Un réveil à une heure qui ne devrait jamais être vue. Sans doute ai-je rêvé en voyant qu'il était treize heures soixante, et que la pleine lune filtrait entre mes volets. Pourtant, tout semblait réel, palpable. Tout, y compris cette personne qui me regardait.

Je me redressais, étourdie par les circonstances et la fatigue. Certaine d'être sujette à des hallucinations farceuses, je clignais des yeux. À force de répéter ce mouvement, les spasmes typiques de ma paupière gauche revinrent à la charge. D'habitude, après quelques secondes, une illusion disparaît. Alors pourquoi la silhouette demeurait là, statique ?

Décidée à en savoir plus, je me rapprochais d'elle. À chacun de mes pas, elle s'éloignait. Alors, je me mis à courir dans sa direction. Le temps et l'espace n'avaient plus aucun sens. Qu'il soit treize heures ou cent heures, qu'il y ait la pleine lune ou Saturne à la place. Tout ce qui m'importait était d'atteindre celle qui me fuyait.

Lorsqu'enfin je l'atteignis dans cet univers sans espace ni temps, j'eus le privilège d'observer son visage. Mon visage. Fatigué, déprimé.

Je me réveillais en sursaut, sans doute dans le monde réel, ou peut-être dans un autre rêve. Dans tous les cas, elle n'était plus là.

Depuis notre rencontre, et chaque fois qu'il n'y a personne avec moi, je l'aperçois du coin de l'oeil. C'est un membre à part entière de mon foyer, plus présente que n'importe qui. Elle a fini par prendre ses aises dans mes angles morts. Et lorsqu'elle vient dans mes rêves, à treize heures soixante, elle me pose toujours la même question :

"Mais dis-moi, depuis combien de temps es-tu aussi seule ?"