Passages secrets et pièges sont essentiels à une bonne maison hantée

5 minutes de lecture

Nous passons le rez-de-chaussée au peigne fin, sans malheureusement de résultat. Cet étage de la maison est grand : huit pièces. Plusieurs salles à manger, une bibliothèque (vide), des chambres à côté des cuisines. Tout est décrépi et il n’y a que quelques meubles épars, probablement laissés à cause de leur peu de valeur ou leur état. Nous sommes repassés dans la pièce avec le tableau. Etonnamment, c’est le seul objet qui semble avoir de la valeur. C’est assez étonnant que les anciens propriétaires l’aient laissé. J’essaie de le déplacer mais il a l’air fixé au mur, comme s’il avait été vissé par en-dessous. En tout cas, rien à faire. Elisabeth me regarde avec un air étonné, se demandant si je n’allais pas profiter de l’occasion pour m’enfuir avec le butin…

Je suis prêt à jeter l’éponge. Je me tourne vers Elizabeth qui partage clairement mon avis. Mais alors, je ressens soudainement une émotion si forte que j’en tressaille et manque de tomber. Elle n’était pas positive, loin de là ! Plutôt un mélange de colère et de frustration, mais, le plus étrange, avec un sentiment sous-jacent de faim intense et inextinguible. Une faim brute, presque carnivore…

Je me retourne vers le tableau et ressens cette fois-ci l’Art qui se cache dedans, et qui, pour je ne sais quelle raison, en exsude. Je me rapproche, au point même de toucher la toile du nez, ferme les yeux et exacerbe mon sixième sens. Au début très diffus, l’Art se concentre alors autour du visage de la jeune femme. De ses yeux exactement. Je passe ma main sur la toile et amplifie la concentration de l’Art. Les yeux commencent à briller, rouge comme la robe, luminescents dans l’obscurité de la pièce. Elisabeth, inquiète, fait un pas de recul. J’injecte une plus grande quantité d’Art dans la toile. Soudain, les yeux s’éteignent et j’entends un « clic ». La paroi pivote et donne accès à un escalier étroit qui descend. Je regarde Elizabeth. Son visage exprime à la fois la tension et la joie. J’exulte aussi, et ne demande qu’à aller de l’avant. Elizabeth éclaire devant moi et j’entreprends de descendre. J’avance doucement car je crains un escalier de bois aux marches vermoulues mais je me trompe ; ce sont des marches de métal, bien solides. Je prends de l’assurance et avance plus vite. En quelques secondes, je suis en bas, probablement au niveau du sous-sol que nous avons visité précédemment. Je fais signe à Elizabeth de venir et j’avance.

L’étroit couloir en bas de l’escalier bifurque en angle droit, pour mener à une petite pièce. Je ne me sens pas bien du tout. Cette zone est saturée de résidus d’Art corrompu, ce que les profanes apparentent à de la « magie noire ». Je suis prudent, mais ma compagne ne l’est pas. Elle s’avance dans la pièce devant moi, et déclenche le piège. En une fraction de seconde, un pentagramme s’illumine et de l’Art concentré est projeté contre nous. Ce n’est pas comme une lance, mais plutôt des centaines de shrapnels. Je me jette sur Elizabeth et nous tombons au sol, la protégeant autant que possible de mon corps. Au moment où je vais être déchiqueté, je me souviens des Chevaliers du Zodiaque, un manga de mon enfance. Dans celui-ci, des chevaliers en armure magiques se sacrifiaient pour la bonne cause. Ce souvenir, vivace, éveille en moi des sentiments de protection, de résistance face à la violence. Ceux-ci se transforment en armure d’Art, qui, pour ceux qui pratiquent comme moi, illumine la pièce et bloque les projectiles. Je pousse un lourd soupir de soulagement. Elizabeth, sous moi, gigote et se dégage. Elle regarde autour de nous, puis me jette un regard noir. Bien évidemment, pour le commun des mortels, ni l’attaque ni mon armure n’était visible. Elle doit se demander pourquoi je l’ai plaquée au sol sans raison. Toujours me fixant, elle desserre les lèvres pour commencer à parler lorsque son expression du visage change du tout au tout. C’est à ce moment-là que je sens ce liquide chaud qui coule sous mes habits. Du sang imbibe ma chemise au niveau de la poitrine. « La Griffe du Dragon », le point faible de Shiryu. Inconsciemment, j’ai créé une brèche dans mon armure, imitant la faiblesse de mon héros. Et maintenant, j’ai un trou dans la poitrine, trop près du cœur à mon goût.

Elizabeth ouvre ma chemise pour voir la blessure. Elle la regarde intensément, surtout le sang qui en coule. Je n’avais jamais vu un tel feu dans les yeux de ma compagne. Si fort, si dur, si… extrême. Puis je défaille.

Elizabeth me donnait des claques quand je reprends conscience.

« Ça suffit ! Ça suffit !, crie-je.

- Vous avez été dans les vapes pendant une minute. J’ai cru que vous alliez mourir !, s’écrit-elle, presque hystérique.

- Non, vos baffes confirment que je ne suis pas encore mort, répliquai-je d’un ton léger, pour améliorer l’ambiance.

- On dirait que vous avez pris une balle pour moi ! enchaîne-t-elle. Pourtant, je n’ai rien entendu. Votre blessure est superficielle, mais on ne peut pas retirer le projectile. Sinon, vous risquez une hémorragie.

- Vous êtes bien calée en trauma, déclarai-je d’un ton goguenard. »

Elle me jette un autre regard noir mais ne répond rien. A la place, elle se lève et me fais signe d’en faire de même. Ma poitrine me brûle. J’essaie de ne pas le montrer mais je souffre le martyre. Je me remets sur mes pieds mais pantèle un peu.

« Vous allez tenir ?, me fit-elle.

- Oui, répondis-je faussement. Donnez-moi juste une minute pour récupérer. »

Je referme les boutons de ma chemise ensanglantée et je la ressens encore une fois : la faim était de retour. Plus forte, plus aigüe, celle de tout à l’heure mais plus exacerbée. Un être maléfique habite ces murs. Et c’est probablement la cause de tout ceci. J’ai une pensée pour Pierre qui a disparu. J’espère qu’il n’est pas trop tard.

Avant d’aller plus loin, il faut que je mette les choses au clair avec Elisabeth. C’était son manque de connaissance du danger qui avait déclenché le piège.

« Elisabeth ? Avant d’aller plus loin, j’ai besoin de vous poser une question : croyez-vous aux fantômes ? »

Elle me regarde, hésitante. Sa première réaction est de commencer à rire mais celui-ci n’atteignit jamais sa gorge, vu le sérieux de ma face.

« Vous êtes sérieux ? me demanda-t-elle.

- Totalement, je réponds. En entrant dans cette pièce, vous avez activé une sorte de piège magique qui a failli nous tuer, et d’où ma blessure. Cela risque de vous paraître farfelu mais nous sommes dans une maison hantée. Un esprit ou un fantôme l’habite et essaie de nous dissuader d’avancer. C’est probablement lui qui a capturé Pierre, qui est peut-être déjà mort. En tout cas, avant d’aller plus loin, il est nécessaire que vous compreniez le danger présent. »

Je m’attends à une réaction, mais elle ne dit rien.

« Je ne suis pas sûre de croire aux fantômes mais je vous crois. Que devons-nous faire alors ?

- Je ne sais pas. Au point où nous en sommes, je pense que le mieux est d’avancer et d’aller le confronter.

- Vous avez fait partie des Ghostbusters ? me demanda-t-elle, presque méprisante.

- Non, mais je m’y connais un peu, répliquais-je sans relever. Les fantômes sont généralement inoffensifs, même sur le lieu qu’ils hantent. Seuls les anciens sont dangereux, mais cette maison n’est pas assez vieille donc je ne pense pas que ce soit le cas.

- Comment le combattre alors ?

- Avec du sel, dis-je en sortant mes sacs des poches. »

Elle me regarde, perplexe. Je lui fais un clin d’œil, puis lui jette un sac.

« Si vous le voyez, jetez-lui le sel dessus. Avec un peu de chance, il partira.

- Et sinon ? demande-t-elle, hésitante.

- Il sera vraiment en colère, je réponds. Dans ce cas-là, courez ! »

Je ne lui laisse pas le temps de répondre et m’avance vers le fond de la pièce où se trouve l’autre porte. D’un air décidé, je tourne la poignée et l’ouvre violemment.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Julien Be ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0