4.
Ce matin-là, alors que l’écume blanchissait le rivage, il aperçut une bouteille plus sombre que les autres. Son verre épais, était teinté d’un bleu profond, et son bouchon de liège semblait avoir résisté à mille tempêtes
Il la ramassa lentement, comme s’il sentait que celle-ci était différente. Il la porta à son oreille, et un instant, il crut entendre un murmure, une voix noyée entre les vagues et le vent.
Ses doigts tremblèrent en retirant le bouchon. À l’intérieur, un papier plié avec soin. Contrairement aux autres lettres griffonnées à la hâte, celle-ci portait une écriture délicate, maîtrisée, comme si celui qui l’avait écrite attendait une réponse.
Il déplia la feuille et lut :
"À toi qui liras cette lettre, si toutefois l’océan te l’a confiée…"
"Je ne sais plus qui je suis. Tout ce que je sais, c’est que j’ai aimé.
J'ai aimé d’un amour immense, trop grand pour mon cœur.
Il débordait et m’a emporté comme les vagues emportent les navires."
"Si tu trouves cette bouteille.. Je n’attends pas de réponse.
Je veux juste que quelqu’un sache que cet amour a existé, que j’ai aimé, à en souffrir.
Je veux que quelqu’un, quelque part, puisse en garder une trace, comme une douce mélancolie."
"Que le vent porte mes mots. Que l’eau les murmure aux étoiles."
"C’est ma seule volonté."
Lorsqu'il termina sa lecture, le vent s’était calmé. Les vagues semblaient retenir leur souffle.
L’homme referma la bouteille avec une infinie douceur. Il regarda l’horizon, là où la mer et le ciel se confondaient.
Alors, il fit ce qu’il n’avait jamais fait.
Il prit un morceau de papier, une bouteille vide qu’il avait récupéré, et il écrivit quelques mots :
"Je t’ai lu."
Puis il scella la bouteille et la confia aux vagues, espérant qu’elle trouverait son chemin.
Toutes les bouteilles à la mer ne sont pas des appels au secours.
Certaines sont juste des âmes qui demandent à être entendues, une dernière fois.
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