La barque, accrochée au ponton couvert d'algues et de mousse, tanguait au gré des vagues, des flots grondants tempêtant sous un ciel d'encre. Un éclair tonitruant m'extirpa de ma stase après un choc à la tête ; la théorie fut confirmée lorsque je passai ma main derrière ma tête. Je sentis alors une bosse et une vive douleur en effleurant l'extrémité de mes doigts encore tremblants. Où suis-je ? Pourquoi ai-je perdu connaissance et comment ? Tant de questions restaient sans réponses.
Ma vision trouble se mêlait au bourdonnement qui régnait dans ma tête. Désorienté et déshydraté, je tentais de sortir de la barque, mais mes jambes, encore sous le choc, refusaient d’obéir. Fouillant les tréfonds de ma mémoire, je ne parvenais pas à me rappeler comment je m'étais retrouvé échoué sur ce ponton. Avais-je voulu fuir quelque chose ? me demandais-je en regardant la barque encore attachée. Etais-je arrivé sain et sauf et ensuite m'étais-je évanoui ?
Cherchant des indices dans mes poches, je sentis quelque chose de rigide, cartonné, une photo sûrement ? En l'extirpant, je fixais le négatif de ce qui semblait être un monstre gigantesque et tentaculaire émergeant des eaux affolées. Je dois halluciner, m'étais-je dit alors, comme pour m'en convaincre.
C'est alors qu'un flash dans mon esprit troublé apparut ; je me revoyais voguant, une barque à contre-courant perdue dans cette immensité liquide. Je devais être en expédition, me dis-je en cherchant à me souvenir. Il me fallait retourner chez moi, trouver des réponses et reprendre mes esprits.
Marchant tant bien que mal sous un vent particulièrement violent et glacial, je n'avais jamais vu ça ; tremblant et frigorifié, je longeais la plage en quête de mon domicile. À mesure que je m'éloignais du rivage, une voix résonnait dans ma tête, semblant me parler, m'appeler.
"Viens ! Viens à moi ! Rejoins les grands anciens !"
Je me retournais pour voir d'où pouvait bien provenir cette sinistre voix. Et là, devant moi, apparut Cthulhu, l'être suprême, l'abomination ultime, puis en un quart de seconde, il disparut dans les flots sombres. Je devais divaguer, c'est certain ! Je courus aussi vite que mon corps endolori me le permettait. À mesure que je progressais vers ma maison, des visions d'horreur martelaient mon esprit tourmenté. Je voyais un hôtel sacrificiel au centre d'une grotte lugubre, des créatures semblables à des hommes poissons s'agenouillaient devant un homme encapuchonné tenant un livre.
Je me voyais également attaché à un mât de navire échoué sur la plage, des symboles inconnus apparaissant sur le sable humide battu par les vagues. Derrière moi, ces mêmes créatures prononçaient des incantations dans une langue étrange. Était-ce le fruit de mon imagination ? Le manque d'eau ? La folie ? Ma maison n'était pas très loin ; à mesure que je m'approchais, les souvenirs revenaient, tout s'enchevêtrait dans mon esprit. Quand j'arrivai chez moi, une lumière m'aveugla, et je me retrouvai à nouveau dans cette foutue barque, inconscient. Était-ce le cauchemar d'Innsmouth ?