JE COURRIER
Je perturbe le linoléum d’arabesques fabuleuses. L’imprimante baillait aux corneilles le ventre à l’air. Elle pisse maintenant des filets de couleurs sur le plastic gris. Je me marre en tâche, j’ai la rébellion arc-en-ciel. Les ponts cheminent au-dessus des aspérités poussiéreuses, ils guideront les aveugles par monts et merveilles, ça les perdra en cataractes fumeuses. Je planque mon chariot pour funambuler secret au-dessus des câbles d’or. J’invente des précipices, des pygmées affamés de chaque côté. Le chaudron fume au loin, la bohémienne flambe les tarots au fond du pot de terre. J’esquive une première sagaie d’un tour de rein qui me fout le vertige. Je mouline des bras pour ne pas tomber. Des ailes poussent à mes semelles et je vole au-dessus des cieux marquant de mes empreintes les nuages blancs. Des immensités accueillent ma carcasse filandreuse. Elles recueillent ma mutinerie dans des bras vahinés. Des océans et des îles se dessinent, des forêts vierges et des lagons turquoise s’emmêlent. Je me nettoie aux clichés. Souvenirs de soleil. Chaleur d’oubli. Je cloue mes pulsions contre le mur des lamentations.
Froissement de feuilles, branches cassées. On s’approche. Je plonge dans la pénombre d’un corridor, semelles de couleurs. On me traque. Mes empreintes me poursuivent. J’ai la fuite bleue azur. Je me réfugie sur mon chariot. Il me porte jusqu’aux goguenots des dames du niveau d’en-dessous. Je pénètre d’un bond fugitif, l’haleine coupable, le palpitant écrasé.
Mes bras me tirent jusqu’aux latrines où je glisse mes pompes sous la chasse d’eau. Je récure la peinture à coup de brosse à chiottes. J’astique frénétique la honte épidermique. L’écho de l’inquisition pince mes oreilles. Des portes claques, des voix enflent. Je fonce sous le ventilo, les croquenots en l’air. On pénètre. Une furie grasse. J’en frissonne d’horreur.
« Licenciée ! IL m’a licenciée !!! »
Je respire.
J’escamote les condoléances mais elle me rattrape de ses sanglots blonds. Sa carcasse épaisse sur mes frêles épaules s’affaisse. Et elle m’inonde de ses violons monotones. J’étouffe. Elle hoquète. Je me noie dans les ondulations de sa gorge. Les huiles de sa transpiration m’enduisent de cet onguent qui chavire les nez délicats. Elles me permettent de glisser jusqu’à l’entrebâillement de la porte.
Commisération du lâche, je fuis.
Mon chariot lourd coincé dans un retrait de couloir renâcle à la tâche. Il refuse le retour au bercail. Ses roues se tordent en récriminations. Je l’arrache à sa comédie, il faut parader.
Je remonte la pente à la peine. Les enveloppes pèsent de mauvais augures.
Aux fenêtres s’agglomèrent des grappes noires. Les bureaux se vident d’urgence en courant d’air. Je poursuis mon cheminement. Le spectacle des tours m’indiffère. Des soupirs longs m’accueillent au seuil des ongles verts. Ils ont déguerpi du bureau pour pleurnicher contre la vitre. Un agglutinement avale la lumière. Le ravage des faciès me pousse à la curiosité. Je discerne que dalle. Ah si là. Un amas de bosses au-dessus d’une ombre.
« Jacqueline ! » miaule ma voisine en caressant le verre.
Je scrute sans plus de compréhension.
« Jacqueline » reprend-elle doucement en s’accroupissant sur sa douleur.
Je désoriente vers mon bureau jusqu’à ce qu’un éclair de raison me foudroie. C’est la grosse des chiottes qui s’est défenestrée !
J’savais pas qu’elle s’appelait Jacqueline.
Faudra que je peaufine mon casque à l'aérodynamisme. Sans cette chute, le record était dans la poche.
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