre décision à son sujet après en avoir pris connaissance.

Ceci dit, il se retira et sortit de la salle.

L'armée de Goldrynn était rassemblée à la première lueur de l'aube. La maison du maire de la ville était devenue le lieu de réunion stratégique. Lorsque Freyki entra dans la grande salle accompagné d'Elrynd et de Feiyl, Siara et quelques-uns de ses hommes se trouvaient déjà là.

— Bien, je pense que nous pouvons commencer cette réunion.

La voix cristalline de l'elfe résonnait dans la salle. Elle continua :

— Nous ne pouvons pas lancer une attaque armée directement sur la cité d'argent. D'une part, il reste de nombreux civils qui n'ont rien à voir avec cette guerre. D'autre part...

Elle baissa la tête et détourna son regard de celui des humains présents.

— D'autre part, Jaelith Librevent s'y trouve aussi.

Freyki leva les yeux au plafond, comme si il attendait un miracle. Il repensa à celle qu'il aimait de toute son âme.

— Je vais aller là-bas.

Sa voix était dure et las à la fois. Le roi Loup regarda les personnes présentes et répéta une seconde fois ses paroles.

— Je vais aller là-bas.

Elrynd s'était tourné vers lui.

— Est ce que vous êtes sûr de vouloir faire une chose pareille ? C'est du suicide !

— Ne vous inquiétez pas. J'aimerai à tout prix éviter une nouvelle guerre inutile. Si il me suffit de me rendre là-bas avec quelques-uns de mes hommes, il y a peut-être moyen de discuter et de régler les choses dans le calme.

Siara secoua la tête.

— Je connais ma sœur. Je doute fortement qu'elle accepte de vous écouter. Même si vous êtes roi...

L'elfe pensait à la jeune femme qui était retenue contre son gré dans la cité d'argent. Elle priait intérieurement le dieu cerf de l'aider à garder espoir. Siara frissonna légèrement en repensant aux Drinvels. La voix de Freyki la sortit de ses pensées.

— Il y a dans cette forêt une reine qui m'attend. J'aimerai lui faire mes salutations le plus rapidement possible.

Sidan, les mains tremblantes, trouva le courage de relire le parchemin du sage. Il était noirci de mots, de notes prisent en marge, de croquis.

— Ce n'est pas possible...

Jaelith était la fille de son défunt frère. La fille unique de Jaelen Lokliar. Les larmes coulaient toutes seules le long des joues de l'elfe, chose qui n'était pas arrivé depuis très longtemps.

— Cette gamine est la fille de Jaelen.

Elle porta la main à sa bouche, comme pour s'empêcher de crier.

— Et sa fille est la maitresse d'un humain.

L'impératrice ne comprenait pas comment et pourquoi son frère avait disparu. Elle l'avait cru mort en même temps que leurs parents. Et voilà que cette fille apparaissait dans sa vie. Une semi-humaine. D'un côté, elle la détestait. Mais de l'autre... C'était tout ce qu'il restait de son frère. L'elfe prit alors sa décision et fit appeler Enki sur le champ.

La lumière aveugla Jaelith, et le bruit de pas se rapprochait d'elle. Elle demanda faiblement :

— Qu'est-ce que vous me voulez cette fois ?

Enki n'avait pas répondu. Il se pencha vers elle, et, avec un large sourire, lui adressa la parole :

— Fille de Jaelen... Tu vas m'être très utile.

— Comment connaissez-vous le nom de mon père ?

L'elfe la força à lui faire face et à le regarder dans les yeux. Sa voix glaciale résonna dans la pièce.

— Prépare-toi à renaitre. Une fois que ta mémoire sera effacée, tu seras à mes côtés. Inutile d’essayer quoi que ce soit, c’est ton destin.

Jaelith hurla.

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