Bons baisers de Russie
30 Novembre, Léo, 7h20.
Le réveil fut plus dur que je ne l’aurais imaginé. Bizarrement dormir fait beaucoup de bien. Avec Léanne nous étions les premiers à partir car notre train partait à 8h20 de la gare, suivi par celui de 10h15 pour Liz et Arthur et 11h35 pour Thomas et Marc. Les premiers qui arriveront à destinations seront eux, vu qu’ils ne seront pas perdus au milieu de nulle part. D’une certaine manière, j’avais hâte de partir car avec un peu de chance, Mary serait là-bas. Son absence commençait à beaucoup me peser. Nous nous sommes préparés en vitesse, avons dit au revoir aux autres et nous avons affrontés la pluie irlandaise et le froid. La probabilité que je tombe malade commençait à augmenter. Entre l’Irlande et le froid sibérien, cela pourrait m’achever.
Au moins, je faisais le voyage avec Léanne que je connaissais bien. Outre le fait que nous partagions le même don, Thomas et elle avait été d’un grand soutien. Avec Mary, eux deux et moi, on était les quatre premiers à former la rébellion contre James Casenine et le Centre. Puis j’avais rencontré Arthur et Liz, Marc et aussi le comédien Felipe Galilei. Savoir que tout ce monde était de notre côté me réjouissait. La gare était très calme, comme celle de Nancy à mon arrivée en France avec Mary. Les quelques personnes présentes étaient des hommes d’affaires et quelques étudiants rejoignant la capitale probablement, comme nous d’ailleurs. Le trajet fut paisible et calme, tandis que Léanne dormait, je dessinais tout ce qui me venait en tête : des fleurs, des livres dans une bibliothèque poussiéreuse et le visage de Léonard de Vinci dont tous les traits étaient encore gravés dans ma mémoire. Le résultat fut plutôt convainquant.
A Dublin, j’ai dû réveillé Léanne qui ronflait doucement. Une fois arrivés à Dublin, nous avons pris un taxi pour nous emmener à l’aéroport car nous n’étions pas en avance. Le temps de nous enregistrer, de passer la sécurité et la douane, nous sommes entrés dans l’avion cinq minutes avant le décollage. Ca y est, j’allais enfin quitter ce pays. Direction la Russie et plus précisément Tura Typa, située au milieu de nulle part. Nous n’aurons ni réseau, ni connaissance du russe, et l’hiver sibérien venait de commencer. Génial. Notre avion s’est posé à Paris à 15h, nous devions attendre le vol pour Moscou de 18h. Nous sommes arrivés à 22h à l’aéroport de Sheremetyevo à Moscou.
A peine sortit de l’avion, le froid me glaça les os. Le froid n’était vraiment pas fait pour moi et la Nouvelle-Orléans me manquait. Nous n’avons eu d’autre choix que de passer la nuit dans un hôtel, tenu par un gaillard qui devait avoir du mal dans les portes vu sa taille et sa corpulence et qui sentait l’alcool à plein nez. Je m’endormis assez rapidement cette nuit-là, j’espérais avoir un bon sommeil réparateur mais mes rêves en avaient décidé autrement.
J’étais de retour dans le cabinet de travail de Léonard de Vinci, il y avait juste son apprenti, le jeune Salai installé devant des croquis de son maitre et faisait des annotations sur une feuille vierge. Léonard de Vinci entra et me sourit en me voyant. Il demanda à son disciple de partir car il avait une chose à faire seul. Une fois parti, il s’assit et me fixa avec ses yeux pétillants de vert et de brun.
-Je suis ravi de te revoir mon jeune ami. Je m’excuse de devoir te demander cela mais pourrais-tu me rappeler ton nom ? Ma mémoire n’est plus ce qu’elle était, me dit-il.
-Il n’y a pas de mal à cela Monsieur de Vinci. Je suis Léo, j’aimerais penser que c’est le diminutif de Léonard mais je ne pense pas.
-Un nom n’est pas le plus important. La seule chose qui compte c’est ton caractère et ta manière d’être. C’est bien toi qui possèdes mon talent pour la peinture et le dessin ?
-C’est bien cela. Je suis loin de posséder votre talent mais je me débrouille un peu.
-Tu ne peux pas faire pire que ce fainéant de Salai. Il peut être paresseux, têtu et bavard c’est un brave garçon qui est soucieux de bien faire. J’espère qu’il trouvera sa voix.
- Est-ce que vous savez pourquoi je me trouve actuellement ici ? demandais-je.
- C’est une bonne question. Si j’avais bien compris la dernière fois, vous aviez besoin d’aide pour retrouver une amie qui possède aussi un de mes…talents ?
-Tout à fait, elle se nomme Mary et possède votre talent en matière de diplomatie et de stratégie. J’essaie de faire preuve de raisonnement pour trouver des idées ou même l’ébauche d’un plan mais je n’y arrive pas. J’ai donc arrêté d’y penser.
- Mais quel malheur alors, car qui pense peu, se trompe beaucoup. Un plan sera toujours possible, tu dois juste te faire confiance. Je vais te confier une chose mon cher Léo, la peinture restera mon premier amour. C’est l’art le plus puissant car il peut donner vie à n’importe quoi. Tu peux mettre à genoux un chef de guerre perdant une bataille ou le glorifier pour l’éternité. Tu peux représenter la vie tout comme la mort. La peinture est une poésie qui se voit au lieu de se sentir et la poésie est une peinture qui se sent au lieu de se voir. Tu n’as besoin que de deux choses pour cela : rêver et quelques crayons, et le tour est joué, me raconta Léonard de Vinci.
Il me serra la main et me souhaita bonne chance. Tandis que ma vision se floutait, je retombai dans les vapes avant de me réveiller dans mon lit. Léanne était déjà prête. Je me préparai en hâte dans la salle de bain, nous avons pris un petit déjeuner vraiment pas terrible dans l’hôtel mais bizarrement je m’y attendais. Nous sommes retournés à l’aéroport pour prendre un avion bimoteur mais également biplace (j’exagère à peine) . Le petit avion à hélice ne comportait que six places de passager. Pendant tout le vol, je n’étais guère serein : l’avion tanguait et il neigeait. Vive la Sibérie… J’essayais d’observer le paysage, mais on ne distinguait rien d’autre que du blanc à perte de vue. La chose dont je me souviens ensuite c’est le choc de l’avion percutant le haut d’un sapin, et ma vision devenant noire.
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