Chapitre 12 - Mickaël

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« Je suis stérile !!! Je ne peux plus avoir d’enfant !!! »

Ses mots sonnent dans ma tête comme un marteau qui frappe tout mon corps. Je ne peux pas croire qu’elle ait fait ça.

Tu devrais être content, elle ne voulait pas un autre enfant d’un autre mec.

Mais je suis revenu merde !!!

Alors faudra te faire une raison. Une vie sans Marielle ou une vie sans enfants.

Mon corps frissonne lorsque je sens une présence à coté de moi.

- Eh beh, toi aussi tu morfles bien. Me lance Lisa

- Tu veux quoi ? Dis-je en séchant rapidement les larmes au coin de mes yeux.

- Elle te l’a dit n’est ce pas ?

- T’es au courant alors.

- Bien sûr que je suis au courant, elle est venue chez nous au début de sa grossesse lorsque sa mère lui a dit d’avorter car un autre bébé ça n’aurait pas pu être gérable et elle nous a plus jamais quittés.

- Sa mère lui a demandé d’avorter ? Quelle égoïste putain !

- J’accompagnais une des filles pour la même chose lorsque j’ai croisé Marie. Elle était dans la salle d’attente en larmes, on a discuté et je lui ai proposé de venir au centre, qu’elle serait suivie peu importe sa décision. Comme elle se sentait de trop chez sa mère, elle a accepté.

Mon corps frissonne d’imaginer sa souffrance, sa solitude…si j’avais été là…

- On a fait faire les examens, et puis est arrivé le jour de l’intervention, elle était à 11 semaines de grossesse. Elle tremblait comme une feuille assise au bord de son lit avec sa charlotte sur la tête, ses petits chaussons et sa tunique bleue.

Je l’imagine très bien.

- L’infirmière est passée lui poser une perfusion pour dilater le col avant l’intervention.

J’ai envie de gerber d’imaginer le mal qu’on a failli faire à Jennie.

- Elle a hurlé de ne pas faire ça, qu’elle ne pouvait pas. Sa décision était prise, elle allait avoir un bébé.

Lisa me sourit.

- Continue. Dis-je

- La grossesse de Marielle s’est bien déroulée, physiquement elle allait bien, mais psychologiquement ça n’allait pas. Elle restait assise sur le rebord de la fenêtre à regarder l’extérieur. Elle faisait ses cours de monitrice educatrice par correspondance à cet endroit et parfois on la retrouvait endormie. Elle t’attendait.

Mon cœur se serre à l’idée qu’elle m’ait attendue si longtemps alors que moi je faisais ma putain de vie !

Tu n’as pas à te le reprocher ça.

- Parle-moi de la naissance de Jennie. Dis-je pour vivre ce moment à travers ses mots, 6 ans plus tard.

- Oh, et bien ça été terrible pour Marielle.

- Comment ça ?

- Marielle a perdu les eaux dans le réfectoire, elle s’est effondrée par la douleur. On est arrivés, et elle nous a crié que ça poussait. A travers son leggings on a vu que ça se déformait, j’ai retiré son pantalon et récupéré Jennie qui hurlait.

- Ah ouais, rapide.

- Pour un premier bébé, ouais on peut dire ça. Rit-elle

- Tant mieux, non ?

- Non. Un accouchement ça te met en condition pour être parent, là Marielle n’a pas eu le temps. Elle est passée d’une fille à une mère en l’espace de 5 minutes. C’est violent.

- Comment elle a géré ?

- Elle n’a pas géré. Elle a angoissé comme une malade et ça s’est répercuté sur la petite. Les bébés sont des éponges et ressentent tout. Jennie dormait par demi-heure, et Marielle était épuisée. La petite refusait son sein, elle faisait des coliques monumentales, et Marie était impuissante face à la détresse de sa fille.

Imaginer Jennie souffrir me fait serrer les dents.

- Marielle s’est mise en tête qu’elle était une mauvaise mère. Son état psychologique s’est détérioré à toute vitesse. Elle mangeait plus, elle dormait peu et elle s’est réfugiée dans la souffrance.

- Comment ça dans la souffrance ?

- Elle se faisait du mal, beaucoup de mal.

- Explique.

- Marielle se brûlait la peau. On l’a pas vu immédiatement, mais un jour on l’a surprise lors d’un atelier cuisine, la tête dans ses pensées, le bras posé sur le bord de la casserole bouillante. Elle ne réagissait pas. On commence à avoir l’habitude ici de voir ce genre de choses, pour qu’elle soit habituée à une telle douleur c’est que ce n’était pas la première fois. On l’a fait suivre par un psy. Elle supportait plus son corps, elle s’en voulait tellement de t’avoir trahi en couchant avec le père de Jennie, qu’elle se dégoutait.

Elle qui se trouvait si jolie…Putain qu’est ce que j’ai fait !

Ce qu’il fallait pour toi. T’aurais pas pu l’aider si toi t’allais mal.

Mais là je viens de lui foutre dans la gueule ce qu’elle pensait d’elle.

Ouais, comme souvent tu réagis sans réfléchir.

- Elle le fait plus j’espère ?

- Elle le faisait plus en tout cas.

Je la regarde et vois la crainte qu’elle a.

- Tu penses qu’elle pourrait recommencer ?

- Elle va pas bien Mick’. Elle est rongée par la peur de voir Jennie souffrir, la peur de te voir repartir, la peur de te décevoir, la peur de te bousiller en apprenant qu’elle s’est fait stérilisée.

- Pourquoi vous ne l’avez pas empêchée !

- Parce que c’est son corps, elle était sûre d’elle, décidée, on n’a rien pu faire. On savait qu’à 21 ans, y avait des risques pour qu’elle regrette son geste un jour. Et on avait raison. Elle le regrette maintenant que t’es de retour et c’est une souffrance qui risque de la faire rebasculer.

- Je ne le permettrai pas !

- Alors aide là. Tu l’aimes encore, non ?

Je fais oui de la tête.

- Alors sois son pilier car j’ai bien peur qu’elle s’effondre.

Non elle ne peut pas s’effondrer !

- Y a autre chose que je dois savoir ?

- Oui mais ça ce n’est pas moi qui vais te le dire.

- Comme tu sais qui c’est, est ce qu’au moins tu peux me rassurer sur quelque chose ?

Elle fait oui de la tête.

- Ce n’est pas mon meilleur pote le père de Jennie ?

- Non.

Oh putain le soulagement, j’ai eu peur qu’il y ait eu un dérapage entre eux et que c’est pour ça qu’elle ne voulait pas me le dire.

- Ni mon père hein ? Dis-je

Elle éclate de rire.

- Non Mick’, c’est pas un de tes proches, rassure toi.

- Ok, merci.

- Mick’ ?

- Ouais.

- Tu sais, ce type ce n’est pas le père de Jennie mais juste son géniteur. Un père c’est plus que ça. C’est capable de venir en pleine nuit car sa fille le réclame, c’est prêt à faire face à des souffrances terribles pour passer un peu de temps auprès d’elle, ça souffre lorsque sa fille souffre, ça aime son enfant d’un amour inconditionnel. On n’est pas juste un père Mick’, on décide de l’être et on le devient.

Je la regarde alors que mes larmes commencent à monter. Putain j’ai horreur de ça !

- Alors j’ai plus besoin de savoir qui il est car je sais qui je suis.

- T’as tout compris. T’es intelligent mine de rien. Me taquine-t-elle en me poussant l’épaule.

- Je t’emmerde.

Elle éclate de rire.

- T’es directe toi au moins.

- Toujours. Tu crois qu’elle va vouloir encore de moi après les saloperies que j’ai balancées ? Dis-je

- Elle t’aime toujours Mick’, tu vas surement ramer un peu mais oui elle te pardonnera. A toi de jouer.

J’ai plus envie de jouer, Marielle est fragilisée désormais, je veux la soutenir. Je vais dans son bureau et là retrouve avec son collègue.

Calme toi ils font que discuter.

- Qu’est ce que tu veux toi ! Crache son collègue

- Lui parler, juste lui parler. Seul.

Il regarde Marielle qui essuie ses larmes et se lève.

- Je n’ai rien à te dire Mickaël.

Son collègue me bouscule en passant et lorsque Marielle va pour le suivre, je pose ma main sur sa joue. Je la sens trembler et je caresse de mon pouce sa pommette. Je sais qu’elle veut me jeter mais ce contact lui fait du bien. 6 ans qu’on ne s’est pas touché, 6 ans que je ne lui ai pas donné ma tendresse, 6 ans que je ne lui ai pas témoigné mon amour, 6 ans putain.

- Je suis là bébé, je ne partirai plus.

Elle soupire, muette et ses larmes menacent de tomber.

- Je t’aime encore Marie.

Ses larmes roulent sur ses joues.

- Et je sais que tu m’aimes encore.

Elle ne dit rien pour contenir ses larmes.

- Allez viens là. Dis-je en la prenant contre moi

Elle n’a plus la force de se battre, alors elle ne se débat pas. Je glisse ma main sur sa nuque nue par le chignon qui retient ses cheveux. Mon autre main se pose sur ses reins et je respire son parfum enivrant.

- Tu m’as tellement manqué. Dis-je en la serrant contre moi

Je sens ses sanglots arriver et ses petites mains s’accrochent à mon t-shirt pour ne pas tomber. Son collègue ferme la porte pour nous laisser en m’envoyant un regard noir. Qu’il aille se faire foutre !

- Je te demande pardon, pardon pour tout le mal que je t’ai fait, que je t’ai dit, pardon bébé. Dis-je à toute vitesse par peur qu’elle ne s’éloigne de moi.

- Pourquoi t’es revenu dans ma vie. Pleure-t-elle

- Parce que je t’aime toujours, parce que j’ai besoin de toi dans la mienne, parce que toi et moi c’est pour toujours depuis qu’on est gosse. Je suis que dalle sans toi Marielle. J’ai essayé de vivre loin de toi mais je n’y arrive pas.

Elle se serre contre moi et enfin je respire.

- Je vais prendre soin de toi et de Jennie. T’as plus rien à craindre désormais, je suis là.

Elle craque de nouveau sous mes mots comme si elle n’attendait que ça.

T’es hélas arrivé 4 ans trop tard.

Tant pis je suis là à présent et c’est ce qui compte.

Ce n’est pas moi qui dirai le contraire.

Oh mais c’est qu’on est d’accord pour une fois.

Elle se décolle de moi et prend quelques mouchoirs dans la boite sur son bureau. A croire que c’est le bureau des pleurs ici. Elle me tourne le dos pour se moucher puis elle me regarde avec ses yeux embrumés.

- Je…je suis toute cassée Mick’.

- Je sais.

- Je n’ai pas d’avenir à t’offrir. Je suis stérile Mick’.

- Je n’en ai rien à foutre, je veux être avec toi et Jennie, c’est tout ce qui compte. C’est ça mon avenir.

- Mick’…tu pourrais avoir des enfants avec une autre femme…

- Je ne veux pas d’une autre femme, jte veux toi et seulement toi.

- Je suis devenue compliquée.

Je l’approche et prend sa main que je tourne pour voir les marques de brulure. Je caresse la marque et elle grimace.

- Ça date de quand ?

Elle fait non de la tête.

- Je vais te réparer bébé.

- J’ai si mal Mick’. Dit-elle en fondant en larmes.

- Je sais…je sais…dis-je en la prenant de nouveau dans mes bras.

On est resté un temps comme ça, juste l’un contre l’autre et ça fait un bien fou. On va devoir se ré apprivoiser et on a toute la vie pour ça.

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