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Les lumières viennent de s’éteindre. L’étendue verte n’est plus qu’un désert sombre duquel s’échappent des discussions légères. On se félicite, on s’excuse, on se compare parfois. On refait l’histoire. Puis on se quitte avec un sourire, jusqu’à la prochaine rencontre.

Le calme revient à l’instant où son corps vient épouser le siège de sa voiture. Il n’entend ni les rires ni les éclats de voix euphoriques des vainqueurs.

Il est seul. Parfois, ils sont quelques uns à sortir prendre un verre. Parfois. Pas ce soir. Ce soir, il n’a que la nuit pour accompagner sa route.

Il se gare au fond de l’allée. Les poteaux installés ça et là semblent pleurer des câbles de tristesse. Aucun n’est droit. Tous sont penchés, laissant tomber leurs larmes à quelques centimètres des plus hautes têtes.

La porte s’ouvre. Sans surprise. C’est lui qui en possède la clef. Personne n’est venu l’accueillir. Il n’espérait de toute façon aucune présence. Il regarde un instant le ciel. Vide. Presque autant que lui. Quelques nuages timides tentent d’habiller l’immensité du Monde disposée à rester nue, visible de tous.

Il s’assied un instant, le regard perdu dans le vague, les mains posées sur ses genoux. Il fixe un point fictif au milieu du mur auquel il fait face. Il fixe son esprit, se perd en lui-même jusqu’à en oublier sa présence physique. Il en a besoin. Il a besoin de ne plus exister autrement qu’en pensée, de s’extraire du réel, de percevoir qu’il peut demeurer quelque chose au-delà de son enveloppe solide, au-delà de ce qui a été établi comme étant l’existence.

Il fixe sa solitude. Il observe l’ambivalence de ses désirs. Il regrette d’être seul tout autant qu’il embrasse cet instant dépourvu de manifestations extérieures. Elle est son plus grand besoin, comme sa plus grande source de tristesse.

Elle est ce puits sans fond, cette chute infinie vers les tréfonds de ce qui constitue son être. Elle est le fruit de ses désirs, le refuge vers lequel se tourner lorsque tout semble s’écrouler. Elle est l’ombre. Elle est la lumière. Elle le nourrit autant qu’elle le consume.

Les ombres dansent dans la pièce sans lumière. Il n’a pas souhaité éclairer autre chose que ses propres feux. Il n’en a pas besoin. Son lit l’appelle. Il sait qu’il a besoin de repos mais rien ne vient. Ses paupières restent aussi légères que la plume qui un jour a décidé d’écrire son histoire loin du monde des Hommes.

Une goutte s’échappe de son œil et vient résonner dans le silence des ténèbres qui désormais sont partout. Elle ne porte aucun parfum, aucune saveur. Pas même le gout de l’eau. Elle lui ressemble. Sans essence. Elle n’est ni sa joie, ni sa tristesse. Elle n’est ni douleur, ni plaisir. Elle n’existe que de manière fortuite, parce que parfois les gouttes quittent l’œil qu’elles habitent.

Il est cette goutte. Il connait son parcours. Elle viendra s’écraser contre le parquet froid, comme il viendra un jour frapper un pavé malheureux, se rependant en un millier de petites gouttelettes avant de disparaitre dans l’éternité.

Phase basse.

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