Chapitre 1 - La haine

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8 h du mat.

Le bahut. Le collège, en quelques sortes. J'y ai fait mes preuves cinq ans auparavant, avant que l'on m'affecte en tant que professeur à plein temps, dans une classe "difficile". Même le directeur m'avait averti : la 4°1 est la pire, Monsieur Mathieu, je ne vous la conseille pas, en tant que maître de débutant.

Je ne voulais pas me laisser distraire par ses propos adorables, réellement, mais il faut dire qu'à présent, quand je me réveille le matin dans l'appartement de cité que j'ai loué il y a déjà six ans de cela, j'ai déjà envie d'être cloué sur le matelas jauni, et de ne plus bouger.

La Cité des Hautes-Yvelines, Marseille. Il faut aussi que j'en parle. Un terrain de trois milles mètres carrés, avec aire de jeux façon américaine tout en bas, et quelques carrés de pelouse. Un grand building de cinq cents mètres en briques rouges, sali et pollué par la pluie et la rare neige qui tombe quelquefois.

Tout cela n'est qu'une couverture : je connais la plupart des mecs de la cité, il y en a une tonne que je pourrais narrer en noircissant cette page, mais je ne préfère pas.

Le premier à se méfier est Sami Farouk, le stéréotype même de l'Arabe qui ne bouge que pour voler. Je ne suis pas raciste - seulement enseignant à plein temps français légalement logé dans un coin paumé de la pleine Jungle Française du Ghetto - et je ne pense pas un mot des préjugés qui nomment les "Arabes", mais je sais tout de même de quoi je parle. Ma première année aux Hautes-Yvelines, Sami m'a accueilli avec ses trois collègues corpulents et gras comme s'ils s'étaient trempés les pieds dans une bassine d'huile de friture. L'un d'eux, J.P, m'a accosté d'un bref : "Eh ! mec, Sam' te passe le coucou" avant de me coller son poing dans l'estomac. J'aurais pu vomir mes tripes en le voyant et m'enfuir en courant, en espérant que ma Renault 5 ne tombe pas en panne - ce qui était prévisible vu le trajet Annecy-Marseille qu'elle avait passé en affilée - mais je n'ai rien fait d'autre que de fixer les deux lards en me disant intérieurement que je survivrais.

Règle n°1 : ne jamais vous laisser terrifier par les racailles de cité, ou bien vous le regretterez. Après ce coup dans l'estomac, j'ai reçu de Sami plusieurs cadeaux, que je ne narrerais non plus, à part peut-être le coup du "vol de mes roues", dans lequel j'ai pris deux heures à retrouver les roues de ma Renault 5, pour la grande somme de 500 euros auprès des deux mêmes gros lards qui m'avaient accosté dès mon premier jour.

Bref, 8h du mat', le bahut, comme l'appellent les élèves. Cette fois-ci, Quatre milles mètres carrés de terrain libre, des gosses qui chahutent dans tous les sens, une vie-scolaire quasi-inexistante, trois surveillants dont une femme retraitée qui ne font que surfer sur le web pendant que des pauvres innocents et vauriens se battent pour leur survie ici - j'en ai surpris plus d'un en train de regarder du porno devant le collège, en se tapant une joli fumette devant des gonzesses à poil dont je ne dirais pas plus de détails.

Il y aussi le directeur, Roger Sardacco, qui n'attend que la fin du trimestre pour vous recevoir, un tant soit peu accomodé, et prêt à vous livrer son plus bel argument : "Non, votre fils n'est pas comblé de bonnes notes cette année, maintenant, laissez-moi travailler en paix".

Quant à la cantine, c'est un gros mastodonte coloré et entretenu sur le papier, bien entendu. A l'intérieur, les cuisinières vous gratifient d'un gentil sourire de sorcière, en vous servant la plus immonde nourriture que je n'ai jamais eu l'occasion de goûter - le gratin de choux-fleurs m'est resté sur les fesses pendant une semaine, l'année dernière -, et les sols sont tellement malpropres que l'on peut se voir sur le carrelage comme dans un miroir, à la différence que ce sera dans une flaque d'on ne sait quoi, sans doute des repas d'élèves déversés par décennies.

Je crèche à la vie scolaire, toujours attendu pour un appel ou un dossier. Les archives de la vie scolaire sont comme les locaux du FBI : remplis de vauriens qui surfent sur les ordinateurs à la recherche d'informations potentiellement intéressantes.

Mais le meilleur, c'est les classes. Depuis que Sardacco a instauré sa réforme des enseignants il y a trois ans, nous avons eu droit à la sextuple-inspection, et à l'installation de casiers - pour la plupart dégradés par l'Affreux Inquisiteur Jim Carniel toujours non viré - ainsi qu'à la construction de nouveaux locaux de classes, distribués en ailes est et ouest - toujours cohérentes.

Quant au gymnase, j'adore voir comment le professeur d'EPS, Réné Claudebarrond, s'y prend à chaque fois pour essayer de trouver la sortie et l'entrée de sa salle d'échauffement. Gare aux élèves qui l'ont en première heure de la matinée, c'est une réelle torture d'effectuer ses échauffements.

Quant à moi, je suis le seul professeur de mathématiques de la région supposé arabe - parce que les gens là-bas sont si racistes qu'ils prennent les arabes pour de sales "nègres", tels sont les propos de Marnieux, professeur de physique-chimie dépressif - qui a tout compris au système éducatif du monde, mais pas à celui de Dénis-D'Alembert-Diderot.

Bienvenue dans...mon monde, celui de Félix Lamberti.

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