Il s'appelle A.
Mon ami idéal ? Il existe déjà. Il s’appelle A.
A. et moi, on s’est rencontré un matin. Le premier jour des inscriptions à la fac de droit. On était perdu. Lui comme moi. Moi comme lui. C’est un peu ce qui a fonctionné. On a parlé. Longtemps. On a fait des blagues. Beaucoup. C’était simple, fluide. Le midi même on déjeunait chez lui. Pas de blanc. Pas de temps à se demander quand il faudrait partir chacun de notre côté. On n’a même pas pensé à s’échanger nos numéros. Il flottait dans l’air un parfum d’évidence. Celle de se retrouver le lendemain et de reprendre là où nous serions arrêtés la veille.
On s’est croisé le lendemain sur le quai du métro. La ligne 13. Une ligne plus peuplée qu’un village français sur les côtes en période estivale. Le hasard joue parfois sa partition à la perfection. On ne s’est jamais recroisé un seul matin après celui-ci. Ce n’était plus nécessaire. Celui là seul avait suffit à sceller notre amitié. En quelques jours, on s’était déjà vu chez lui et chez moi. On avait même dormi sous le même toit. Comme une évidence. Comme deux amis d’enfance, réunis après de longues années d’absence.
Mon premier coup de foudre amical. Probablement le seul. Une amitié de plus de quinze années désormais.
Qu’est-ce qui a fonctionné ? Tout. Le même humour bien sûr – c’est essentiel, toujours – mais pas seulement. Un intérêt certain pour la musique. Une vision du monde partagée. Une même sensibilité. Pas une dispute. Pas une prise de tête. Le plaisir seul d’être ensemble et de tout partager. La certitude de pouvoir tout se dire sans jamais se vexer. Comprendre l’autre sans se parler. Tant de choses impossibles à expliquer. Une alchimie. Ma pierre philosophale. Capable de changer tout ce qu’elle touche en métaux précieux, de soigner tous mes maux, guérir tous mes chagrins.
Il est loin désormais. A. n’habite plus vers chez moi. C’est comme ça. La vie parfois sépare les êtres. Mais la distance n’est que physique. Rien n’a changé. L’amitié ne s’est jamais détériorée. On s’appelle, on s’écrit, on discute comme si de rien n’était. Comme si la distance n’existait pas. Comme si elle n’avait jamais existée. Parce qu’en réalité, elle n’existera jamais. On s’est trouvé un matin un peu perdus dans un hall de faculté, et l’aventure a commencé. Notre épopée. Une épopée sans l’héroïsme et le sublime pour quiconque l’observerait de loin. Un voyage merveilleux qui pour nous vaut bien toutes les légendes passées.
Mon ami idéal existe. Il s’appelle A. et il me manque tout de même parfois. Mais une seule pensée suffit à me le ramener.
C’est une belle chose l’amitié.
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