Chapitre 08 - Mickaël
Mercredi, reste plus que 2 jours avant le retour de Marielle. Je fais vite mon taf puis je prends ma caisse et vais au centre.
- Eh beh, je vais finir par t’embaucher à force. Me lance Lisa.
- Dis que je dérange aussi.
- Mickaël !!!!! Crie Jennie en me sautant dessus.
- Eh salut princesse.
- T’es revenu !!!!
- Bien sur que je suis revenu, je te l’ai dit et je tiens toujours mes promesses.
- Tristan a cassé la maison de poupée, je peux même plus jouer.
Si je chope ce merdeux !
- Tu veux bien venir jouer avec moi à la pâte à modeler ?
Je regarde Lisa qui se marre. C’est quoi son problème ?
La pate à modeler dans tes mains je crois.
Si des gosses s’en sortent je devrais m’en sortir. Ca doit pas être plus compliqué que de rouler un joint. Je la suis sur une table qui heureusement est une table à hauteur normale car je ne me voyais pas faire le crapaud sur une des petites chaises de pimousse.
- Tiens, ça c’est pour aplatir, ça pour découper, et on ne doit pas mettre ses doigts à la bouche. Me dit-elle comme une instit’
- Ok, merci pour le rappel des règles.
- De rien. Dit-elle avec son sourire de gosse.
Je me retrouve con devant le truc sans forme, je suis sensé faire quoi ?
Ce que tu veux, c’est ça le truc de la pâte à modeler. Fais ressortir ton âme d’enfant pour elle.
- C’est quoi ? Me demande-t-elle
- Bah ça se voit, c’est un serpent.
- On dirait un cornichon.
- C’est toi le cornichon.
Elle éclate de rire et je fais le con avec mon serpent-cornichon.
- Moi j’ai fait un cœur pour ma maman.
- Elle en a de la chance ta maman.
Elle ne dit rien et se concentre sur un autre morceau de pâte comme moi lorsque je bosse sur mon ordinateur ou les plans de ma future baraque.
- Tiens, c’est pour toi. Me dit-elle en me donnant un cœur.
- Oh, et bien merci beaucoup.
Je malaxe la pâte dans mes mains et fais une sorte de bonhomme.
- On dirait un gros caca. Rit-elle de mon travail
Ah bah super.
- Prends pas la confiance fillette, je suis un artiste.
- Un artiste qui fait des gros cacas.
- Parce que t’en fais pas toi des gros cacas peut être.
Très mature.
Ta gueule, tu m’as dit de retourner en enfance, je suis en plein dedans. Elle est morte de rire, c’est tout ce qu’il compte.
- Bon on va ranger, c’est l’heure d’aller se laver les mains pour manger. Dit Lisa qui tape dans ses mains.
Mais Jennie est toujours dans la confection d’une sorte de pizza que personne ne voudrait manger.
- Jennie, faut qu’on range. Dis-je
- Je n’ai pas fini.
- Ouais mais tu vas te faire engueuler si tu ne ranges pas.
- Ce n’est pas beau les gros mots.
- Jennie s’il te plait range.
Elle souffle et me lance un regard noir mais finit par écouter avant que Lisa la réprimande.
- Eh ne fais pas la gueule. Dis-je devant la mine boudeuse.
Elle ne dit plus rien et me fait un blocage.
- Bon Jennifer, faut aller te laver les mains, on va manger. Dit Lisa
- Je n’ai pas faim !
- Et bien ce n’est pas grave, tu mangeras juste un petit peu.
- Non !!!
Je découvre le coté caractériel de cette gosse angélique qui peut devenir un vrai petit démon et ce n’est pas pour me déplaire si seulement ce n’était pas à moi qu’elle lançait son foutu regard noir malgré ses beaux yeux bleus.
- Arrête de bouder, t’auras tout le temps de faire de la pâte à modeler, c’est les grandes vacances, on pourra en faire encore plein. Dit Lisa pour tenter de ramener la petite à la raison mais qui reste muette.
Lisa me regarde et soupire.
- Bon et bien tu sais quoi Jennifer, reste là et quand tu seras décidée à revenir avec nous et bien tu sais où venir !
Lisa s’en va mais moi je ne bouge pas. Hors de question qu’on reste là-dessus. Jennie croise les bras sur la table et pose sa tête dessus. Alors je m’affale sur ma chaise et pose les pieds sur la table. Elle regarde mes chaussures puis regarde devant elle. Elle lâche rien alors je prends mon tel et me fais livrer de quoi bouffer.
- Bonjour j’ai une commande pour Mickaël Parker.
- Ouais c’est ici. Dis-je en gueulant.
Lisa penche la tête pour me regarder, choquée par la commande.
- Quoi tu ne m’as pas invité et j’ai la dalle.
Elle lève les yeux au ciel et vient me filer mon sac qu’elle ouvre pour regarder ce que j’ai commandé puis penche sa tête.
- Quoi ? J’aime bien les jouets qu’ils font. Dis-je
- Ouais bien sur.
- Retourne bouffer et laisse moi manger tranquille.
Elle dit rien et se casse. Je mets sur la table mon menu et sors le Happy Meal que j’ai pris pour elle. Elle se redresse et perd sa colère.
- T’en veux ? Dis-je
Elle fait non de la tête comme pour me tenir tête sauf que c’est peine perdue. Le Mac do enivre nos narines quand j’ouvre le papier qui entoure le sandwich.
- C’est quoi ? Me demande-t-elle en regardant la boite.
- Bah un Happy Meal.
Elle me regarde étonnée.
- Mac do. Dis-je
- C’est quoi ?
Elle est sérieuse là !!!
- T’es sérieuse tu ne connais pas Mac do ?
- Non.
Elle fout quoi sa daronne sérieux !
- Et bien mange, je t’assure que je redeviendrai ton meilleur pote.
- T’es toujours mon meilleur pote.
- Bah vu comment tu me regardais j’ai bien cru que je l’étais plus.
- Tu le seras toujours même quand je suis fâchée.
- Me voilà rassurer. Allez croque un bout, tu m’en diras des nouvelles.
Je n’ai jamais vu quelqu’un déguster un Mac do. Un Mac do ça s’avale quoi mais non elle, elle se délecte de cette bouffe qui est dégueulasse pour le corps mais bordel que c’est bon. En attendant elle retrouve le sourire.
- Et du coup ça veut dire que t’as jamais mangé de Kebab ? Dis-je
- C’est quoi ?
Oh putain mais cette gosse n’a rien vécu !!!
- Je t’en ramènerai un.
Elle goute le coca dans le gobelet puis le recule d’elle.
- T’aime pas le coca ? Dis-je
- Si mais maman n’est pas d’accord. Elle dit que c’est que pour les anniversaires et les fêtes.
- Bah ça tombe bien c’est mon anniversaire.
- Menteur.
Je lui souris et lui rapproche le gobelet. Sa daronne n’a qu’à être là !
- Alors dis-moi qu’est ce que tu fous ici ? Dis-je pour en savoir plus.
- Bah j’attends maman.
- Elle est où ?
- Elle travaille.
- Et t’es ici depuis quand ?
- Bah depuis toujours.
Depuis toujours !!! Mais cet endroit n’est pas sensé être transitoire et non définitif ?
- Et ton père ? Dis-je
- Che pas. Dit-elle en haussant les épaules.
- Comment ça tu ne sais pas ?
- Bah je ne sais pas, il n’existe pas je crois.
Sauf erreur de ma part, y a que la vierge Marie qui a eu un gosse sans père. Cela dit ça m’étonnerait pas que son daron soit dieu vu la beauté de cette gosse. Et ça expliquerait qu’il laisse sa gosse dans la merde.
T’es croyant toi maintenant ?
Ta gueule.
- Et tu aimes bien être ici ?
- Ouais, j’ai plein de copains et de copines, en plus je peux faire du piano et chanter.
La question me brule la langue depuis trop longtemps alors je me décide de lui poser.
- Elle est gentille avec toi ta mère ?
Je redoute sa réponse. Ici y a que des gosses en souffrance et je sens bien qu’elle souffre alors j’espère juste pour sa daronne que ce n’est pas elle la responsable.
- Oui pourquoi tu me demandes ça ?
- Je ne sais pas, t’as l’air parfois un peu triste, j’essaye de comprendre, c’est tout.
- Je suis triste car maman est triste elle aussi.
- Pourquoi elle est triste ?
- Je ne sais pas. Je crois qu’elle ne voulait pas vraiment de moi.
Quoi !!! Putain mais c’est horrible de penser ça !!!
- Comment elle pourrait ne pas vouloir de toi, je ne pense pas que ça soit ça tu sais.
Elle hausse les épaules et mange sa pompote.
- C’est bon ? Dis-je
- Oui dit-elle avec un grand sourire.
Je préfère ça sauf que son sourire ne dure pas.
- Mick’ ? Me demande-t-elle en matant son jouet
- Oui princesse.
- Je pourrais te faire un câlin car je suis un petit peu triste ?
Putain cette gosse me bouleverse.
- Bien sur, viens. Dis-je en ouvrant mes bras.
Elle vient loger son petit corps contre le mien et je referme mes bras en guise de protection. Très vite je sens les sursauts de sa tristesse résonner contre mon cœur. Putain non pleure pas s’il te plait. Lorsqu’elle lève son visage pour me regarder, ses joues son maculées de larmes.
- Tu me promets qu’on ne se quittera jamais toi et moi ? Me demande-t-elle
Putain c’est quoi cette foutue question !!!
Bah répond lui la vérité.
- Je te le promets Jennie, je serais toujours là.
Et je tiens toujours mes promesses alors que les lois aillent se faire foutre, je n’abandonnerai jamais cette gosse et personne ne m’empêchera d’être auprès d’elle. Je n’explique pas comment ce genre de lien peut se créer en quelques jours, mais ça été un vrai coup de cœur entre elle et moi, et je ne peux plus imaginer ma vie sans savoir comment celle de Jennie se déroule.
Une fois notre repas fini je me rentre pour taffer un peu pour m’avancer car demain je veux passer la journée avec Jennie. Vendredi, Marielle sera là et je sais pas comment ça va se dérouler, si faut elle va m’interdire de revenir et vouloir me priver de cette gosse. Et là autant dire qu’elle provoquera une vraie guerre car je ne la laisserai pas faire. Alors je veux profiter du calme avant la tempête. Le lendemain j’arrive avec des planches et du matos.
- Mais qu’est ce que tu fais encore là toi ! Me lance Lisa qui ricane
- Atelier maison de poupée, l’autre est pétée. Bon sauf si je dérange bien sur.
- Oh bah non, les petites vont t’adorer.
- Je suis un vrai tombeur que veux-tu.
Je passe ma matinée à monter la maison de poupée que j’ai dessiné vite fait puis ensuite je commande un kebab qu’on mange en cachette Jennie et moi pour ne pas donner envie aux autres mômes. L’aprem on décore avec plusieurs Pimousses la maison de poupée qui franchement a de la gueule. Jennie s’attaque à la peinture avec un petit rouleau et me sourit. La journée passe à une vitesse de dingue, c’est l’une des meilleures de ma vie et ça m’a permis de ne pas penser au lendemain que je redoute tant car je vais revoir Marielle. 10 000 questions tournent dans ma tête.
Je bosse comme un taré jusqu’à pas d’heure pour ne pas cogiter, puis me couche épuisé mais en pleine nuit le téléphone sonne.
- Ouais ? Dis-je endormi
- C’est Lisa du centre, je suis désolée de t’appeler en pleine nuit mais…Jennie te réclame et elle est inconsolable. Tu pourrais lui parler s’il te plait ?
Quoi !!! Jennie !!! Merde !!!
- Non j’arrive.
Je raccroche et prends ma voiture. Lorsque j’arrive, Lisa est en peignoir à m’attendre.
- T’aurais pas du, elle se serait surement calmée juste en te parlant.
- Elle est où ?
- Dans la salle, elle ne veut pas retourner se coucher.
Les sanglots de la petite me retournent le bide mais lorsque j’arrive elle se jette contre moi.
- Eh beh princesse, qu’est ce qui t’arrive ?
- J’ai fais un cauchemar, on venait me prendre et…et ….m’emmener loin de toi et de maman.
- Personne ne t’emmènera sinon il aurait à faire à moi t’en as ma parole.
- J’ai peur.
- Allez viens. Dis-je en la portant pour la ramener dans son lit.
- C’est mieux si c’est moi qui la recouche Mickaël. Me lance Lisa prête à me prendre Jennie qui s’est rendormie contre mon épaule.
Mon regard veut tout dire et elle oublie direct de me prendre la petite. Je la recouche dans une chambre où ils sont 4. Je la dépose délicatement, lui remet sa couverture et vois sur la table de nuit la mèche de cheveux et à coté un cadre…un putain de cadre avec une photo et un mot dessus « maman t’aime pour toujours » sur la photo celle que j’ai pas vu depuis 6 ans. Mon cœur prend un coup si fort que j’ai l’impression que je vais jamais pouvoir me relever de ce putain de lit. Marielle est cette mère qui fait pleurer Jennie. Marielle est cette mère qui rend triste sa gosse, Marielle est cette mère qui laisse sa gosse dans un foutu centre de merde !!! Comment pouvoir lui pardonner de faire du mal à une gamine de 6 ans…6 ans…oh putain ! Je regarde Lisa qui vient de comprendre et qui en sait plus que moi c’est certain. Voilà ma force pour me lever et sortir de cette piaule.
- Sa date de naissance ! Dis-je enragé
- Mickaël, le mieux c’est d’en discuter demain avec Marielle.
- Sa date de naissance !!!
Je suis si déçu, si hors de moi elle voit que ce n’est pas le moment de me tenir tête.
- Elle est du 12 Janvier.
12 Janvier, ça fait une grossesse qui a commencé…en Avril. Putain Avril !!!! J’étais où moi en Avril y a 6 ans.
Tu le sais.
Bien sur que je le sais, j’étais en train de survivre d’une putain d’overdose !!! Pendant qu’elle…elle se faisait baiser sans capote. La rage me monte si vite que j’ai le goût de la gerbe dans la bouche. Je ravale autant que tout ce que je ressens. Je me casse en courant et fonce chez Jack.
- Putain mais il est quelle heure là ! Dit-il endormi
- Elle a une gosse.
- De quoi tu parles ? Attend vient on descend, Julie et le petit dorment.
- La gosse que je kiffe c’est la gosse à Marielle.
- Oh merde ! Mais ça veut dire que…
- Ce n’est pas la mienne.
Derrière mes mots se cachent une profonde déception qui me fait un mal de clebs. J’aurais adoré être le père de cette gamine mais non, il est impossible que je le sois.
- Eh mec arrête de te gratter. Dit-il en me voyant me gratter le bras.
- J’étais en train de crever et elle…elle se faisait foutre enceinte !!!
Mon corps tremble et j’ai envie de gerber.
- Mick’, regarde moi, t’as pas l’air bien, t’es tout blanc.
- Ramène-moi chez moi Jack.
Je reconnais ces symptômes, la crise de manque vient me frapper de temps en temps depuis 6 ans, la nervosité fait parti des déclencheurs. Et là autant dire que j’ai pris cher. Jack me ramène chez mon père alors que la douleur envahit tout mon corps. Mes muscles se raidissent et j’ai l’impression que des lames de rasoir passent dans mes veines.
- Il m’a demandé de le ramener, je ne sais pas ce qu’il a. Dit Jack
- Il fait une crise de manque, aide moi à le rentrer.
Je sens qu’on porte mon corps.
- On va le mettre sur le canapé. Reste avec lui, je vais chercher ce qu’il faut. Dit mon père
- Arrête cette douleur !!!! Pitié arrête là !!!!
- Mec, ça va aller. Me dit Jack
- Pourquoi elle m’a fait ça !!!!
- Je ne sais pas, je ne sais pas mec.
- Tu ne sais pas quoi ? Demande mon père
- Il vient d’apprendre que Marielle a une gosse de 6 ans et ce n’est pas lui le père.
- Oh.
- Vous faites quoi Georges ! Crache Jack.
- C’est un médicament qu’on doit lui injecter, ce n’est pas de la drogue, c’est pour calmer ses crises de manque. Mick’, ça va aller, courage fiston.
- Mais vous savez au moins le faire !!!
- Je te rappelle que j’ai fais l’armée Jack.
Je sens l’aiguille plonger dans ma veine et le liquide passer dedans, putain que ça fait du bien !!!
- Papa…
- Je suis là Mick’…Ça va aller. Voilà ça va aller.
Mon corps se calme, ma douleur disparait, enfin. C’est rare que ça m’arrive mais je sais que mon passé peut à tous moment faire chier mais là c’est pire que ça, mon passé est en train de me briser. Je dois ma barrer d’ici avant de replonger mais…Jennie.
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