La belle et la bête.
- Et s'il était possible que ce reflet représenté n'était qu'un mirage parmi les images ?
Je me tiens debout à regarder ma splendeur au-delà des reflets d'un pâle miroir rongé par le temps qui passe et ne tenant que par deux lanterneau en équilibre fatale. J'étale un sourire, puis je fais la moue en constatant la dérision de l'instant et l'insolence du moment qui passe et trépasse la jeunesse révolue. J'écarte les yeux, me touche les joues ainsi que les pommettes. Je constate que le talent de la beauté s'évapore au fil des tic-tac retentissant. Je porte à mes lèvres, revenues à leur état d'origine, un verre d'alcool. Je lorgne sur le liquide mouvant au sein de ce conteneur. Je fais des vagues et des remous sur l'état du moment tout en ravivant la flamme de la non sobriété. J'étale l'alcool tout contre le reflet mouvant. Goutte après goutte. J'admire et constate les rides formées par le flou ridicule qui stagne sur l'épaisse couche de glace. Je ris un instant.
- Sans doute est-ce l'effet du désert laissant apparaître l'oasis intangible, intouchable, lointain. Je le touche du bout des doigts, mais il s'égare d'autant devant l'ineffable vérité stridente et chaotique de la vérité criarde et nauséeuse.
- Sades ? Je vous entends parler depuis bien dix minutes, tandis que le coin adjacent de ma cuisse frémissante semble cesser de surchauffer pour aller au calme ainsi qu'au repos. Que faites-vous donc ? Vous qui deviez me séduire de vos talents. Suis-je donc plus indésirable que votre propre reflet à qui vous communiquez tout votre amour ?
Je lève les yeux au ciel, lâchant un soupire tandis que la verge vive reprend de sa constance et de sa couleur rougeâtre et sanguin.
- Prenez donc l'objet phallique à vos côtés, que je puisse assouvir mon fantasme avant de vous rejoindre et vous montrer l'odeur de Sainteté qui émane de tout mon être.
Mes doigts appuient violemment sur le verre qui se met à trembler sous la force attractive. Il termine sa course dans le miroir qui ne reflétera plus l'image de ces mirages. Les bris s'étalent sur le sol. Une myriades de petits cristaux fins comme de la poudre, et d'autres aussi tranchants et grands qu'un poignard ou qu'une miséricorde pour le pauvre petit pied nu qui saurait s'aventurer dans les parages.
Je m'avance vers cette femme nue, allongée sur le lit, sur des draps rouges sombres. Elle s'étale de tout son long, jouant aux prémices de l'acte paradisiaque, seule, se laissant fondre d'un désir qui saurait l'accabler par la suite. J'admire son corps jeune et magnifique, pulpeuse de ses formes angéliques. Ses petits mouvements saccadés, sa respiration perdues dans l'intense plaisir montant à un paroxysme qu'aucun homme ne saurait apporter, trop occupé par sa propre jouissance personnelle. Sa cage thoracique s'élève et retombe tel un soufflé, tandis que ses mains apposent l'extase à toutes formes de connivences. Je ferme les yeux afin d'écouter son coeur battre et ses petits gémissements invitant à la simple délectation de la débauche superficielle qui s'en suivra. Elle fait battre mon coeur à son unisson tout en enjoignant ma virilité à se joindre à la fête sans plus tarder, sans émettre d'autres protocoles à respecter.
La fête bat son plein, poitrine contre poitrine. L'engeance saurait survenir tant et si bien que les mouvements s'enchaînent dans un professionnalisme tendre et presque romantique. Tant d'amour à décharger sur une vie bien trop difficile et complexe, que nul autre ne saurait envier et envisager. Un peu de douceur de cette brutalité souffreteuse. Jusqu'à ce que l'apothéose survienne sur le mouvement de ses lèvres qui s'étirent et de son regard qui se perds dans les dédales de son visage brumeux et perdu dans une autre galaxie. Une pointe survient, un dernier râle puis le soupire langoureux sur le bout d'une langue qui s'amène sur la lèvre haute. Les griffes s'enlacent sur le coin d'un dos musclé, et les derniers remparts cèdent pour en apporter une bonne consolation délicieuse.
- Vous auriez tout de même pu m'en faire profiter d'un second.
- Taisez-vous, Sades. Par pitié, taisez-vous.
- Quelle égoïste faites-vous, ma chère.
- Laissez-moi gravir les étoiles en paix.
Je ris tout en me levant, allant chercher un autre verre de nectar tout en évitant les bris de glace à terre. Alors que je porte le bon vin divin sur le coin de mes lèvres, la porte cède et un homme s'invite aux festivités criardes de façon nonchalante et dévastatrice. Le poing levé, le nez rougeaud, il s'enivre de la scène tout en hurlant tel un poltron dans un marécage de stupres étalés dans les bas-fonds de la Cour des Miracles. Je lève les yeux au ciel en le regardant faire son manège, son doux cirque.
- Chérie, il me semble que votre horrible époux est entré au moment le plus opportun.
Il est bien connu que les ivrognes n'ont aucun respect pour la gente féminine. Des couards qui se rangent vers la facilité tout en combattant l'innocence même. La retrouver à moitié cocardée, à moitié dévastée par les coups de poing et la folie d'un débile profond qui n'a que le tiers d'un cervelet en état de marche, ça, ça m'avait foutu un coup au moral. Je m'étais promis de le retrouver et de l'étriper comme un diable qui a le feu au cul. Pour ne pas dire autre chose. Je bois mon vin tout en le visionnant, toujours le poing levé, à hurler des insanités que je ne saurai guère dévoiler ici-même. Je souris jusqu'à ce qu'il s'approche de sa chère femme dont il empoigne le bras afin de la relever. La belle nudité en action, sous les mouvements effrénés de rétention. Je lève les yeux au ciel. Elle se met à hurler.
- Fernand ! Lâche-moi ! Je ne reviendrais pas avec toi !
- Tu viendras, salope ! C'est moi qui décide, tu n'es rien qu'une catin. Tu vas voir à la maison.
De douces fariboles. Je lui avais promis de garder mon calme dans pareils cas. Est-ce réellement possible ? Je ne sais pas si se trouver devant lui, sans vêtements, pourrait alors engendrer la non tenue de ma promesse. Après tout, il se rincerait presque l'oeil en voyant une taille qu'il ne saurait détenir lui-même. En fait, je n'aimerais aucunement savoir ce qui se passe en dessous de sa ceinture.
- Cela suffit, vous allez encore vous couvrir de ridicule. Lâchez donc cette demoiselle et allez vous flétrir auprès de vos amis cuvants.
Il lâche effectivement sa donzelle avant de se jeter sur moi, poing vers le devant. Sans doute n'était-il pas assez ivre, puisqu'il a parfaitement visé. M'offrant un léger décalage de la mâchoire. C'est qu'il pourrait faire mal, le bougre. Je me recule un instant, me massant la partie inférieure de mon visage. Je lève de nouveau les yeux au ciel avant de le frapper l'abdomen afin de le faire reculer. Manque de chance, il termine au sol, le visage tout contre les bris de glace qui lui lacèrent le peu d'estime qu'il aurait pu avoir de lui. Je le vois ne pas se relever, ne plus mouvoir. Je fronce un sourcil. Il ne respire plus. Lui aurai-je donc broyé ses poumons en frappant trop fort ?
- Fichtre. Je crains qu'il ne soit mort. Nous allons encore devoir payer une note faramineuse pour la femme de ménage.
Et je termine mon verre de vin tout en essayant de remettre ma mâchoire en place.
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