Chapitre 1

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- Comment as-tu pu me faire ça Alexander ?

Je hurle à plein poumons, retirant un à un mes vêtements de ma penderie. Debout de part et d’autre de ce qui était « notre chambre », deux grosses valises posées sur le lit, je m’efforce de ranger chaque affaire m’appartenant. Je laisse tout sauf les habits. Je ne préfère pas récupérer les draps souiller par le corps d’un autre. Même notre décoration chaleureuse, que nous avions pourtant choisie ensemble, me donne à présent envie de vomir. Juste le voir, me donne envie de vomir d’ailleurs.

- Je suis désolé, Gab…, se lamente-t-il.

- Ne m’appelle plus jamais comme ça, craché-je.

Face à face, je vois ses yeux marrons se remplir de larmes, l’espace d’un instant, mon cœur se serre. Sept ans de vie commune jetée à la poubelle. Je secoue la tête, ce n’est pas le moment de se relâcher. Ma décision a été prise depuis le jour où je les ai surpris tous les deux dans nos draps, nus l’un contre l’autre. Rien n’a été pareil depuis cette soirée, il y a deux semaines. J’ai d’abord été quelques jours chez mes parents avant de prendre la décision de retourner habiter chez eux, la maison étant à Alexander.

De toute façon, je ne veux plus jamais remettre les pieds ici.

Alexander continue de s’apitoyer sur son sort, s’excusant, pleurant mais je ne sourcille pas, roulant mes fringues pour que tout rentre. Il passe une main dans ses cheveux bruns, les attachant dans un chignon. Il le fait exprès, il sait que j’aime lorsque ses mèches sont relevées de cette façon. Son attitude me rappelle soudainement tout ce qu’a été notre relation : la manipulation. Je réalise seulement maintenant l’ampleur de son emprise. Dire que j’ai faillis le pardonner sans cette soirée au restaurant il y a une semaine. Mes parents, bien que de mon côté, m’avaient conseillé d’au moins écouter ses explications. Que cela ne me coutait rien et que de cette façon, ma décision ne serait pas prise sous le coup de l’impulsion. Ajoutant également que les réponses permettent de passer à autre chose. Tout ce qui a été avouer ce soir-là ne mérite même pas d’être répété. En tout cas, à la suite de notre repas houleux, où je lui ai laissé payer la note sans scrupule, je ne regrette pas mon choix de partir. C’est pourquoi aujourd’hui, tout ce qu’il pourra faire ou dire ne me fera pas retourner dans ses bras alors je détourne les yeux, tombant sur une image de nos vacances en Italie pour nos six ans de relation. Je crache :

- Tu peux garder la photo, ainsi que toutes les autres. Je n’en veux pas.

- Tu es sûr de ne pas vouloir te rappeler des bons moments ?

- Je ne veux plus jamais te voir, Alexander. Ne me regarde pas avec cet air désemparé. Tu es le seul responsable de cette rupture.

- Tu ne peux pas m’en vouloir d’avoir eu un moment de faiblesse alors que notre couple partait en vrille, réplique sèchement Alex.

- J’espère que tu te moques de moi ? je m’insurge, C’est vrai, je ne peux pas nier nos soucis. Cela se passe ainsi dans toutes les relations. Tout n’est pas rose mais celui de nous deux qui est allé voir ailleurs, c’est toi. Ne rejette pas ta faute sur quelqu’un d’autre pour oublier ta propre culpabilité.

Il baisse les yeux, bien conscient d’être parfaitement en tort. Je ne lui laisse pas le temps d’argumenter plus, bouclant enfin la dernière valise. Dans un autre sac, je range mon ordinateur, ainsi que tous mes cahiers afin de continuer à travailler sur mes futurs romans. Je ne récupère aucun souvenir, aucun cadeau qu’il a pu m’offrir ses dernières années. Même le magnifique canapé en cuir que Alexander a acheté pour mon anniversaire reste ici. Je vérifie une dernière fois dans toute la maison si je n’ai rien oublié. Cela me brise de laisser une partie de moi ici, les peintures, la décoration que nous avons choisie ensemble. Ainsi que toutes nos années d’amour qui ont été bercées par ses murs blancs.

C’est mieux ainsi.

Je me répète cette phrase inlassablement depuis quinze jours, espérant bêtement qu’il soit possible de revenir en arrière. Une fois le dernier tour terminé, j’ouvre la porte d’entrée, déposant mon double des clefs dans le petit saladier de l’entrée. Plus par politesse que par envie, je salue une dernière fois Alexander dont les larmes ne semblent plus s’arrêter. Entre deux hoquets de sanglots, il me dit :

- Je suis désolé, Gabriel.

- Moi aussi, Alex.

Je traverse le jardin, retrouvant ma voiture dans l’allée. Je balance mes affaires dans le coffre avant de me retourner une dernière fois dans sa direction, il me fait un discret signe de la main auquel je ne peux pas m’empêcher de répondre avant de monter derrière le volant et de quitter pour de bon cet endroit.

Sur le trajet en direction de mes parents, je relâche enfin la pression de ces derniers jours, laissant des perles salées couler le long de mes joues. J’évacue tout. Le stress, l’angoisse, la honte aussi. Comment nous avons pu laisser notre histoire se dégrader à ce point ? Nous étions tellement beaux avants. J’aime à croire que c’était sain et simple. Je repense à nos voyages, nous avons fait tellement de pays grâce à la vente de mes livres, adapté dans plusieurs pays anglophones.

Lorsque je rentre dans la cour de la demeure familiale, j’aperçois la mini Cooper de Rose, ma meilleure amie. C’est sans aucun doute l’une des personnes que j’apprécie le plus au monde. Je sais d’avance qu’elle est là pour me soutenir. Avant de sortir, je passe rageusement ma main sur mes joues, éliminant toute traces de mon craquage émotionnel. Même si je n’en ai pas honte, je ne veux pas inquiéter inutilement ma famille. Mes bagages sur l’épaule, je toque à la porte me faisant chaleureusement accueillir par ma mère :

- Mon chéri ! Comment tu te sens ?

- Tout va bien, maman.

- Tu es sûr ?

- Promis.

Elle me serre dans ses bras, frottant doucement mon dos avant d’attraper l’un de mes sacs, retrouvant tout le monde à l’intérieur. Sans même avoir le temps de déposé mes affaires au sol que Rose ainsi que ma petite sœur, Lisa, me serrent contre elles, parlant sans me laisser respirer.

- Calmez-vous les filles, Gab ne vas pas s’envoler, se moque mon père, Marc.

Mes parents connaissent ma meilleure amie depuis le bac à sable, c’est comme une seconde fille pour eux et je suis accueillis de la même manière lorsque je passe du temps avec sa famille. Son père était d’ailleurs près à en découdre avec Alex s’il avait fallu. Cela m’a bien faire rire, remontant mon moral qui se trouvait bien bas à ce moment-là.

- Tu ne peux pas nous reprocher de nous inquiéter ! s’exclame Rose, passant une main sur ma joue.

- Je sais bien. Merci, mais ça va. Je ne vais pas mentir, cela a été dur. Bien plus que je ne le pensais mais je me sens libéré maintenant.

- Je suis fière de toi, approuve Lisa.

- Maintenant, laissez-le respirer ! clame Marc, Tu peux aller déposer tes valises dans ton ancienne chambre. Ta mère et moi l’avons un peu aménagé afin qu’elle soit plus en accord avec toi-même.

- C’est gentil merci, papa.

J’embrasse ma sœur et Rose avant de m’éclipser pour installer mes bagages. Lorsque j’ouvre la porte, je constate que mon père ne m’a pas mentis. La pièce ne ressemble en rien à ma chambre d’adolescent, celle dans laquelle je dormais ces derniers jours d’ailleurs, je ne sais pas quand est-ce qu’ils ont eu le temps de faire cela. Je ne me suis pas absenté si longtemps que ça. A part les murs, tout a été remplacé, en passant par mon lit simple qui est devenu un lit double ainsi que mes meubles comme mon armoire ou encore mon bureau. Si je n’étais pas certain d’être chez moi, je me croirais chez Ikéa. Je suis touché qu’ils se soient tous donné du mal pour moi, j’aime beaucoup ce qu’ils ont fait.

Quand je retourne dans le salon, elles sont toutes accoudés au bar de la cuisine, tandis que mon père installe la table du repas. Rose tend le bras pour que je m’installe contre elle, me laissant boire une bonne gorgée de sa bière que je savoure comme du pain béni. Elle ne me lâche pas, continuant sa conversation :

- Nous lui annoncerons tout à l’heure Miriam.

- D’accord les filles, approuve ma mère.

- Nous t’expliquerons après le repas, Gab, ajoute Lisa voyant mon air perdu.

Je hausse les épaules, ne comprenant pas tout mais peu importe, maintenant, tout ira bien. Les conversations fusent alors que nous nous installons tous dans la salle à manger. Je suis là sans être là ce soir, je pense au futur. Ma vie va prendre un nouveau tournant désormais, je ne sais pas si je suis prêt à ça. Redevenir célibataire, se retrouver seul à nouveau. J’ai perdu l’habitude de ces choses-là en sept ans. Rencontrer du monde…

Avec Alex, cela avait été si simple quand j’y repense. Nous nous sommes rencontrés à dix-huit ans pour moi, dix-neuf pour lui, les choses se sont passés rapidement mais avec tellement de sincérité que je ne comprends pas comment tout a pu se dégrader. La routine sans doute, nous habitions ensemble depuis quatre ans déjà, d’abord dans un appartement puis dans cette maison que Alexander avait acheté avec ses économies, mon métier d’auteur ne rapportant pas suffisamment pour que je participe. Cela me dérangeait un peu mais Alex s’en fichait, il voulait notre chez nous.

Comme quoi, rien n’est figé dans le marbre.

- Cesse de lamenter, Gabriel ! s’exclame Rose, enfournant une part de gâteau dans sa bouche.

Je n’avais même pas remarqué que nous étions au dessert, un bout de gâteau yaourt. Le plat mythique de ma mère. Elle avait l’habitude de le faire enfant, lorsque quelque chose de triste nous arrivait à Lisa et moi. Cela me fait sourire et j’en croque un morceau.

- Je pense que vous pouvez lui dire les filles, intervint mon père.

- Qu’est-ce que se passe ? questionné-je intrigué.

- Il y a que je suis sans doute, la meilleure sœur du monde, sourit Lisa.

- Permets-moi d’en douter, me moqué-je, recevant un coup sur l’épaule.

- Cessez de faire les enfants ! Je t’annonce que nous partons en vacances !

- D’accord Rosie, mais c’est qui nous ?

- Toi et moi banane.

- Je voulais venir aussi mais mon patron a refusé mes congés, papa et maman travaillent aussi donc ils ne peuvent pas. De mon côté je vais essayer de me libérer.

- C’est génial merci beaucoup.

Je me lève embrassant tout le monde pour les remercier. Peu importe où nous allons, je sais déjà que cela sera incroyable, chaque voyage avec Rose est une aventure. Elle nous programme toujours des excursions incroyables. J’ai déjà hâte de savoir ce qu’elle a préparé. J’espère aussi continuer le prochain roman fantastique sur ma liste.

- Où est-ce que nous partons ? je m’enquiers.

Le regard de Rose s’attarde sur tout le monde avant d’annoncer :

- Au camping « Les cigales ».

Ah. Cela promet d’être intéressant.

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