Folie mécanique

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Chez les militaristes plumées de la tête, les Symméotrisasirtoèmmydrieos, il y a des engins de guerre qui nous fait sérieusement poser des questions sur le concept de base.

Vraiment, ces varans humanoïdes a la peau lisse, inventent des machines qui sont, certes, utilisables quand il ne sombre pas dans des délires d’extrémiste idéologique, mais qui en vraie, ne sont pas aussi extraordinaire passer la surprise.

L’un de ces engins symbolisant cela, le forceur, de son surnom affectueux.

Son apparition, la première, fut une nuit d’hiver à proximité d’une ville fortifiée Angle en état de siège. Les Courbes avaient pour une fois, réussi à y pénétrer. Ils ont même saboté les rails qui relient la cité au grand réseau ferroviaire.

Le général des attaquants était déjà sur les remparts de la gare, fière de sa stratégie et de ses soldats. Ils ont pris certaines pièces d’artillerie défensive pour leur compte protégées par des bunkers ou incluses dans des tours d’aciers.

C’est alors qu’un message lui parvient à la radio ; un train ennemi hyper blindé, surarmé, pourvu de huit voiture arrive.

Ce train, en ce moment même, traverse la toundra en sifflant sa vapeur à pleine puissance, la chaudière remplie de charbon, les ingénieurs suants à grosse goutte pour nourrir la bête. Eux-mêmes sont rafraichis d’eau par d’autres militaires pour les soutenir. Un serpent d’acier qui suit deux lignes de fer parallèle vers la ville visible à l’horizon. La pilote du train, une femme à la peau grise et aux plumes noires, hurle dans les haut-parleurs.

- Objectif en vue ! Mes sœurs et frères, c’est le moment de dénouement ! Aux postes de combat ! Je passe en force !

Elle aussi sue, debout et inébranlable, actionnant le levier de vitesse, de pleine puissance elle l'engage à débrider. La chaudière similaire aux enfers est saturée de vapeurs, crachant de sa cheminée un panache noir épais flamboyant d’escarbilles. Les roues tournoient à une vitesse folle, mais ce n’est pas ça qui impressionne le général pour l'instant qui prend, pour apprécier de la situation, les plus puissantes jumelles à sa disposition. De toutes les locomotives massives et blindées, celle-là bat tous les records. Il se demande comment cette énorme machine peut rouler. À sa connaissance, il n’existe pas de moteur suffisamment puissant pour tracter une telle masse à cette allure. De plus, ses phares rectangulaires l'irritent beaucoup. Esthétiquement parlant, des formes rondes aurait été plus agréables à ses yeux piqués par un autre aspect de ce truc, il est aérodynamique. Là, la peur s'installe en lui, car si des Angles se cassent la tête pour faire ça, c'est que cette chose doit aller vraiment vite. Le général mesure sa vitesse et en vient à espérer que ce convoi se retourne sur le flanc. Alors avec patience, il observe l’ennemi filer droit sur les rails manquants.

Au moment fatidique, la conductrice alerte ses semblables.

- On sort des rails, attention !

La locomotive suivie de ces voitures touche la terre. Sans surprise au vu de la taille de ces roues et son poids, il dévie à peine malgré les divers cratères d’impact, creusant une tranchée dans son sillage. Mais le général est satisfait, ils n’atteindront pas la gare avec cette déviation de trajectoire.

C’est sans compter l’ingéniosité de ces fous furieux d’Angles.

- Accrochez les chenilles !

Dis la pilote, et sur ses ordres, les mécaniciens engagent une procédure brutale qui cale dans des engrenages des dents au centre des roues, reliée à des chenilles. Elles se ferment parfaitement d’un bout à l’autre. Le général toujours le nez dans les jumelles, blanchit et perd des plumes dus à l’angoisse tout en clamant.

- Impossible !

Sifflant de rage, le serpent d’acier reprend sa trajectoire, labourant la terre au passage. La pilote le conduit comme un tank qui charge à deux cents kilomètres à l’heure. Des obus sont tirés depuis la cité, l’épais blindage incliné et anguleux résiste. Les munitions cognent avec toute leur vélocité, éraflent la peinture blanche, explosent et bien souvent, rebondissent, mais aucune ne perce.

La réponse du train à cette agression se fait par ces tourelles d’acier positionner sur chacune des voitures, qui tirent des obus-flèches, tandis que la pilote manœuvre pour limiter le nombre d'impact direct.

De la vapeur sur les côtés est crachée durant cette frénétique course, la poudre des munitions s'y mélange, il en résulte que la moitié de la bête d’acier est cachée. La brume la suit, tel un spectre, mais nul ici n’a peur de cela, non, ces gens sont pragmatiques. En revanche, l’inéluctable approche terrifie les Courbes, l’efficacité de leur obus qui fait autant de dégâts que des cailloux les démoralisent encore plus. Le terrain accidenté qui ne semble même pas la ralentir et bien au contraire, accélère.

Pendant que les ennemis s’affairent à les canarder, les Angles tapent du pied en rythme, galvaniser par la conductrice qui a chaque virage indique la direction, gauche et droite, gauche et droite. C’est le tempo de ces manœuvres et tout le monde le suit, gauche et droite, gauche et droite. Deux leviers actionnés, ruisselant de l'effort, dans une parfaite synchronicité ; la conductrice essoufflée fume comme son bolide.

Les chauffeurs eux-mêmes sont aux limites de l’évanouissement, mais ils tiendront bon, car au-dessus, c’est la cabine de celle qui les guides, elle compte sur eux, en plus de souffrir des mêmes maux, seule et sans militaire pour la rafraîchir.

Encore quelques dizaines de kilomètres, la vue de la guerrière se trouble, mais les coups des soldats retentissent avec plus de force contre le métal. Elle peut entendre leur tambourinement en harmonie parfaite avec la locomotive. Elle se gifle, l’adrénaline atteint son pic, presque dans une forme d’extase tout en restant ancrée dans la réalité.

Elle expire, inspire, ses tendons sont enflammés, son visage de varan crispé, l’entièreté de son corps clame dans la douleur qu’il va lâcher. Mais la voilà enfin aux portes de la gare, elle pousse encore le levier de vitesse, mode furie.

- Tout droit ! Évacuer la chaudière ! Impacte !

Tous évacuent la locomotive, sauf elle qui reste.

Suralimenté, le monstre réveille sa rage, hennissement apocalyptique, frénétique frottement entre chaque pièce, le temps s’accélère.

Ainsi, il défonce avec son chasse-pierre, rails, soldats, murs, sous les yeux médusés des ennemis terrifiés par cette vision d’horreur, et ceux à une vitesse proche de trois cents kilomètres à l’heure. De ces griffes reptiliennes, la pilote s’accroche au sol métallique pour rester en place, non sans y laisser des marques.

À l’extérieur, elle laisse un sillon sanglant, la carrosserie brasille en raclant la pierre, malgré tout, elle reste intègre. En traversant la rue principale en ligne bien droite, encore, elle amène son engin jusqu’au centre de la ville, La Place Hexagone, grâce une manœuvre qui défie l’endettement que soit pour une locomotive ou un char, un dérapage contrôler. Toujours debout, les forces cinétiques sont telles qu’elle a l’impression d’arracher ses bras accrochés aux leviers de directions. Ses compagnons d’armes, peuvent-se permettre de s’appuyer contre les parois, mais pas elle, qui grogne les dents serrées, tout en ressentant les chenilles qui glissent sur les galets.

Pendant son freinage criard à cause des disques rougeoyants soumis à d’intenses frictions, elle actionne un dernier levier pour sauver la chaudière qui est sur le point d’exploser ainsi que sa vie, ce qui a pour effet de relâcher l’intégralité de la pression sur les flancs de la locomotive.

Tremper, exténuer, tremblante, elle trouve la force de dire ces mots.

- Bonne chance camardes !

Elle finit à genoux avec ses mains encore agrippées aux commandes, puis tombe inconsciente en ayant la certitude qu’ils vont vaincre. Cet espoir qui imprégnait sa parole inquiète ces compagnons, car ils ne savent pas si elle vit ou non, faisant monter leur détermination. Ainsi, ils la canalisent vers leurs ennemis, dans une sérénité et une discipline militaire qui ne laisse rien paraître, ils attendent derrière leur protection ainsi que le brouillard de guerre.

Dans la locomotive, deux soldats montent dans la cabine chercher la pilote brûlante de souffrance, et l’évacuent pour les soins. Pendant ce temps, les Courbes encerclent les Angles, mais nul ne sort des voitures. À la place, un feu nourri de mitrailleuse et de canon se produit. Impossible de détruire ce convoi, et les mortiers vont les chercher même quand ils ont hors de leur champ de vision. Résultat, la place maintenant fortifiée et sécurisée devient un point de ralliement pour la défense.

Un autre combat se produit dans la première voiture, la conductrice fit un arrêt cardiaque, un docteur lui fait un massage cardiaque tandis qu’une infirmière lui fait du bouche-à-bouche sous les regards inquiets des chauffeurs qui tente de refroidir son corps avec de l’eau tiède. Elle ne reprend pas conscience, le temps s’écoule et les chances d’une mort véritable augmentent. L’équipe ne se laisse pas abattre par la perspective de l’échec et garde le rythme, c’est tout ce qui compte, garder le rythme.

Les larmes commencent à couler de leurs yeux pour cette vie qui semble leur échapper, sans faiblir pour autant ; dehors, derrière l’acier éclaboussé de sang, des âmes se retrouvent arrachées de leur corps par la guerre.

Un dernier geste, un dernier souffle, elle reprend conscience. Sa gorge sèche est aussitôt désaltérée par une gorgée d’eau portée à ses lèvres par l’infirmière. Tous prennent grand soin d’elle en l'épongeant avec des serviettes pour ensuite l’allonger sur une couette avec un oreiller prévu juste pour elle. Une procédure pensée par l’ordre des médecins et signée par la hiérarchie. De toute manière, elle n’est plus en état de combattre.

À l’extérieur, les Coubes sont dépassés par les événements, hébétés par ces renforts et toujours en train de déloger les derniers défenseurs de la ville. Les assaillants fuis sous les ordres du général voyant ce carnage indescriptible, il préfère sonner le repli et revenir humilié que de perdre plus de soldats. Des familles attendent leurs proches et certaines ne les reverront même pas dans un sac.

C’est la fin du conflit, du moins pour cette année.

Cette invincible machine aussi incroyable qu’elle puisse être a plusieurs faiblesses et non des moindres. Il consomme beaucoup trop de ressource, il a très peu de réserve et a absolument besoin des rails pour atteindre sa pleine vitesse avant de toucher la terre, des rails qui doivent être absolument droite, parce que ce gros ballot de serpent blindé est très, très, très lourd et doit prendre énormément d’élan. Une baleine est un poids plume en comparaison et on parle juste de la locomotive, avec les voitures, c’est encore pire.

Autant vous dire que ce type d’engin n’a pas sa place dans les territoires des Courbes ou des Chaos qu'ils n'ont pas du tout la même configuration ferroviaire. Mais il est resté une excellente solution pour enfoncer les villes des Angles, qui ne sont jamais en guerre entre eux. Allez savoir ce qui est passé dans la tête des concepteurs.

Mais surtout, le défaut de conception qui mit rapidement un terme à la production et la mise en danger de l’équipe de la locomotive. Charger tête baissée n’est pas un problème pour un Angle. Mais en revanche, se faire tuer par son matériel, ça, c’est un paramètre inacceptable, et trouver des gens suffisamment fêlés de la tête pour monter dedans relève de l’exploit, pourtant, ils le sont tous dans une certaine mesure, c’est dire à quel point ils doivent l’être.

La pilote avec les chauffeurs reçut la médaille de la « résilience à l’effort en milieu éprouvant », ainsi que deux autres juste pour elle. Celui du « marteau pointu de la précision absolue » pour avoir proprement démoli leur gare. Par ce que juste enfoncer plusieurs murs et rendre inopérante la structure, c’est considérer être précis si trois des murs extérieurs ont tenue. Un trou au milieu de la façade cotée cité ne compte pas.

Elle acquiert aussi celle du « courage », au titre étonnamment court, car être debout au-dessus d’une bombe même pas finit d’être testé, il en faut beaucoup ou bien être fou. Il est d’ailleurs de coutume sur leur planète de dire que folie et courage sont des synonymes. Qu’importe, c’est un exploit qui permit la défense d’une ville qui ne fut, plus jamais, attaquée. Après la guerre, le forceur finit sa vie en tant que pièce de musée exposé avec d'autres fossiles de prototype plus ou moins réussi. Les chauffeurs de la locomotive continuèrent de servir sur les lignes ferroviaires dans le civil.

Quant à la pilote, elle s’est reconvertie dans l’armée de l’air pour aller fracasser le mur du son. Pourquoi ? Parce qu'après tout, c’est un mur comme un autre, confirmant au passage, qu’elle est belle et bien fêlée de la tête avec une autre médaille de surcroît soulignant bien qu'elle n'a pas froid aux yeux.

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