chapitre 65 : se peut-il qu'il pleuve à la Capitale

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Rubie tomba tête la première dans une énorme flaque d’eau. La pluie humidifiait l’air et partout l’on sentait son odeur désagréable. Ce peut-il qu’il pleuve à la Capitale ? se demanda la jeune fille tandis que les gouttes martelaient le sol. Lorsqu’elle releva la tête, elle vit devant elle un petit bâtiment salit par le temps. Nala l’entraina à l’intérieur, passant par la grande porte comme s’il s’agissait de sa demeure. Dans le hall d’entrée, le réceptionniste la salua.

- Tu le connais ?

- On s’est rencontré hier, mais il y a tellement peu de gens qui passent ici qu’il s’accroche au moindre client.

Un quartier isolé, surement le seul qui ne connaissait pas par cœur les visages des nouvelles porteuses de sphère. Ingénieux.

Les deux jeunes filles empruntèrent ensuite un escalier qui menait au seuil d’une petite chambre. Quand elle ouvrit la porte, Rubie n’en cru pas ses yeux. Devant elle s’étalait des milliers de perruques, chapeaux, gants, tenues d’hiver et d’été, chaussures et manteaux. Du lit au placard, la pièce en était couverte.

- Bienvenue chez-moi ! déclara Nala en ouvrant les bras. Voici mon repère !

Elle semblait heureuse parmi tous ces vêtements, enfin à sa place dans un endroit qui n’appartenait qu’à elle.

Assise sur un petit fauteuil qu’elle avait débarrassé, Rubie eut une pensée pour Salomé. Elle lui avait interdit de sortir du palais sans elle et, alors qu’elles étaient tout juste devenues amies, voilà qu’elle lui désobéissait déjà. Avait-elle seulement le choix ?

Avant qu’elle n’ait pu répondre à la question, Nala revint de son foutoir avec dans les mains des tissus, des volants et des frasques par milliers.

- Tu es, disons, mieux formée que moi, mais je crois avoir réussi à trouver quelque-chose à ta taille.

- Mieux formée ? Je suis sensée le prendre comment ?

- Bien, tu n’imagines pas le nombre de filles qui rêveraient d’avoir tes seins ! Bon, maintenant arrête de pleurnicher et enfile ça, déclara-t-elle en lui tendant un jupon.

Elle lui serra ensuite la taille grâce à un corset, écrasant sa poitrine contre des baleines trop dures. Après cela, elle lui passa un col en dentelle qui la couvrait jusqu’aux épaules, sur lequel elle enfila une imposante robe rouge. Elle para enfin son cou d’un collier de perle et chaussa ses pieds de deux petits souliers qu’on ne voyait pas. Derrière un paravent, elle se vêtit d’une tenue similaire aux couleurs bleutées et sortit avec dans les mains deux masques couverts de roses sanguines.

- La touche finale, déclara-t-elle en se le posant sur les yeux.

Rubie saisit le deuxième et se l’attacha derrière la tête. Elle se demandait à quoi pouvait rimer toutes cette mascarade. Pourquoi Nala tenait-elle tant à l’emmener dans un bal costumé ?

- Là où nous allons, personne ne connait l’identité de personne, ce qui est plutôt pratique dans notre position. Si tu veux t’adresser à quelqu’un en particulier, il te faudra connaitre son surnom ou bien lui en donner un toi-même. C’est une sorte d’assurance, tu vois ?

- Oui, je comprends.

- Bien, veille aussi à t’exprimer en périphrase. Rien ne doit être directement nommé, comme un code permanant.

- Un code ? Attends, tu m’emmène où là ?

- T’inquiète pas, fais moi confiance. Ah, et j’allais oublier !

Du fond d’un tiroir elle sortit une broche en forme de rose carmin qu’elle attacha sur la robe de Rubie.

- Montre-moi ton poignet.

- Mon poignet ? Sérieux Nala, tu me fais peur.

- Ecoute, essaye pas de comprendre, contente-toi juste de me suivre. Je te promets que plus jamais je ne te demanderais un truc comme ça mais là tu dois vraiment me…

- Te faire confiance, l’interrompit-t-elle. J’ai compris.

La jeune fille souleva sa manche et lui présenta son bras à demi-nu. Nala retira une épingle de sa chevelure et lui tailla une larme au cœur de la chaire. Rubie serrait les dents afin de retenir, non pas ses cris de douleur, mais les milliers de questions qui lui torturaient l’esprit. Confiance, ai confiance, se répétait-elle sans réellement parvenir à s’en convaincre.

Une fois le sang épongé, Nala s’approcha d’une petite porte située au fond de son débarras, en frôla la poignée puis se retourna. Elle se dirigea ensuite vers un vieux bureau sur lequel trônait une boite à bijoux dont la clef pendait à la serrure. Elle la retira puis la tendit à Rubie.

- Si un jour je venais à disparaitre, pour je ne sais quelle raison, je veux que tu viennes ici et que tu ouvres cette boite. Promets-le-moi.

- Je… promis. Pas de questions, juste de la confiance.

- Exactement.

Rubie prit finalement l’objet et le glissa dans le seul endroit où l’on ne pourrait pas le lui voler, son soutient gorge.

Nala s’approcha de nouveau de la porte du fond, l’ouvrit et pénétra dans un brouhaha impossible d’hommes en noir.

- Un repère de passeur ? demanda Rubie.

- Un carrefour, répondit la jeune fille. Le seul de la Capitale. Tu ne croyais quand même pas que j’avais choisi une chambre dans ce taudis par hasard.

Elles s’avancèrent et, sans nul besoin de monnayer un service, s’engouffrèrent de nouveau.

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