34.
Laissons donc de côté ce huileux problème de comestibilité et reprenons le cours de notre histoire, voulez-vous ? (Je ne sais pas trop pourquoi je mets un point d'interrogation après ce "voulez-vous" car il s'agit là d'une façon de parler. Vous vous imaginez bien que je me contrefiche de votre bon vouloir. Je retire donc le point d'interrogation susdit). Où en étais-je. Enfin, je veux dire : où en étais-je ? Ah oui, je me souviens. C'est l'histoire d'un homme qui aligne des mots les uns après les autres dans le seul but de constituer une histoire. Mais une histoire sans eux. Une histoire sans eux ? me direz-vous. Parfaitement ! vous répondrai-je. Vous avez beau réintroduire subrepticement un point d'interrogation dans la conversation - comme si vous vouliez absolument avoir votre mot à dire - je ne suis pas dupe de votre feinte surprise. Vous savez très bien de quoi il retourne. Retournez-vous, donc, et cessez de contempler le passé avec béatitude en déclamant votre antienne complaisante : "y'a pas à dire, c'était quand même mieux avant "! Eh bien non. Ce n'était pas mieux avant. Retournez-vous, vous dis-je, et constatez la marche du progrès sociétal. L'écrivain est - les statistiques le prouvent - de plus en plus souvent une écrivaine et l'homme qu'était naguère l'écrivain est appelé à devenir, demain... En vérité, je ne sais pas trop ce qu'il est vraiment appelé à devenir mais il est certain que l'homme n'est plus à la mode. Peut-être pourrait-on le rebaptiser "hommelette" pour le rendre plus digeste aux générations à venir. Oui, voilà une excellente idée ! Unissons nos forces et accélérons de nos néologismes le déclin inéluctable du patriarcat. Devenons des hommelettes dès aujourd'hui. Mais en quoi cela consiste-t-il ? me demanderez-vous. Eh bien, c'est pourtant simple. L'adage le dit : on ne fait pas d'hommelette sans casser des eux. Cassons des eux, donc !
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