Chapitre 10 - L'Apprenti chevalier

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Feiyl était impatient. Il portait une somptueuse armure blanche immaculée, la même que celle des paladins de la cité. A sa ceinture pendait une épée courte. Le jeune garçon était fier de pouvoir montrer à tous son appartenance à la lumière. Même si il n'était pas paladin, il se sentait très proche de ceux-ci. Il se trouvait en face de son supérieur, le général Elrynd Kervalen. Ce dernier l'avait fait appeler et il était rapidement venu dans son bureau. Feiyl se doutait qu'une mission lui serait confiée et il avait du mal à rester calme. Il demanda :

— Alors c'est une mission que je devrais accomplir seul ?

— Oui, bien entendu. Tu devrais être capable de te débrouiller.

Le dragon se sentit fier à cet instant. Son cœur s'était gonflé d’orgueil. Sa première mission ! Et il allait l'accomplir seul, sans aucune aide extérieur. D'une voix claire, il demanda :

— Et qui est le commanditaire ? Un noble ? Un marchand ?

— Rien de tout cela.

— Ce n'est tout de même pas le roi ?

Elrynd secoua la tête, essayant de réprimer un rire. Il ne pensait pas que l'adolescent prendrait autant à cœur ce genre de choses. Pourtant, il devait bien se douter que les missions en temps de paix n'étaient pas des plus excitantes. Il avait fini par répondre à son élève :

— Non, bien sûr que non. Le commanditaire est une simple vieille dame qui a perdu son chat.

Le sourire de Feiyl avait disparu d'un seul coup. Il laissa la place à une mine boudeuse.

— C'est une farce ?

Sa voix était glaciale. Il s'attendait à tout, sauf à cela. Une vieille dame qui avait perdu son chat ? Qu'est-ce qu'on allait lui donner comme mission par la suite ? Retrouver le ballon qu'un gamin avait perdu dans la grande rue ? Aider les vieilles personnes à traverser le quartier commerçant ? Même accompagner les marchands était plus intéressant. Au moins, il y avait des risques qu'ils soient attaqués par des brigands. Devant l'air déçu de son élève, il tenta de se rattraper.

— Tu n'es pas encore assez expérimenté pour que je te donne des missions dangereuses, Feiyl. Et puis, avec la paix qui s'est installée, je doute que tu ne trouves mieux pour le moment.

— Attraper un chat... Je ne suis pas un enfant !

— Je le sais bien... Mais il n'y a vraiment rien de mieux pour le moment. Je suis désolé Feiyl.

Décidément, cette journée commençait mal. Très mal. Elrynd le considérait encore comme un enfant ? Le dragon n'avait-pas prouvé à plusieurs reprises qu'il n'en était plus un ? Feiyl était un peu déçu. Il pensait qu'il était enfin considéré comme un adulte auprès de ses amis. Mais le général lui démontrait le contraire. Le paladin indiqua à son élève où se trouvait la maison de la vieille dame avant de se replonger dans la lecture d'un rapport. Le dragon sortit du bureau et referma la porte derrière lui. Il se dirigea alors vers le domicile du commanditaire de la mission.

Jaelith se dirigea vers le donjon. Elle espérait que Freyki ne soit pas trop débordé par ses obligations de souverain et qu'il lui accorderait un peu de son temps. Les gardes la saluaient respectueusement sur son passage. Une fois arrivée devant la chambre du roi, la jeune femme frappa doucement à la porte. Aucune réponse. Jaelith entra et s'aperçut qu'elle était vide. Freyki n'était manifestement pas là. Déçue, elle referma la porte et rebroussa chemin. C'est au détour d'un couloir qu'elle entendit la voix qu'elle connaissait bien.

— Eh bien ! Cette année encore, c'est au dernier moment que l'on m'informe des problèmes relatifs à la fête du souvenir !

Le roi loup soupira. Il se trouvait face à Ruber Drehen, l'un des marchands les plus influents de la capitale.

— La fête à lieu dans moins d'une semaine et les auberges de la cité sont déjà bondées. Il faudrait faire quelque chose à ce sujet, parce qu'avec toutes les personnes qui vont venir pour la grande célébration, il n'y aura même plus de place dans les porcheries !

— Je vais voir s’il n'y a pas possibilité d'héberger une partie des marchands dans les casernes. D'une part ils seront logés, et d'autres parts ils seront sous la protection directe des soldats.

Le marchand hocha la tête.

— Cela me semble être une bonne idée...

C'est à cet instant que Jaelith décida de se montrer. Elle s'avança cers les deux hommes et s'inclina respectueusement. Si Freyki semblait ravit, ce n'était absolument pas le cas de Ruber. Ce dernier détestait la jeune femme. Il la salua néanmoins.

— Vous nous faites l'honneur de votre présence Dame paladin.

Le marchand n'en pensait pas un mot. Depuis l'arrivée de cette étrange femme à Goldrynn, il n'avait plus aucune chance de marier sa fille au roi. Il s'inclina légèrement. Le souverain se tourna vers le marchand.

— Si il n'y a pas d'autres problèmes avec la fête du souvenir...

— Non mon seigneur rien d'autre pour le moment.

— Très bien. Je vous laisse vous occuper du reste.

Ruber prit congé et s'éloigna, laissant Freyki et Jaelith seuls. Le balafré demanda d'une voix douce :

— Tu n'entraines pas tes élèves cet après-midi ?

La jeune femme secoua la tête.

— Elrynd m'a laissé quartier libre. Alors j'ai pensé que nous pouvions passer un peu de temps ensemble.

— Je dois m'occuper des derniers détails concernant la fête du souvenir. Et comme tu as pu le voir à l’instant, ce n’est pas gagné.

Elle était déçue. Elle savait pourtant très bien que son amant n'avait pas beaucoup de temps libre à lui consacrer. Elle aurait dû se douter, avec la fête du souvenir qui approchait à grands pas, que ce n'était pas la peine de chercher à passer du temps avec lui. La jeune femme se demandait à cet instant si le restant de leur vie serait ainsi, à s'attendre mutuellement pour avoir un peu de temps pour eux. Elle secoua doucement la tête, contrariée. Voyant la mine déconfite de sa compagne, Freyki passa son bras autour de sa taille et l'attira à lui. La fixant droit dans les yeux, il murmura d'une voix douce :

— Nous pouvons nous en occuper ensemble si tu veux...

Un léger sourire illumina le visage de Jaelith. C'était mieux que rien, pensa-t-elle avant de la suivre.

La mission de Feiyl fut réglée en quelques minutes. Il avait ressenti la présence du chat non loin de la maison de la vieille dame. La boule de poils avait grimpée tout en haut d'un arbre et n'arrivait pas à en descendre. Le dragon avait dû retirer une partie de son armure pour pouvoir monter et le rejoindre. La souplesse et la vitesse du jeune garçon étaient impressionnantes. Rapidement, il s'était retrouvé en haut de l'arbre. Et tout aussi rapidement, il en était descendu, rendant l'animal apeuré à sa propriétaire. Tout en sachant que son supérieur lui avait donné l'après-midi pour terminer sa mission, Feiyl avait décidé de faire un détour par le donjon. Il n'avait que très peu vu Jaelith depuis son retour. Le dragon ferma les yeux et se concentra. Elle était là, non loin de lui. Feiyl s'avança le long de quelques couloirs et frappa à une porte qu'il ne connaissait pas. La voix du souverain lui indiqua qu'il pouvait entrer.

Le jeune garçon ouvrit doucement la porte et observa la pièce rapidement.

Le roi et sa compagne étaient assis et discutaient de la fête du souvenir. Devant eux se trouvaient plusieurs parchemins étalés sur la grande table de bois. Il y avait des listes de noms, beaucoup de listes. Des marchands, des nobles qui devaient venir pour la fête... Et en voyant le visage désappointé du souverain, Feiyl avait compris que ce n'était pas très amusant. Freyki fit signe au dragon de s'approcher et lui adressa la parole.

— Feiyl, est ce que tout se passe bien avec les paladins ?

L’intéressé hocha la tête.

— Oui... J'apprends tous les jours et je me suis amélioré dans le maniement de l'épée. J'ai eu ma première mission aujourd'hui.

Jaelith lui fit un énorme sourire. Son cœur était remplit de fierté, comme celui d'une mère pour son enfant. Elle demanda :

— Et quelle était cette première mission, raconte-moi tout !

Le dragon fronça les sourcils avant de lui répondre d'une voix froide comme la glace.

— Cette mission était d'un ennui... Tu ne peux pas imaginer à quel point. J’ai aidé une vieille dame à retrouver son chat ! Tu te rends compte Jaelith ? J'ai dû monter en haut d'un arbre pour récupérer un chat !

Les deux adultes se retenaient de rire. Depuis que Feiyl faisait partit des paladins, ce dernier était moins renfermé sur lui-même. Le voir s'énerver ainsi était une bonne chose selon Jaelith. La jeune femme essaya de lui remonter le moral comme elle le pouvait.

— Feiyl, en temps de paix, il ne faut pas compter sur des missions palpitantes. Qu'il y ait quelque chose à faire est déjà bien en soit.

— Je le sais bien... Mais j’espérai quelque chose de beaucoup plus intéressant.

Le soupir que poussa le dragon était à fendre l'âme. Le semi-elfe comprenait très bien ce qu'il ressentait. Une fois goûté à l'aventure et au danger, il était difficile de s'en passer et de se contenter d'une vie agréable. Le jeune garçon prit place auprès de celle qu'il admirait. Cette dernière passa sa main dans ses cheveux et les ébouriffa, comme elle l'aurait fait à un enfant. Cela ne dérangeait pas Feiyl, au contraire. Il aimait ce genre de marque d'affection. Elrynd aussi le lui faisait souvent. Voulant changer de conversation, car parler des missions des paladins l'ennuyait, il se tourna vers Freyki et demanda :

— Je sais que vous êtes en plein travail, mais je voulais savoir. En quoi consiste la fête du souvenir ?

Le souverain paru surpris, mais il se rappela que son interlocuteur était un dragon. Il se racla la gorge et lui expliqua succinctement.

— Le jour du souvenir, c'est celui où nous célébrons tous les héros qui ont vaillamment combattus la matrone du clan de la Griffe Noire. Ceux qui sont encore en vie sont acclamés, et ceux qui n'ont pas eu cette chance sont célébrés dans des chants. Des dizaines de bardes viennent chaque année à la capitale pour ce jour de fête. Et bien entendu, un bon nombre de marchands de passage dans la capitale à cette occasion en profite aussi...

Jaelith leva les yeux au plafond. Elle repensait à sa mère. Est-ce qu'un barde avait écrit une chanson sur elle ? Est-ce que l'on célébrait sa beauté et sa force ? Elle la revoyait, en ce terrible jour, se battre contre la matrone Lieran. Palia Librevent, dans son armure de paladin, qui se battait avec rage contre la dragonne. Ses grands yeux bleus, ses longs cheveux à la couleur foncé, presque rouge comme le sang. Elle entendait ses cris lorsque Lieran l'avait écrasé sous ses pattes. Ses cris de douleurs résonnaient encore dans ses oreilles, et elle n'avait rien pu faire. Car on ne pouvait pas changer le passé. L'œil de Fereyan lui avait permis de sauver celui qui était devenu le roi Loup, mais elle n'avait rien pu faire de plus. La jeune femme soupira. La voix claire de Feiyl résonna.

— Le jour du souvenir… C’est donc un jour de fête et de deuil ?

— On peut dire ça comme ça...

Le dragon baissa la tête lorsqu'il vit le visage triste de Jaelith. Il avait compris que ce jour de fête ne le serait pas pour tout le monde. Mais devant enthousiasme de Freyki, il avait préféré ne rien dire de plus.

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