chapitre 33 : ils n'avaient jamais été aussi près, de la victoire comme de la mort
Assise en tailleur, nue, entourés de murs immenses et bercé par un silence des plus purs, Rubie attendait. Cette situation était particulièrement propice à la réflexion, mais elle devait empêcher son esprit de penser, au risque d’y perdre la raison. L’image de Théoxane lui apparut soudain, et le son de sa voix trompa sa solitude. Elle ferma les yeux. Il était là, tout près d’elle, la serrant contre lui comme si elle ne l’avait jamais quitté. Puis un hurlement vint troubler ses songes, May Karter fut la première à être rayée de la liste des suspects. Claire Lopez vint ensuite, suivit par Ivy Dreamer. Les noms s’enchainèrent, les uns après les autres. A la fin, six manquaient à l’appel.
Rubie remonta et se transforma aussitôt, préférant apparaitre nue que les yeux luisants. Une fois changée, elle débuta son compte-rendu.
- Si vous étiez descendus dans cet endroit, déclara-t-elle d’une voix solennelle, vous auriez été troublés au même titre que moi. Le calme qui y règne semble imperturbable, résistant à notre propre musique intérieure. Je pensais que, peut-être, il rejetterait également le nom du meurtrier. Il faut croire que je me suis trompée, puisque je vous ai tous entendus. Désolé de vous avoir fait perdre votre temps.
- Ce n’est pas grave Elya, la soutint Nala devant la foule, tu auras essayé.
Sans plus de protestations, tous s’en retournèrent à leurs occupations. Aucun visage ne parut spécialement soulagé.
- Maintenant, dis-nous la vérité, ajouta Marco avant que Nala ne quitte elle aussi la salle.
- J’avais raison. Il m’en manque six : Louis Mayrison, Eneko Yilmaz, Bastian Schmit, Alondra Ritawa, Merry Monero et Norie Fuson. Je suis prête à vous parier n’importe quoi que l’un d’eux est le meurtrier.
La joie et la peur se mêlaient dans les regards. Jamais ils n’avaient été aussi près, de la victoire comme de la mort.
- Je vais mener mon enquête, s’empressa de rétorquer Nala. Je vous tiendrai au courant. Au moins, maintenant, vous êtes sûrs que je suis de votre côté.
Puis elle s’en alla, non sans leur adresser un dernier clin d’œil.
Rubie voulait partir, mais cette chose qui la reliait à Marco la poussait à rester.
- Elya, répond-moi sincèrement. Si je n’avais pas insisté, tu nous aurais révélé ce que tu avais appris dans le puits ?
- Si j’avais voulu vous te le cacher, Marco, ta question n’aurait pas suffi à me tirer les vers du nez. Je ne suis bien plus forte que ça.
- Une fois de plus, je n’en ai jamais douté.
La jeune fille laissa échapper un soupire.
- De ma force peut-être pas, mais de moi si, visiblement.
- Je… ce n’est pas ce que j’ai voulu insinuer. Je voulais seulement savoir où je me situais, sur l’échelle de ton estime.
- Ça n’a pas d’importance, tout ce qui compte c’est que l’on survive.
- Et si je t’avouais que, pour moi, ce jeu dépasse largement la simple survie, qu’il y a une personne ici sur laquelle je me focalise davantage ?
Elle sentit son cœur palpiter. Telle une funambule, elle dansait au bord d’une pente glissante. Dans un sens, elle aimait cela.
- Je te répondrais qu’il est dangereux de disperser ton attention, et qu’il serait plus sage de te concentrer.
- Etes-vous une fille sage, Elya Falcon ?
Un frisson parcouru sa peau. Les sous-entendus qui émanaient de ce questionnement la faisaient frémir. Elle aurait voulu l’embrasser. Non, elle aurait voulu qu’il l’embrasse. Elle aurait aimé parcourir son corps, là, dans cette salle au bord du gouffre, et entendre des mots doux sous une pluie de baiser. La passion et la douceur d’Avem, suspendues au cœur de la Capitale. Elle aurait rêvé tout cela, si seulement elle avait cru en sa sincérité.
- Je ne l’ai jamais été, répondit-elle simplement avant de retourner s’allonger sous la table renversée.
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