Chapitre 02 - Marielle
Je vis à 2000 à l’heure, je n’ai pas une minute à moi et encore moins aujourd’hui. Je travaille dans un centre pour les ados. Je suis responsable du pôle filles/mères ; ce sont des jeunes filles qui soit attendent leur bébé ou soit élèvent leur enfant le temps d’apprendre à se gérer.
- Vanessa qu’est ce que tu fais debout ! Le gyneco a été clair je crois, non ?
- Marie stp, j’en ai marre d’être toujours allongée ! Ronchonne-t-elle
Difficile d’être encore ado et porter une vie fragile. Vanessa s’est fait violer par son oncle, et a découvert sa grossesse lorsqu’elle a failli perdre son bébé. Depuis elle est cerclée et obligée de rester allongée. Elle n’a aucun instinct maternel envers son bébé, elle ne compte pas le garder et le mettra à l’adoption. Nous devons donc gérer aussi ça car c’est une décision très difficile.
- Karl non !!! Tu viens là !!! Désolée Marie. Louise non !!! Chris arrête !!! Putain ils vont me rendre dingue !!!
Tessy est une fille qui a eu y a 2ans des triplés naturellement avec un garçon qui s’est vite enfui quand il a su que de ne pas avoir mis de préservatif et bien ça donne des bébés. Elle est submergée alors on l’aide comme on peut.
- Marie je peux te parler stp ? Me demande Laurine
Je la suis jusque dans sa chambre alors que je reconnais sa tête. Elle caresse le dos de son bébé qui dort dans son lit.
- Laurine, qu’est ce qu’il se passe ?
Elle me tend un test de grossesse positif.
- Ton corps se remet à peine Laurine !!!
- Je sais mais il voulait.
- Tu ne peux pas le laisser se servir de toi, tu sais que ça te fait du mal toutes ces grossesses.
- Mais je l’aime.
- Il est violent avec toi Laurine.
- Pas toujours.
Non les ¾ du temps. Le problème qu’on a c’est que Laurine a son petit copain dans le pôle des garçons, nous essayons de les garder à distance mais ils arrivent toujours à se voir. Ils font l’amour et elle revient enceinte. C’est sa 4ème grossesse. La première a donné un petit garçon de 2 ans qui est adorable, la seconde a fini en fausse couche à cause des coups car c’est un garçon très violent, sa 3ème dort à poings fermés dans son berceau, née y a moins de 2 mois et il l’a déjà remise enceinte.
- Tu veux faire quoi Laurine ?
- Je ne sais pas.
Nous ne forçons jamais les décisions. Ce sont les filles qui choisissent de continuer ou non leur grossesse. Je lui caresse sa joue et la prends dans mes bras.
- Il va me tuer si j’avorte. Dit-elle en pleurant
- Il n’est pas obligé de le savoir tu sais.
- Je veux ce bébé, je ne veux pas tuer de bébé Marie.
- D’accord, tu sais qu’on va te soutenir peu importe ta décision. On va déjà prendre rdv chez le médecin voir comment tu vas, ok ?
- Oui.
Plus tard nous avons une réunion.
- Bien alors prenons les cas un par un. En partant des plus critiques. Dit le directeur
- Moi j’ai Laurine, Lucas l’a encore mise enceinte. Dis-je
- Ce n’est pas vrai ! Pas encore.
- Si.
- Comment ils font, Lucas est sous surveillance constante. Dit l’éducateur responsable du pôle.
- J’en sais rien mais c’est sa 4ème grossesse quand même et en plus, elle est marquée au visage.
- Moi je pense qu’on devrait le transférer. Dit une collègue
- Impossible, Lucas je le suis depuis ses 8 ans, je le connais il fera une connerie. Dit son éducateur.
- Je suis d’accord, si on les sépare, on court à la catastrophe. Dis-je
- Ouais bah moi je ne peux pas ramasser Laurine à la petite cuillère à chaque fois que Lucas à ses nerfs !
- Je vais lui parler. Dit son éducateur.
- Pour qu’il s’en prenne encore à elle ? ! Dit ma collègue
Le ton monte entre mes collègues.
- Est-ce que tu lui as donné des préservatifs comme on l’avait demandé ? Dis-je
- Bien sûr que oui, on a fait un atelier là-dessus en plus.
- Faut le convoquer et parler avec lui.
Son éducateur est d’accord.
- Bien et sinon Vanessa comment va-t-elle ? Sa grossesse est compliquée je crois. Enchaîne le directeur.
- Oui, on veille à la garder au calme mais bon Vanessa n’est pas très coopérative.
- J’ai vu avec les services sociaux, on devra les appeler dès qu’elle accouchera pour qu’ils viennent prendre le bébé au plus vite comme elle l’a demandé.
- C’est une bonne chose.
Après 3 h de réunion je vais à la convocation de Lucas et son éducateur.
- Bonjour Lucas. Dis-je en rentrant dans mon bureau
- Tiens-toi bien. Lui lance son éducateur.
Il souffle et se redresse.
- Je suppose que tu sais pourquoi on te convoque ? Dis-je
- Non je ne vois pas.
- Laurine est marquée au visage.
- Elle a du se cogner.
- Lucas s’il te plait, sois coopératif. Réprimande l’éducateur.
- Ok, je lui ai mis une baffe, ce n’est pas la mort.
- On a déjà travaillé là-dessus je crois.
- Ouais bah elle me fout les nerfs, j’y peux rien !
- Alors pourquoi tu la revois ? Dis-je
Il hausse les épaules. Son attitude me rappelle quelqu’un et ça joue sur mon mental mais d’un autre coté chaque histoire me ramène à la mienne. Ce n’est pas pour rien que je travaille ici. Je veux aider les autres à ne pas vivre mon calvaire.
- Je la kiffe, j’y peux rien. J’ai la rage de l’aimer autant alors je la cogne.
- Et pourquoi lorsque vous faites l’amour vous ne vous protégez pas Lucas ?
- Surtout que je t’ai donné ce qu’il faut. Dit l’éducateur.
- J’en sais rien moi !!! On baise comme ça, on ne réfléchit pas !!! Putain jte demande moi si tu fous des capotes avec ta meuf !!! Elle n'a qu’à prendre la pilule elle aussi.
Ça aussi c’est un problème chez ces jeunes filles, la contraception leur passe au dessus de la tête. Elle a porté un implant mais Lucas en la frappant à explosé le dispositif et elle est tombée enceinte. On a tenté la pilule mais elle l’oublie même si elle jure le contraire. Bref on ne sait plus quoi faire.
- Elle est enceinte c’est ça ? Demande-t-il
- Oui Lucas.
Il hausse les épaules.
- Faut pas qu’elle avorte. Dit-il
- Pourquoi Lucas ?
- Parce qu’un jour je serais quelqu’un de bien pour elle et nos enfants. J’ai juste besoin de temps. Je peux la voir ?
- Oui bien sur.
On termine la convocation et on l’emmène voir Laurine. Il passe à peine la porte qu’elle lui saute au cou. Je regarde l’éducateur qui soupire.
- Je ne comprendrais jamais leur histoire.
Moi si, Mick’ pouvait être un être des plus discutables, je ne pouvais pas lui résister. S’il avait été violent, je ne suis pas sur que je l’aurais quitté. Si Lucas et Laurine ce n’est pas la même histoire, en me mettant à leur place, je conçois ce besoin qu’ils ont.
- Lucas s’il te plait. Lui dit l’éducateur pour stopper ce baiser sauvage.
Mais comme moi et Mick’, ils s’en tapent. Je fais signe à l’éducateur de les laisser.
- Le mal est déjà fait. Dis-je pour répondre au regard de mon collègue.
Les bruits de la chambre nous font sourire malgré que ça ne soit pas du tout drôle.
- Et si on leur accordait un studio ? Me dit l’éducateur.
- Faudrait pour ça qu’il arrête de la battre et que les collègues soient ok.
- Bagarre de filles !!!! Hurle une des pensionnaires.
On arrive en courant pour les séparer. Voilà mon quotidien, gérer des filles, des vies et faire d’elles des mères et des femmes équilibrées. Même si on ne réussit pas toujours.
- Tu viendrais te déhancher ce soir ? Me lance ma collègue Lisa.
- Non toujours pas.
- Marie comment veux tu rencontrer l’homme de ta vie en restant enfermée chez toi ?
- Je n’ai pas besoin d’homme dans ma vie Lisa.
- Faut que t’avance aussi sur ce plan Marie.
- Fin de discussion. Salut.
Je rentre chez moi, gère ma maison puis m’effondre sur mon lit par la fatigue.
Je danse langoureusement lorsque je sens qu’on m’attrape par la taille, quand je me retourne son regard noir se pose sur moi. Je lui saute dessus et l’embrasse à en perdre haleine. Tout le décor se construit, je suis dans une magnifique maison baignée de lumière.
- Maman je peux faire un câlin au bébé ?
Je regarde mon ventre arrondi.
- Mick’ je t’aime.
- Moi aussi bébé.
- Tu t’en vas ?
Je le vois s’éloigner de moi et plus il s’éloigne et plus j’ai mal au ventre.
- Pourquoi tu saignes maman ?
- Parce qu’il est parti, parce que ce bébé ne peut pas exister.
Comme à chaque fois je perds ce bébé dans d’atroce souffrance et me réveille en larmes en tenant mon ventre qui me fait toujours aussi mal quand je pense à lui. Ce jour là, il a tué nos chances de vivre notre histoire et donc de fonder notre famille. Ça fait pourtant six ans, mes cauchemars ne me quittent toujours pas et tant mieux car c’est le seul moyen de le voir. Parfois je me demande ce qu’il devient, je l’ai tellement attendu mais il n’est jamais revenu alors je suppose qu’il a tenu sa promesse et qu'il est heureux. Moi ça fait six ans que je souffre le martyre, six ans que ma vie est vide, six ans que je m’enfonce dans un gouffre sans fond.
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