Chapitre 17 - Dissension
Rapidement, la blessée fut amenée à l'infirmerie. L'apprenti attendait derrière la porte, anxieuse. La femme aux cheveux couleur cuivre se mordait les lèvres. Pourquoi avait-elle fait une chose pareille ? Elle entendit les bruits d'une course au fond du couloir et tourna la tête pour apercevoir le général, paniqué.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Frederik détourna la tête avant de répondre.
— Nous nous battions en duel avec les épées en bois... Et alors, il y a eu la lumière. J'ai blessé la dame Paladin avec la lumière.
Elrynd avala sa salive.
— La blessure est grave ?
L'apprenti secoua la tête.
— Je ne sais pas. Je l'ai touché sur le côté gauche. Elle était à terre et semblait souffrir le martyr.
Elle s'était laissé tomber à genoux. Frederik s'en voulait d'avoir blessé celle qu'elle admirait. Elle sentait qu'elle allait pleurer. La main d'Elrynd se posa sur son épaule et il lui parla d'une voix qui se voulait rassurante :
— Je suis sûr que ce n'est pas bien grave et qu'elle se remettra rapidement.
A peine avait-il finit sa phrase qu'une personne déboula dans le couloir, les yeux remplit de haine. C'était Freyki.
— Où est-elle ?
Il attrapa le général par les épaules et le secoua.
— Elle est dans l'infirmerie.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— C'est un accident.
La voix d'Elrynd tremblait. Le souverain hurla.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Frederik recula. Elle n'avait jamais vu le roi loup d'aussi près et jugea rapidement qu'il méritait bien son surnom. D'une petite voix, elle avoua.
— C'est de ma faute. J'ai...
Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Freyki l'avait attrapé par le col de la tunique et l'avais plaquée contre le mur de pierre. Les yeux noirs remplis de haine, il parla d'une voix froide et dénuée de sentiments.
— Je ne sais pas ce qui me retient de vous tuer sur le champ.
L'apprenti sentit les larmes couler le long de ses joues. Elle murmura d'une faible voix :
— Je suis désolée, je ne voulais pas...
Freyki resserra son étreinte, manquant de l'étouffer.
— Voulais pas quoi ? La tuer ?
Frederik hocha la tête comme elle le pouvait. La porte de l'infirmerie s'ouvrit alors d'un coup, et la voix de Jaelith hurla :
— Freyki, arrête !
Le souverain relâcha sa proie et se tourna vers sa compagne. Elle était visiblement énervée par son attitude.
— Tu comptes tuer tous les apprentis qui me blesseront ?
— Non, je...
Elle ne le laissa pas terminer sa phrase.
— Alors pourquoi tu fais toute une montagne pour une blessure de rien du tout ?
C'était un mensonge. Frederik le savait. La blessure avait été profonde. Elle observa à la dérobée le côté gauche de son capitaine. Il y avait quelques bandages propres que l'on pouvait voir au travers la tunique. Freyki hurla :
— Je n'en fais pas toute une montagne !
— Alors pourquoi t'en prendre à cette apprentie ?
— Elle a failli te tuer !
— Non !
Jaelith faisait face à son amant. Et même si ce dernier faisait presque deux têtes de plus qu'elle, il était évident qu'il n'avait pas l'avantage. La semi-elfe porta les mains à sa tête, comme si elle souffrait, et lâcha un long soupir. Reprenant son calme, elle se tourna vers Freyki.
— Ecoutes... Je n'ai pas envie de me battre plus longtemps avec toi. Oublie cette histoire et laisse-moi tranquille.
— Mais Jaelith...
— S'il te plait.
Elle avait insisté sur ces derniers mots. Sans rien dire, le roi loup se retourna et sortit du couloir. La dame Paladin se tint alors le côté gauche, serrant les dents. Levant les yeux vers Frederik, elle souffla.
— Eh bien, on peut dire que tu ne m'a pas raté.
Les larmes aux yeux, l'apprenti s'agenouilla devant son capitaine.
— Je suis terriblement désolée. Pardonnez-moi !
— C'était un joli coup. Ça m'apprendra à faire plus attention la prochaine fois.
Jaelith lui lança un sourire forcé. Puis elle se tourna vers Elrynd.
— Je crois que je vais rester à l'infirmerie jusqu'à la fin de la journée. Cela pose un problème ?
— Non, aucun. Cette blessure est si grave que ça ?
Elle secoua la tête.
— Non... Mais c'est comme si on m'avait brûlé au fer rouge.
Elle allait retourner dans l'infirmerie quand le général l'arrêta.
— Jaelith... Pourquoi est-ce qu'il se comporte ainsi ?
— C'est à dire ?
— Je sais que le roi est très protecteur envers toi, mais là... C'est de pire en pire. J'ai peur qu'un jour il ne se décide à vraiment tuer quelqu'un qui te regardera de travers.
La jeune femme frissonna. Elrynd continua.
— C'est parce que tu ne t'es toujours pas décidé à te marier avec lui, c'est ça ?
Jaelith haussa les épaules.
— Pourquoi ne veux-tu pas me laisser tranquille Elrynd ?
Elle était furieuse. Le paladin s'était fait insistant. Lui aussi n'était pas très joyeux de la situation.
— Parce que ça m'énerve de vous voir comme ça tous les deux. Cette situation ne peut pas durer éternellement Jaelith. Tu dois choisir !
— Je ne veux pas avoir à choisir.
Elle planta son regard dans celui d'Elrynd. Ils restèrent ainsi, silencieux, pendant quelques minutes.
— Jaelith...
La voix d'Elrynd était presque suppliante. La jeune femme secoua la tête.
— Laisse-moi... S'il te plait...
— Je ne comprends pas.
— Je ne te force pas à me comprendre Elrynd.
Elle se retourna et retourna s’allonger dans l’infirmerie, laissant le paladin au milieu du couloir avec la jeune apprentie. Non, décidément, il ne comprenait pas. Le roi loup était retourné dans sa chambre et s'était affalé sur le lit. Freyki ferma les yeux. Il se rappelait alors une époque lointaine où il n'était qu'un enfant.
Cette nuit-là, il avait fait un cauchemar. Il avait vu la ville recouverte de flamme et pleurait silencieusement au fond de son lit, enroulé dans sa grosse couverture de laine. Le petit garçon reniflait bruyamment, essuyant les larmes qui coulaient toujours. C'est alors que la porte de la chambre s'ouvrit et qu'une voix se fit entendre.
— Freyki ?
C'était celle de sa mère. Cette dernière s'avança vers le lit et découvrit le visage de son fils avant de le serrer dans ses bras. Freyki se rappelait sa douceur, de sa voix, de son odeur... Sa mère lui avait été enlevé quatre années plus tard, et tout le monde l'avait pleuré, lui le premier. Il ne voulait plus perdre ceux qu'il aimait. Plus jamais.
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