ANNA DIMANCHE
SCENE 1
Une tablette de médocs gît sur une table d’où s’échappe un fil de fourmis. La caméra suit la pérégrination des insectes. La bascule d’un rocking-chair écrase celle qu’on suit. La caméra longe le montant en bois du fauteuil tout en zoomant arrière et on découvre une vieille hystérique criant vers la télé
« Mais vas-y……Arrête de parler…Faut passer à l’acte maintenant »
La caméra pivote sur l’écran de la télé où l’on aperçoit un jeune homme maladroit tentant vainement de séduire une jeune femme. L’image est comparable à celle d’une caméra de surveillance. La fille part…On entend la porte claquer…
La vieille coupe la télé tout en marmonnant :
« Il n’arrivera jamais à rien celui-là…..Faut que je recrute un autre locataire ».
Elle quitte sa chaise pour aller se coucher, continuant à dilapider des borborygmes incompréhensibles.
SCENE 2
Il fait nuit. Il pleut. La jeune fille marche sur le trottoir. L’innocence de son visage disculperait les pires criminels. Elle est fine comme une Roumaine, hautaine comme une Italienne. Ses cheveux rougeoient sous la capuche de son imper jaune. Elle murmure :
« Pénibles ces mecs… Plus moyen de baiser sans discuter. Et que je suis un espoir de l’athlétisme français, et que je suis ambitieux, et que je voudrais bien des enfants plus tard… Putain mais ta gueule !! Chier, toutes ces bornes à pied pour ça ».
Une voiture ralentit à sa hauteur. Un homme se penche par la fenêtre du passager qu’il vient de baisser.
« Voulez-vous que je vous dépose quelque part ?
- Oui je veux bien. Je vais dans le centre
- Montez. »
L’homme ouvre la porte, la fille se glisse dans la voiture.
« Quel temps ! s’exclame l’homme. Heureusement que je passais par là sinon vous étiez quitte pour une bonne randonnée.
- Vous êtes le troisième à vous arrêter et je pense que vous n’auriez pas été le dernier.
- Qu’avaient les deux premiers ?
- Une sale tête….
- Vous trouvez que j’ai une bonne tête alors (l’homme sourit content de lui)
- Oui, vous ressemblez à mon père. »
SCENE 3 :
Mère ébouriffée :
« C’est à cette heure-ci que tu rentres ?
- Commence pas. Je suis crevée.
Père gueule enfarinée :
- Si tu veux vivre sous notre toit, tu respectes l’ordre établi
- Putain ! Je paye pour vivre avec vous ! Je ne suis plus votre fille. Je suis votre locataire.
L’ampoule peine à éclairer le couloir. Elle chuchote sa lumière.
- Les locataires sont aussi soumis aux règles de vie commune.
- J’ai pas envie de discuter avec toi. Demain je bosse.
- Mais moi aussi je travaille. Tu n’es pas la seule ici à subir l’horrible torture de l’homme actif.
- Moi aussi je t’aime. Bonne nuit ».
Elle disparaît derrière sa porte de chambre encore trempée de ses pérégrinations nocturnes.
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