7. En odeur de sainteté
Nous arrivâmes face à la grande façade de l’ATAG, un vide intersidéral et glacé s’était immiscé en moi. Je prenais soudain conscience que la situation allait se corser d’un moment à l’autre.
Les deux hommes en costume noir me sortirent de la voiture et m’emboîtèrent le pas comme des gardes du corps. Pasha, un air de mafieux avec sa canne ouvragée et sertie de rubis, nous suivait à quelques pas. Nous montâmes les marches du grand escalier de pierre qui menait au hall d’entrée et à l’accueil des clients. Arrivé à la moitié de l’escalier, je vis face à l’édifice une silhouette qui ne m’était pas inconnue. Bélinda !
Je ne comprenais plus rien, pourquoi Bélinda était-elle là ? Et surtout comment ? Elle me regardait grimper les marches avec un sourire énigmatique. Mes deux gorilles ne semblaient pas avoir remarqué sa présence, je lui fis quelques signes discrets afin de lui faire comprendre de partir d’ici. Elle me sourit de plus belle, elle semblait avoir compris, mais ne daignait pas bouger de là. Elle était en costume d’hôtesse d’accueil de la banque ATAG, étais-je en train de rêver ? Mon cerveau n’arrivait plus à aligner deux pensés cohérentes devant ces faits inexpliqués.
Nous entrâmes dans la banque et Bélinda nous accueillit. Elle faisait comme si elle ne me connaissait pas.
— Bonjour messieurs ! Bienvenu à la ATAG Private & Corporate Services, que puis-je pour vous ?
Devant mon hébétude, le porte-parole de la société secrète se fendit d’un aimable sourire à l’attention de Bélinda et répondit pour moi.
— Bonjour mademoiselle, mon ami, Michaël Davis et moi-même, souhaiterions accéder à son coffre-fort. Il m’a parlé de votre service irréprochable et je souhaiterais voir de mes propres yeux vos infrastructures afin de me décider pour ouvrir un compte chez vous.
— Pas de problème monsieur, notre équipe vous renseignera sur toutes les questions que vous vous posez et nous ne manquerons pas de vous rassurer quant à la qualité de nos produits. Néanmoins, et croyez bien que j’en suis tout aussi affligé que vous, vous ne pourrez pas entrer avec monsieur Davis dans la salle des coffres. Seuls les détenteurs d’un compte peuvent entrer dans cet espace. Mais rassurez-vous, nous avons nos propres agents de sécurités qui veilleront à ce que tout se passe parfaitement bien.
Je n’étais pas au courant de ces règlements, était-elle en train de jouer la comédie ? Quoiqu’il en soit, cela arrangeait bien mes affaires. Je pourrai donc bloquer le coffre à leur insu sans montrer mon stratagème.
Le mafieux me regarda du coin de l’œil et fit une moue contrariée avant de reprendre la parole en ne laissant pas paraître son désarroi.
— Très bien, oui, je comprends. C’est tout à votre honneur. dit-il à Bélinda. Je t’attendrai donc ici mon ami, me lança-t-il en se retournant vers moi.
Il me jeta un regard courroucé et plein d’animosité comme s’il me défiait de lui fausser compagnie.
Je suivis Bélinda qui m’emmena vers la salle des coffres. Avant la première porte grillagée se tenait un premier gardien derrière une vitre pare-balles. Il se trouvait face à des moniteurs munis d’écrans de caméras et de multiples boutons actionnant les mécanismes d’ouvertures des diverses portes blindées.
Elle lui fit un signe et l’homme actionna la première grille. Un son strident suivi d’un claquement sonore indiqua que la grille s'était ouverte pour nous laisser le passage. Je me retournai une fois de l’autre côté et scrutai la réaction de mes kidnappeurs. Le gros semblait agité de soubresauts de colères contre ses deux employés, son visage cramoisi et rempli de sueur lui donnait l’allure d’un ouakari chauve gonflé à l’hélium.
Une fois passé l’angle du couloir dans lequel nous nous étions engagées, je m’arrêtai sous une caméra afin de me trouver dans son angle mort et de pouvoir parler à Bélinda.
— Bélinda ! Que fais-tu ici ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Je ne comprends rien ! l’interpellai-je plus abruptement que ce que j’aurai souhaité. Excuse-moi, je suis à bout, ces hommes m’ont enlevé et me trimbalent depuis hier matin.
— Oui Mike, je suis au courant. Me répondit-elle sur un ton apaisant. Catherine, ta collègue, m’a prévenue et m’a tout raconté.
Je ne comprenais pas pourquoi Catherine lui avait téléphoné alors qu’elle ne connaissait pas son existence. Elle continua son explication.
— J'ai installé un mouchard dans ton costume pour te suivre. Ce qui, en principe, m’aurait permis de te retrouver sans effort si tu ne l’avais pas enlevé à l’aéroport croyant aider l’enquêteur qui te rechercherais.
Elle semblait capter mes pensées comme un attrape-rêve des songes. Devant mon questionnement muet, elle précisa :
— Ton bouton de manchette… J’y ai intégré un émetteur pour te localiser. Heureusement, j'avais déjà déduit ta derstination depuis mon entretien avec Catherine de ton bureau de recherches.
Je devais avoir l’air complètement ahuri, je pensais que ma tête allait exploser tellement les questions se bousculaient sous mon crâne.
— Mais… Comment… ? Quoi… ? Pourquoi… ? balbutiais-je incrédule.
— Maintenant, je peux tout te dire, je pense que je n’ai plus aucun intérêt à te le cacher. Je m’appelle Eleanor Newton et pas Bélinda. J’étais chargé de surveiller le mûrissement de tes projets, j’étais mandaté par le gouvernement chinois. J’étais chargé de les avertir lorsque la sortie de ton prototype serait imminente. Cela devait leur permettre de voir venir et de te devancer sur le marché avec leur propre I.A. de haute technologie. Même si ton cerveau artificiel était plus performant que leur intelligence virtuelle, ils auraient déjà pu signer un très grand nombre de contrats avec les industrielles pour implanter leur dispositif dans toutes les machines les plus vendues au monde. Tu aurais donc fait un flop financier.
La colère commença à monter en moi quand je compris que tout ceci n’était qu’une tromperie. Autant ces truands qui me séquestraient qu’elle qui m’avait séduit pour m’espionner. Tout le monde semblait vouloir m’escroquer, désirant m’arracher ma création ou me duper financièrement.
C’en était fini ! Je décidai en cet instant de reprendre les rênes de cette farce dont j’étais tout bonnement le dindon. Je criai à l’attention des gardes.
— Au secours, aidez-moi !
Trois hommes armés se dirigèrent vers nous ne comprenant pas pourquoi je vociférais de la sorte.
— Cette dame ne travaille pas ici, elle vous a roulé. Il y a également trois hommes à l’accueil dont deux sont armés et qui m’ont fait du chantage pour me voler le contenu de mon coffre.
Bélinda ou plutôt Eleanor sembla surprise et eut un petit sourire en coin comme pour me signifier qu’elle avait compris que mon comportement avait changé. Elle ne s’y attendait sûrement pas.
L’un des gardes s’approcha et demanda à la jeune femme si elle pouvait montrer son badge d’identification. À ce moment, en une fraction de seconde, elle donna un violent coup de pied dans les parties du vigile armé, lui arracha son arme par une torsion experte du poignet. L’homme s’écroula sur le sol, suffocant de douleur. Les deux autres eurent à peine le temps de réagir qu’elle se jeta derrière eu en une roulade avant maîtrisée. Elle se releva tout en faisant tournoyé son pied, happant au passage les chevilles des deux protecteurs qui s’affalèrent durement sur le carrelage du couloir.
Avant qu’ils ne retrouvent leur aplomb, elle se pencha sur eux et les assomma sèchement de la crosse du pistolet qu’elle avait subtilisé au premier garde toujours à terre en train de souffrir.
Elle me fit un sourire malicieux et un clin d’œil rapide avant de s’éclipser par une issue de secours qui déclencha l’alarme de la banque. Des gardes arrivèrent sur les lieux, deux se lancèrent à la poursuite de la fugitive tandis que les autres me prenaient à part pour m’interroger ou aider leurs collègues blessés dans leur orgueil qui étaient étendus sur le sol. Je demandai immédiatement à voir le directeur que je connaissais de longues dates. Je lui indiquai les trois hommes à appréhender et après une brève explication sur les raisons de cette situation, je lui demandai une faveur.
J’étais en odeur de sainteté auprès du patron de la banque ce qui me permit d’en sortir sans devoir témoigner des faits de la journée devant la police. Me faisant sortir par une porte dissimulée, je pouvais enfin rentrer chez moi et dormir pendant toute une semaine. Tout comme à la fin d’une fable, je tentais de trouver une moralité à toute cette histoire, mais une chose était certaine, je ne vivrais plus ma vie comme avant.
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