Sueurs froides

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_THE TIMES_

Extrait du journal de Mr L... S..., colonel dégradé de l'armée britannique, trouvé dans un appartement saccagé de la rue des bouchers, à Londres.

On sait désormais que l'individu fut le bras droit et l'homme à tout faire du criminel de renomée internationale J... M..., et qu'il fut impliqué dans de nombreuses affaires sur le sol britannique.

La publication de fragments dudit journal, loin d'avoir pour but de pousser à la dépravation morale, pourra peut-être apporter quelques éclaircissements quant aux évènements tragiques de la National Gallery.

***

13 octobre 20**

2 heures du matin, c'est l'heure convenue pour rentrer lorsqu'il n'est pas seul. Un message pour m'avertir et je m'efface. Un mot suffit, j'obéis comme un chien.

Je referme la porte derrière moi, le cœur au bord des lèvres. Une odeur étouffante, chaude, mâle, imprègne l'appartement plongé dans la pénombre. C'est l'odeur trop familière des corps suants sur les draps. L'odeur de la chair offerte, et prise.

Un coup d'œil à travers sa chambre: un homme est allongé sur le lit, nu, le corps à moitié enfoui sous les couvertures. Où l'a-t-il déniché celui-là? Serveur dans un café? Strip-teaser d'une boîte de nuit aux allures de coupe-gorge? Puceau timide battant le pavé au bas de la rue? Membre du Parlement ou encore personnalité du grand monde arrivée incognito à Londres? Vautrés sur le lit du patron ils ont tous le même air.

J'ai mal à la tête.

Je me dirige vers la cuisine: un verre d'eau, un cachet d'aspirine. Je réprime un frisson en me retournant: il est derrière moi. Il s'est déplacé, silencieux, à la façon des effraies, pour planter son regard froid dans le mien. Il me dévisage, me jauge. Son silence est un trou noir qui engloutit tout: la rumeur des voitures au-dehors, le bruit de ma respiration, le sifflement léger du cachet effervescent, les battements de mon cœur dans ma poitrine.

"Tu sens le malt." Le reproche claque comme un fouet.

"Un verre Jim, un seul." Je mens délibérément, il le sait. J'aurais fini la bouteille si je n'avais pas eu peur de rentrer ivre, ou même seulement en retard. Silence. Son calme est plus terrifiant que le pire accès de violence. Derrière l'impassibilité de son visage, il exulte. Plus que le jeu de la sensualité, c'est ce fragile jeu de pouvoir qu'il préfère. Le vertige d'être au sommet. La stratégie pour conserver sa place.

"Un assassin dont les mains tremblent est bon pour la décharge." Nous y voilà. Je voudrais disparaître. Trop tard, toujours trop tard. Les bons joueurs ont toujours un coup d'avance, celui-ci en a cent. Je lui appartiens. Tout ce qu'il me reste, c'est un semblant de dignité et d'orgueil, vain et ridicule. "Elles ne tremblent pas encore." Un large sourire déchire son masque. "Et c'est heureux pour toi..."

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