Chapitre 19:

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Chapitre 19 :

En rentrant, Gabrielle peina à descendre de l’automobile, sentant tout son corps s’être raidi et engourdit. Marguerite semblait l’attendre avec impatience, étant restée une semaine à la maison c’était plutôt compréhensible. Pierre ne fit que déposer Gabrielle pour rejoindre son cabinet, comme il l’avait dit à Armand. Se doutant bien qu’il ne fallait pas attendre Pierre pour quoique ce soit, Gabrielle fut un peu soulagée. Il allait sûrement travailler beaucoup, et peut-être ne pas rentrer, les jours à venir ne seraient vraisemblablement pas agréables pour lui. Pierre était un acharné du travail, quelqu’un qui savait se sacrifier pour une cause: il avait très sûrement bien choisi sa carrière d’avocat. Et cette situation nécessitait un travail incroyable.

Dans la voiture, Pierre lui avait expliqué qu'il allait devoir faire rédiger des procès verbaux de ce qu'il s'était passé, mais aussi des témoignages de toutes les personnes présentes pendant l'arrestation, les faire authentifier et en même temps les garder secrètes jusqu'au dernier moment. Il allait falloir également tenter de combler le vide juridique que créait ce monstre. Gabrielle aurait aimé pouvoir rester avec lui, pouvoir voir comment tout allait se dérouler, une petite partie d'elle-même se dit qu'elle aurait aimé être secrétaire pour Pierre, ou même assistante pourquoi pas? 

Gabrielle alla s’installer pendant un moment dans le petit salon, regardant par la fenêtre. Elle attendait le retour de Marguerite, qui était partie lui préparer quelque chose à boire. Le bleu des yeux de la créature la hantait, chaque fois qu'elle fermait les siens, elle les voyait la fixer, la dévisager, lui arrachant un frisson d’horreur. 

« Alors? Comment était-ce? demanda Marguerite, la sortant de ses pensées. 

Gabrielle se redressa dans son siège, par réflexe.

— Je n'ai pas de mots pour décrire ce que j'ai pu ressentir… souffla Gabrielle. 

La jeune femme de chambre s’installa face à elle, ajustant la tasse et les petits biscuits qu’elle lui avait servit. 

— Je m’attendais presque à ce Pierre me refuse qu’on se rende là bas, et ensuite, je m’attendais à ce que la police m'empêche d’y aller. Mais le simple fait d’être l’épouse de Pierre, ainsi que faisant partie de la famille des victimes me donne des passes droits. Je m’étais déjà faite la réflexion mais cela reste toujours étonnant. Je ne suis pas habituée à tout cela…

Gabrielle regardait sa tasse de thé fumante. L’odeur d’orange et de citron embaumait, la réconfortant.

— Et alors? était-ce bien celui que vous aviez aperçu à Montmartre?

— Oui, je suis formelle, c’était lui, fit gravement Gabrielle. Ses cheveux, sa façon de se tenir. Et surtout… il m'a reconnue, il a dit quelque chose, il m’a parlé. 

Marguerite s’avança sur son siège, plus qu’intriguée.

— Il a dit “il ne pourra pas te garder pour lui tout seul encore longtemps” ou quelque chose comme cela. Mais qui? et me cacher de qui? De quoi? Je ne comprends pas…

— Peut—être était-ce les divagations d’un esprit malade? se hasarda Marguerite. 

— C’est honnêtement la théorie qui me semble la plus probable… Mais une partie de moi se demande si… Peut-être est-ce vrai? Et peut-être suis-je en danger? 

— N'était-ce pas lui le danger ? Pourquoi ne pas faire preuve d’un excès de prudence? Avec votre état, cela serait une bonne chose, vous avez besoin de repos. 

Gabrielle acquiesça, grignotant un gâteau qu’elle avait trempé dans la boisson chaude. 

— De toute manière, je n’ai plus rien à craindre de la part de cet individu, il est emprisonné dans une cellule scellée, gardé par des dizaines de policiers. Depuis le début de toute cette histoire, je pense que je m’endormirai ce soir plus en sécurité que jamais. 

— Moi cela m’effraie. Avec tout ce qui s’est passé ici, et puis toutes les personnes qu’il a tuées, c’est sûrement quelqu’un de très dangereux, dit Marguerite, tout bas. 

— Je le pense également… Et tu ne sais pas encore tout. Le médecin légiste qui était en charge des autopsies, le Docteur Courtois, tu te souviens que je t’en ai parlé?

— Oui très bien, il avait pour théorie que tout ceci était l'œuvre d’une créature non humaine, c’est bien cela?

— C’est cela. Et bien, il semblerait qu’il ait eu plus que raison. Les policiers lui ont tiré plusieurs balles, et il n’est pas mort, pire encore, les balles sont ressorties de son corps, expliqua Gabrielle, remuant la cuillère dans son thé. 

Marguerite resta pantoise. 

— Je ne comprends pas. 

— Moi non plus… Mais il semblerait qu’il soit une sorte d’hématophage ou quelque chose comme ça, selon le médecin. Il se nourrit du sang des victimes pour survivre, mais est insensible aux balles, possède une force incroyable et une rapidité non humaine… Sa peau est froide et il a des crocs dans la bouche qui l’aide à se nourrir…

Elle finissait presque par le murmurer, tant les mots lui semblaient incongrus. La femme de chambre mit quelques secondes à digérer cette pluie d’informations, et elle sembla hésiter avant de parler. 

— Des crocs? 

— Oui, deux canines protubérantes, pointues… 

— Cela me fait penser à Monsieur de l’Estoile...

Gabrielle se ferma en la fixant. 

— Je redoutais que tu me dises cela. Depuis que j'ai entendu cela, mon esprit ne cesse de m'envoyer des images d'Armand…Mais c'est sûrement un étrange hasard. 

— Je l’espère, supposa Marguerite. 

Les deux femmes se regardèrent avec inquiétude. 

— Sa peau est-elle froide? 

— Je ne saurais le dire… il porte des gants presque tout le temps. Et quand nous nous sommes… dans le carrosse, je veux dire; il me semblait frais, sans pour autant être glacé. Je…

— Etrangement, cela pourrait venir expliquer beaucoup de ses comportements. 

— Je suis d'accord avec toi, avoua Gabrielle, à demi-mot. 

Elle se mit à tortiller sa serviette de table entre ses mains. Les larmes lui piquaient les yeux, mais elle refusait à se laisser aller à pleurer. Marguerite semblait inquiète, concernée. 

— Serait-il lui aussi une de ces créatures? 

— Mon Dieu pitié, non, sanglota finalement Gabrielle, craquant. Je ne saurais l’accepter. Le monde s’effondre autour de moi toujours plus chaque jour qui passe, ne semblant pas avoir de fond. Il faut que cela s’arrête. 

— Je vous le souhaite sincèrement. »

Marguerite s’était levée pour venir aux côtés de Gabrielle prenant ses mains dans les siennes. Chaudes, douces et rassurantes. 

Gabrielle ne dit plus rien, tentant de se calmer rapidement. Elle ne voulait plus pleurer, elle voulait affronter tout cela avec aplomb et force, mais cela ne s’annonçait pas facile. Se donnant une contenance, elle prit son sac pour aller y chercher son poudrier afin de retirer les larmes disgracieuses sur son visage. Mais ce qu’elle y trouva la laissa étonnée. Doucement, elle sortit une fleur de son sac à main, une fleur unique: une pivoine blanche. Un flot de questions lui vint soudainement.

« Qu’est-ce que c'est? demanda Marguerite. 

— Une pivoine... Que fait-elle là?

— Quelqu’un l’aurait déposée dans votre sac?

— Peut-être, mais pour quelle raison? se demanda pour elle-même et pour Marguerite, Gabrielle. 

— Peut-être est-ce un message? Etes vous familière du langage des fleurs?

Gabrielle eut un petit rire. 

— Absolument pas…  Et toi? 

— Non plus…

— Il me semble qu’un livre sur ce sujet est dans notre bibliothèque. 

Le “notre” échappa à Gabrielle, venant lui tordre les entrailles, voulant parler des possession de sa famille.

— Allons le chercher, je veux savoir !»  sourit Marguerite toute excitée. 

Les deux femmes se levèrent pour rejoindre la bibliothèque. Après quelques minutes de recherches, Gabrielle finit par tomber sur le “Langage des Fleurs” de Charlotte de la Tour, un livre relativement ancien… Gabrielle chercha dans la table des matières pour rejoindre le bon chapitre, puis elle lut à haute voix.

« Pivoine blanche: symbolise le regret, la honte, les excuses. “Veillez sur vous”

— Oh… Serait-ce Monsieur qui vous aurait déposé cela dans votre sac? 

Gabrielle resta à relire plusieurs fois la phrase dans sa tête. 

— Cela ne lui ressemble pas. Même quand il a eu des attentions similaires, elles venaient toujours d’Armand. 

— Prendrait-il le risque de vous offrir quelque chose alors que vous lui avez demandé d’arrêter? 

La jeune femme eut un sourire amer. 

— J’ai peu de doute à ce sujet. Mais je préfère penser qu’il s’agit de Pierre, cela correspondrait à ce qu’il s’est passé. 

— C’est vrai. Mais en même temps, pourquoi ne pas vous offrir un bouquet directement? Cela semblerait plus logique. 

— Oui en effet… mais peut-être.. peut-être ne savait-il pas comment essayer de se faire pardonner?  

Gabrielle porta la pivoine à son nez, son délicat parfum l’apaisa. L’idée que ce soit Pierre lui faisait du bien. Était-il possible qu’il ait fini par comprendre, par entendre raison? Sa conduite déviante l’avait privée de bien des choses et d’un avenir plus doux. C’était sûrement le moment de faire la paix.

— Dites, ce Docteur Courtois, c'est également celui qui vous avait parlé de runes et de sorcières non ?

Gabrielle se figea, battant des cils une ou deux fois.

— De quoi parles-tu ?

— Vous ne vous souvenez pas ? Tout au début de l'affaire, quand il est venu ici une première fois. Nous avions parlé ensembles de runes, de sorcières, de cette femme que vous aviez rencontré étant jeune.

Gabrielle fixa Marguerite comme si c'était un fantôme.

— Mais oui... Comment ai-je pu oublier ça... souffla-t-elle, perdue.

Le souvenir du docteur Courtois lui parlant des runes lui revint en tête. Il les avait gravé dans sa peau, sur lui. Gabrielle se jeta sur le premier crayon qu'elle trouva pour dessiner ce qui lui revenait en mémoire.

— Comment est-ce que tu peux t'en souvenir ? Eugène m'a dit que les preuves avaient été détruites, que quelqu'un avait fait disparaître les dessins, les photos les représentant. Et surtout que sans les voir, on finissait par oublier leur existence.

Marguerite sembla gênée, se tortillant sur place.

— Je ne sais pas Madame...

La jeune femme intervint pour l'aider à dessiner les runes.

—Je les ai jamais oublié moi... C'est peut-être lié à ma famille ?

— C'est la seule explication logique, souffla Gabrielle, un peu pantelante. Il faut que nous gardions ces dessins, personne ne sait que nous les avons. Personne ne sait que tu te souviens, conservons cet avantage.

— Je vais les garder. Si vous les oubliez, vous ne vous souviendrez plus de l'endroit ou vous allez les mettre, intervint Marguerite.

— D'accord... tu vas te renseigner ?

— Je vais voir ce que je peux faire... »

Gabrielle resta dans la bibliothèque un petit moment, à mesure que le silence se faisait, l’angoisse remontait. Marguerite était retournée à son travail, les dessins cachés dans son tablier.

Les souvenirs de ce qu’il s’était passé avec le tueur refaisaient surface, puis furent entrecoupés par les visions du bain de sang qui avait eu lieu ici même. 

La jeune femme referma le livre et retourna vers sa chambre. L’envie de se reposer se faisait très forte, et la douleur elle aussi montait aussi vite que l’anxiété. 

***

La nuit avait été courte, ou plutôt très longue. Sans jamais réussir à s’assoupir complètement, Gabrielle s’était retournée encore et encore dans son lit, se disant que le sommeil finirait par venir. En vain. Son esprit ne la laissait plus tranquille une minute. La sensation de sécurité tant attendue n’avait eu aucun effet sur son sommeil finalement. Elle avait entendu la pluie se mettre à tomber, très tôt le matin,

Seule dans la salle de petit déjeuner, elle regardait par la fenêtre la rue, dehors la pluie n'avait pas cessée. Le bruit d’un moteur à explosion lui parvint soudainement, Pierre rentrait. Elle tenta de se réveiller un peu et de se préparer psychologiquement à son arrivée, ne sachant de quelle humeur il serait. 

Au loin, elle entendit la porte d’entrée s'ouvrir, puis claquer. Plus rien. Puis les pas dans le couloir. Et enfin la porte de là où elle se trouvait s’ouvrir subitement. L’humeur était mauvaise sans nul doute. Pierre était blafard, cerné, les cheveux un peu gras. Depuis combien de temps n'avait-il pas pris de bain?

« Ah, tu n’es pas encore prête? 

— Je termine mon petit déjeuner… dit-elle sans savoir ce qu’il lui voulait.

— Eh bien dépêche toi. J’ai besoin que tu viennes avec moi. Je t’attends dans l’entrée.»

Il ne laissa pas son épouse lui répondre et sortit de la pièce en refermant la porte de façon brutale. Oui, Pierre semblait de furieuse humeur, et elle se dit que cela avait sûrement un rapport avec le fait qu’il vienne la chercher. Pourquoi avait-il besoin d’elle? 

Gabrielle monta à sa chambre pour se mettre du parfum, vérifier sa coiffure, prendre son sac puis redescendit dans l’entrée pour rejoindre Pierre. Elle n’eut le temps que d’attraper une veste avant que Pierre ne sorte, l’incitant à la suivre. Du coin de l'œil, Gabrielle aperçut Marguerite qui venait voir ce qu’il se passait. 

En quelques minutes, voilà qu’elle se retrouvait de nouveau sur la route, assommée par le bruit du moteur, les heurts des roues sur les pavés et le vent qui bourdonnait dans ses oreilles. La pluie avait cessé, mais il faisait toujours humide. Pierre n’avait rien dit de tout le chemin, crispé, tendu. Son humeur ne donnait guère à Gabrielle l’envie de le questionner sur le but de tout ceci.

Sauf que quelques minutes avant d’arriver à destination, Pierre prit enfin la parole, soupirant.

« Il veut te voir. Toi et personne d’autres, ça fait des heures qu’on essaye de le faire parler, mais il n’y a rien qui sort de la bouche de ce monstre…

— Moi? Mais pourquoi moi?

Gabrielle sentit une vague de malaise monter en elle. 

— Si je le savais je te l’aurais dit! s’énerva Pierre. Il veut que tu sois là pour parler.

— Et si je n’avais pas envie d’y aller?

— Je n’ai que faire de ton avis en ce moment. Tu n’as aucune idée de ce que nous avons vécu cette nuit, et à l’intérieur, tout le monde t’attend de pied ferme.»

Elle savait qu’elle n’avait plus rien à répondre, que Pierre était bien plus que sur les nerfs. Le manque de sommeil semblait bien être la raison la plus agréable de sa fraîche humeur. Elle n’osait imaginer la nuit qu’ils avaient passés. Mais cela ne l'aida pas à se rassurer.

Pierre se gara juste devant l’entrée du bâtiment, les policiers qui attendaient, fumant et discutant se secouèrent en voyant la voiture arriver. On aida Gabrielle à descendre et les entraina tout aussi rapidement à l’intérieur. La presse avait été éloignée, Gabrielle avait aperçu rapidement à quelques mètres des photographes près à sauter sur la moindre occasion. Et son arrivée semblait en être une. 

A l’intérieur, elle tomba tout de suite sur Eugène Courtois. Il avait les traits tirés et l’air inquiet. 

« Ah enfin vous voilà. 

— J’ai fait aussi vite que j’ai pu. Espérons que cette fois cela se passe bien, dit Pierre en retirant sa veste et assistant Gabrielle à faire de même. 

La jeune femme, maintenant en chemisier blanc et jupe noire se sentait bien mal engoncée pour être présentée à du monde et encore plus pour ce genre d’exercice.

— On va y aller? demanda Pierre en allumant son cigare. 

— Attendez, il faut préparer Gabrielle. 

Son mari soupira d’agacement, piétinant sur place. Eugène la fit avancer dans les quartiers généraux, vides. 

— Gabrielle, nous ne savons pas pourquoi, mais il veut vous voir. Nous avons passé la nuit à essayer de le faire parler, en vain. Tout ce qu’il dit vouloir, c’est la renarde, qui de toute évidence vous défini. Et si vous venez, il parlera. Nous sommes néanmoins inquiets, il n’a pas dormi depuis plus de vingt quatre heures, et il a été torturé pour parler. Nous allons tout mettre en œuvre pour garantir votre sécurité, le tenir en respect et en joug, nous savons à peu près faire cela. 

Son cœur battait si fort que ses mains s’étaient mises à trembler. 

— D’accord, murmura-t-elle. 

— Vous êtes sûre? 

— Non, absolument pas. Mais Pierre ne m’en a pas donné le choix, ajouta-t-elle à voix basse. 

Les yeux bleus sombres du médecin avaient prit une inclinaison inquiète 

— Vous êtes courageuse. 

— Je ne crois pas.»

Elle souffla cela en allant rejoindre Pierre et un autre policier qui lui était inconnu. Tous se dirigèrent vers la cave. A mesure qu’elle descendait les marches, un bruit terrible lui fit dresser les poils sur les bras. Un rire, entrecoupé de soupirs de satisfaction. 

« Ohhh ! Oohoh la voilà… mmmmmhhhh.» 

Une fois en bas, la petite dizaine d’agents de police la fixèrent. La pression était insoutenable. Une chaleur et une odeur étouffante régnait ici. Cela sentait le fer chaud et la chaire brûlée. Gabrielle fut rebutée, serrant les dents. Mais on continua de la pousser toujours avant. 

« Viens me voir! Ouiii, quelle chance… »

Le tueur n’était plus enfermé; on l’avait menotté aux mains, aux chevilles et au cou, puis avait fait prendre ses entraves dans du béton, que l’on avait soudé. Les maillons des chaînes étaient si gros que Gabrielle se demanda où on avait pu trouver cela… Juste à coté d’eux, trois brasero étaient entretenus comme les flammes de l’Enfer; remplis de charbon, de bois, d’instruments chauffés à blanc prêt à être utilisés, à une distance raisonnable du prisonnier. Les hommes avaient l’air de tous savoir quoi faire, humides de sueur, les yeux semblant avoir regardé la mort en face.

« Avance, Gabrielle.» la poussa Pierre. 

La jeune femme s’avança alors, tremblante. Elle jeta un regard à Eugène, sûrement la seule personne qui semblait avoir un temps soit peu d’empathie pour elle à ce moment. Tous semblaient suspendu à cet instant, se demandant ce qui allait se produire. 

« Mon Dieu, ce parfum… cette odeur… L’homme en fermait les yeux pour en profiter, transporté. Avance encore, que je te sente de près. 

Gabrielle chercha à nouveau de l’aide dans le regard de quelqu’un, Eugène la rejoint. 

— Allez-y, avancez doucement. Vous deux, sortez les tisons, et s’il la touche, s’il tente quoi que ce soit, plantez lui là où vous pouvez. 

Les deux hommes aux braseros acquiescèrent, sortant du feu les épieux de métal incandescents. Alors Gabrielle continua de faire quelques pas. Soudainement, une émotion différente apparut, un courage étrange lui venant du souvenir de son oncle si elle pouvait s’approcher, elle pourrait lui parler, lui demander pourquoi cette fois-ci. 

Alors elle continua, commençant à sentir la sueur qui se mettait à couler le long de son dos. Le tueur ferma les yeux et tendit la tête vers elle. Une petite dizaine de centimètres les séparaient à présent. Il n’était pas laid, pas animal, pas étrange. C’était un homme.

— Ahhh quel délice, quelle merveille… 

— Maintenant qu'elle est là, tu vas parler, dit soudainement Eugène. 

Gabrielle sursauta. 

— Mmmmh d’accord…

— Qu’est-ce que tu es? demanda Pierre, de but en blanc. 

— Ellias, pour vous servir.

— Ne te fout pas de nous. De quelle race es-tu?

Ledit Ellias huma encore une fois Gabrielle qui se tenait debout, droite comme un piquet devant lui. 

— Je suis un vampire, dit-il gravement. 

— Et qu’est-ce que c’est un vampire, qu’est-ce que tu nous veux?

— Qu’est-ce que c’est un vampire? vous me torturez depuis des heures, vous avez vu ce que je suis, commença-t-il prenant un air de dramaturge inspiré. Je suis immortel, je suis tel Lucifer déchu des cieux pour venir répandre le malheur dans vos maisons. Boire votre sang, prendre vos enfants, égorger vos épouses et les violer, vous êtes tous si délicieux… surtout elle. 

Ellias fit un mouvement un peu brusque, voulant se rapprocher de Gabrielle, qui s’en suivit par une réaction immédiate des deux policiers: plantant leurs tisons dans les flancs nus du vampire, un cri de douleur exquise empli la cave. Gabrielle avait reculé, tournant le dos à ce spectacle macabre. Elle avait envie de se boucher les oreilles et le nez, l’odeur de chair brûlée était insoutenable. 

— Tiens-toi bien, là! Pas de mouvements brusques, intervenaient les deux bourreaux. 

— Ça va, ça va … Souffla la créature. 

Eugène se rapprocha de la jeune femme pour la soutenir, lui donnant un mouchoir parfumé à la menthe poivrée. 

— Courage, continuez encore un peu. Il n’a jamais aligné autant de mots, on va apprendre des choses cruciales je pense. Courage Gabrielle. Faites lui face! 

Le nez enfoui dans le mouchoir, Gabrielle reprenait ses esprits. Elle n’était pas faite pour cela et en même temps, elle se trouvait soudain un sentiment de pouvoir, de domination. Ce n’était plus elle la proie. On la faisait rester ici, on l'utilisait pour qu'il parle, mais c'était elle la clef de toute évidence. Et ce pouvoir la galvanisait.

Alors à nouveau, elle regarda le meurtrier de son oncle. D’un coup d'œil rapide, elle vit que les blessures sur ses flancs ne saignaient, ni ne suintaient, et ne paraissaient pas avoir été faites à l’instant… C’était donc vrai.

— Allez, continue. Les vampires, il y en a d’autres? demanda Eugène. 

— Oh oui. Si vous saviez! Sa voix était faible, un peu tremblante. 

Le teint d’Ellias n’était même plus définissable par le mot “livide”, il semblait vidé de toute vie, de tout son sang, ses yeux étaient enfoncés dans ses orbites, cernés de violet et de gris. Comme si un cadavre prenait la parole… 

— Nous sommes partout. Dans vos maisons, mais aussi dans vos gouvernements, dans votre justice, dans votre quotidien… Nous sommes là pour vous, pour prendre votre place. 

Autour d’eux, des murmures s’élevaient.

— Tu as des noms?

— Oh non, certainement pas. Pour ce que je suis en train de dire actuellement, on pourrait me jeter au feu, rit-il doucement, semblant très heureux de pouvoir également tenir le pouvoir.

— Alors pourquoi mettre les tiens en danger en nous avouant votre existence? Si vous êtes partout, comment n’avons nous pas pu vous voir? Pourquoi ruiner cette couverture? demanda Pierre. 

A nouveau, Ellias avait demandé à Gabrielle de se rapprocher pour la respirer. Ses pupilles s’écarquillaient à chaque fois et les crocs dans sa bouche semblaient plus proéminents. 

— Parce que je veux mourir. Je suis malade, je suis en train de sombrer dans la folie et je suis las de ce monde, de ce système, de ces non-dit. Je veux que la vérité éclate au grand jour, je veux que les vampires prennent la place qui leur est due: vous êtes le bétail, et nous sommes les prédateurs, grinça-t-il. Mais certains d’entre nous manquent de courage; alors voilà de quoi les réveiller, voilà de quoi bousculer le système en place. Boum!

Il se mit à rire, froid, glaçant. Personne ne dit plus rien, les hommes semblaient accuser le coup.

— Je ne peux mourir de vos chatouillis, mais je sais ce qu’est la souffrance, dit-il en regardant les tisons.

— Qu’est-ce qui vous tue? demanda Eugène, pragmatique. Le feu?

— Le feu et la lumière du soleil. Certains d’entre nous peuvent vivre la journée, mais sans jamais s’exposer directement à la lumière. Elle nous brûle. Le reste, au pire, nous rend malade quelque temps, ou juste nous met hors d’état de nuire pendant une nuit, tout au plus… 

Eugène notait, il écrivait tout à mesure que le vampire parlait. Il fallait demander, c’était le moment. 

— Et le sang alors? Tu exsanguinais tes victimes. Pourquoi? 

— Pour boire leur sang. Aaaahh ce que je donnerais pour une lampée du tiens ma belle, geint Ellias, en regardant Gabrielle comme un morceau de viande juteux. 

— Et pourquoi le sang? demanda-t-elle, sa voix un peu rauque. Pourquoi le mien particulièrement?

— On le boit pour survivre. Nous ne connaissons ni la faim, ni la soif d'eau. Mais le Sang… C’est ce qui nous donne notre pouvoir. Notre sang, on le transmet, on en fait don à certains élus, il devient un des nôtres. Il nous donne notre force, notre immortalité. Avec ce sang, on devient chaud… presque humain. Et on vous leurre, on vous séduit, pour atteindre le pouvoir, pour plus de sang, encore.

Les mots d’Ellias résonnaient de façon perturbante dans la tête de Gabrielle, rapidement un éclat vert lui revint en mémoire et un goût métallique. 

— Pourquoi est-ce qu’on te croirait? s’énerva Pierre, à bout de nerfs. 

— Pourquoi? il ricana. Parce que vous m’avez tiré dessus, vous m’avez brûlé, vous m’avez torturé pendant des heures sans que je meurs, sans que je saigne plus de quelques secondes. Vous avez vu, de vos propres yeux. Pourquoi le reste ne le serait pas? 

Chacun avait envie d’y aller de son argument, chacun d’entre eux aurait aimé avoir le détail imparable pour prouver qu’il mentait : parce que la vérité était intolérable. 

— Ne crains-tu pas leur courroux? demanda un des hommes. 

— Parce que vous comptez me libérer? s’écria-t-il, théâtral. Si c’est le cas, en effet, j’ai à craindre pour moi-même. Mais nos lois sont claires, un vampire ne peut tuer un autre vampire.

Eugène s’était approché pour le regarder de plus près, pour le confronter. Il semblait avoir une idée.

— Quel âge as-tu? demanda t-il, ne lâchant plus son carnet de notes. 

— 98 ans. 

Tous les hommes ne purent s’empêcher de lâcher quelques expressions de surprise et se murmurer entre eux. 

— Ah vous en rêveriez d’avoir une forme pareille à un tel âge, riait le vampire.

— Pas si cela implique de devenir un monstre, cingla Gabrielle soudainement. 

Ellias tourna les yeux vers elle, un étrange sourire s’étirant sur son visage. 

— Quelle ironie, dit-il à voix feutrée. 

— Et ma famille, pourquoi l’avoir massacrée? Que t'avaient-ils fait?

Sa voix tremblait, mais elle ne pouvait plus s’empêcher de parler, serrant fort dans sa main son mouchoir. 

— Ta famille, jolie renarde. C’est différent. Toi, tu m’avais vu. Ce jour-là, à Montmartre. C’était plutôt un avertissement, ou bien… une vengeance. Tu n'étais pas là, j'étais très déçu...

— Pourquoi te venger si tu voulais être découvert? demanda Gabrielle, de plus en plus à l’aise. 

— Pourquoi? Mais parce que ce n’était pas suffisant! De qui se souvient-on? Des hommes de peu de gloire? Non. On se souvient des grandes colères, des immenses incendies, des raz de marées, pas des vaguelettes. Je veux qu’on se souvienne de moi, il faut que la presse relaie mon histoire, que vous en parliez à tout le monde! 

Eugène fronça les sourcils et d’une voix forte et ferme se mit à dire. 

— Que l’on parle de toi? Mais c’est hors de question, personne ne doit connaître ton existence. Personne ne doit le savoir, cela serait une catastrophe. Ni même ton nom, tout tombera dans l'oubli.

— Comment cela? Vous comptez garder secret cette découverte? Des millions de personnes ont sûrement vu leur famille mourir dans des conditions floues, sans jamais pouvoir faire leur deuil alors que peut être leur voisin est un vampire! C’est inconcevable de ne pas en parler, intervint Pierre, contrarié. Justice doit être faite! 

Ils avaient tous une mine sombre et la voix bien plus agressive que ce qu’ils le voulaient vraiment. Ellias semblait se délecter de ce moment de discorde. 

— Rien de bien ne peut ressortir de tout ceci ! Vous savez de quoi est capable la race humaine, il y aurait des massacres, des révoltes! 

— Pourquoi les choses devraient mal se passer? Nous pouvons protéger la population, il y aurait des procès, des exécutions. On ne peut laisser impunis autant de crimes! Et même si cela doit mal se passer: les gens doivent savoir, peu importe le prix.

— Je ne vous pensais pas idéaliste, Pierre, mais cela honore votre condition. Je ne crois pas une minute que les choses puissent se passer tel que vous le décrivez.»

Pendant que les deux hommes se disputaient, Gabrielle sentit près de son oreille le souffle lourd d’Ellias qui de nouveau, la respirait comme on se délecte d’un plat mijotant sur le feu. Doucement, elle tourna les yeux vers le vampire, ou quoi qu’il prétendait être. Avec un sourire malsain, il ne bougea pas d’un centimètre. Ses yeux bleus acier la dévisageaient, et bien que son état fut précaire, Ellias semblait avoir été un homme d’une grande beauté. Son visage aujourd'hui semblait aussi pâle que la mort, mais il avait dû avoir un teint magnifique et une peau sans le moindre défaut. A nouveau, son instinct tentait de l’alerter, lui envoyant des vagues de peur, de stress, mais elle ne savait pas pourquoi. Impossible de mettre le doigt sur ce qu’il se passait dans sa tête. Comme si elle tentait de se souvenir de quelque chose, mais qui ne venait pas. C’était là, quelque part.

« Gabrielle Deslante… Tu es très connue chez nous, murmura le vampire à son attention. 

— Pourquoi? Qu’ai-je donc de si notable? 

— Parce que tu es sa protégée… sa chasse gardée. 

Il souriait, mais dans ses yeux, la peur montait. Même Gabrielle pouvait le voir: il les baissait de façon presque imperceptible, avant de revenir à elle. 

— Qui?

— Le Maître.

— Eh toi !! Recule où je te crame!! fit l’un des policiers, tirant sur les chaînes d’Ellias. 

Gabrielle reprit sa respiration, glacée jusqu’à l’os et à la fois en colère. Pourquoi avait-il fallu qu’on les interrompe? 

— Peu importe, j’ai encore des questions pour notre invité., coupa court Eugène. 

Une fois de plus, il remit en place ses cheveux nerveusement.

— Tu disais que vous offriez votre sang pour que d’autres deviennent vampires. Comment cela fonctionne t-il?

— Il faut être mourant, vous buvez le sang et … vous vous réveillez: mort, mais bien vivant. La peau froide, le cœur presque arrêté, le teint pâle. Et plus jamais vous ne mangez de nourriture humaine, vous devenez un monstre… Qui tue pour survivre. 

— D’où venez-vous? Le premier d’entre vous, comment est-il devenu ce que vous êtes? demanda Pierre. 

— Une longue, bien trop longue histoire… Mais j’espère que vous croyez en Dieu, car vous n’allez pas être déçus, rit de nouveau Ellias. 

Gabrielle commençait à avoir des vertiges, ses hanches se mettaient à la faire souffrir. La chaleur était de plus en plus insupportable et elle avait envie de sortir de là. C’était trop pour elle, bien évidement qu’elle voulait savoir, mais pas debout devant un meurtrier par 35 degrés dans une puanteur terrible. 

— Qu’est-ce que Dieu a à voir dans tout cela? questionna un des hommes. 

Ils avaient tous l’air épuisés…

— Je ne veux plus parler. Gardez là votre renarde, elle me donne bien trop soif. Et ce n’est pas un d’entre vous qui se sacrifiera pour m’offrir quelques gorgées de sang.» 

Ellias gardait la bouche ouverte, geignant de souffrance. Ces crocs; Gabrielle passa sa main sur sa nuque, gênée d’imaginer ce que cela pouvait faire… et en même une pensée bien plus gênante et inattendue fut irruption dans son esprit, un semblant d'excitation. Doucement, elle recula avant de lui tourner enfin le dos pour rejoindre son mari et le docteur Courtois. Le médecin de nouveau l’ausculta rapidement, lui préconisant de rentrer se reposer. Elle n’avait aucunement l’intention d’aller à l’encontre de cette recommandation, se sentant bien trop fragile pour tout cela. Évidemment, une partie d’elle avait toujours cette soif d’en savoir plus et elle réalisait qu’elle avait une place privilégiée lui permettant d’en avoir appris plus qu’elle n’aurait imaginé. 

Tournant la tête une dernière fois vers celui qui était donc un vampire, Gabrielle le vit à genoux, semblant méditer. Non, il ne dirait plus rien pour le moment. Même lui semblait arriver au bout de ses ressources, aussi surnaturelles puissent-elle être. 

Une fois à l’étage, Eugène et Pierre se remirent à débattre de l'intérêt de dévoiler l'existence des vampires au grand public. Gabrielle savait où cela allait les mener: nulle part. Aucun d’entre eux n’était apte à prendre de telles décisions, ils allaient devoir d’abord en référer au préfet Lépine, qui lui en parlerait sûrement avec le préfet de Seine, les conseillers municipaux, et Gabrielle n’avait pas de doute sur le fait que les choses remonteraient sûrement dans les ministères jusqu'au président. Ces deux-là n'étaient rien à côté de ce qui venait de se jouer dans cette cave.

On commanda un fiacre pour Gabrielle et elle reprit le chemin de sa maison. Pierre semblait avoir oublié son existence. Comment lui en vouloir? De toute façon, son avis lui importait peu et l’absence de réaction vis-à-vis d’elle était sûrement la meilleure version de l’histoire. 

Tous les détails de ce qu’il s’était passé lui revenaient en tête. Des mots, des attitudes, l’odeur. C’était à la fois flou et très clair, parfois certaines parties lui revenaient en bloc, avant d’être remplacées par d'autres. Tout se bousculait. 

Cela ne sortait pas de sa tête, toujours pas alors qu’elle arrivait chez elle et s’enfermait soigneusement, ne souhaitant recevoir personne. Rapidement, elle rejoignit le patio, apaisée tout de suite par le son de l'eau qui s'écoulait doucement venant de la petite fontaine. Alors elle s’assit là, sur une chaise à l'abri. Il faisait encore un peu chaud, et la pluie n’avait pas refait surface. Gabrielle avait besoin d’air et d’espace physique, sans doute le contrecoup de la cave. 

« Vampire… » murmura t-elle pour elle-même. 

Voilà que l’enquête s’était résolue. Ce n’était pas un fou, ce n’était pas un homme, non plus un animal. Mais au final, le docteur Courtois avait vu juste, c’était quelque chose de nouveau, de très inattendu. Il existait un autre monde avec des créatures anciennement humaines qui devaient tuer pour survivre? En buvant leur sang qui leur donnait immortalité et puissance. C’était digne des plus grands romans fantastiques qu’elle avait pu lire. Cependant, rien de tout ceci ne la faisait rêver ou ne l’enchantait: C’était la réalité, c’était là sous ses yeux depuis toujours et personne n’avait rien vu.

Bien sûr, la vie était faite de cela: de tueurs et de merveilles, de joies et de peines, du jour et de la nuit… les opposés existaient partout et même des choses invraisemblables faisaient partie du quotidien: les voitures, l’électricité, .. Pourquoi pas d’autres créatures? Pourquoi pas un prédateur pour l’homme? Ils vivaient avec eux malgré tout, sans pour autant avoir massacré toute la population, sans avoir réussi à se faire démasquer. L'exploit semblait presque impossible. A croire qu'Ellias aurait menti, d’ailleurs pourquoi ne l’aurait-il pas fait? Une partie de Gabrielle pensait toujours que tout ceci ne pouvait pas être réel, que ce n’était que les élucubrations d’un dément. Mais pourtant elle avait vu de ses propres yeux les brûlures se refermer lentement, la douleur disparaître aussi vite qu’elle avait été intense. Elle avait vu elle-même tout cela, ce vampire devant elle à la peau glacée, aux yeux intenses et fous, avec des crocs à la place des canines. Son esprit cherchait à tout prix à rationaliser ce qu’elle avait vu et minimiser les conséquences de cette découverte. 

Gabrielle se leva de nouveau, rejoignant sa chambre. Elle n’arrivait plus à rester en place.

Une fois à l’intérieur de celle-ci, elle se mit à tourner en rond, ne sachant plus quoi faire, ni comment s’occuper. C’était en boucle dans son esprit: maintenant, elle repensait à l'attitude d’Ellias avec elle et ses confidences à voix basse. Le “Maître”? Sa chasse gardée? De quoi est—ce qu’il parlait? De qui? 

Les yeux dans le vide, son regard fut attiré par une petite lueur verte: un reflet venant de sa coiffeuse où un rayon de soleil s’était invité. Et là, ce fut comme un coup de poignard. Une nouvelle déduction aussi rapide que inattendue: Armand? Folle d’angoisse, Gabrielle s’assit à la coiffeuse pour prendre la broche que son ami lui avait offerte, c’était sur elle que le soleil avait fait réfléchir la lumière, attirant son attention. Le vert des pétales de fleurs lui faisait penser aux yeux d’Armand. Doucement, elle tenta d’attraper un fil de sa conclusion, qui s’était faite bien trop vite. Non, c’était stupide, c’était réellement stupide. 

Nerveusement, elle jouait avec la broche, revenant également sur la conversation qu’elle avait eue avec Marguerite. Jamais elle ne voyait Armand manger, jamais il ne sortait sans ses gants et ne la touchait. Alors oui, les choses pouvaient s’expliquer par bien d’autres réponses tout aussi logiques: mais au final, l’accumulation d’éléments l'amenait à bien autre chose. Elle s’était déjà aussi fait une remarque sur les canines étrangement formées du jeune homme. Mais aussi sur son inexplicable fortune, son implication dans l'affaire, le courrier pour faire disparaître le docteur Courtois...

« Non, non! Stop, ça suffit.»

Gabrielle claqua la broche sur le bois de la coiffeuse avant de se lever de nouveau, sursautant presque. Cela ne pouvait être que le fruit du hasard, rien d’autre. Armand n’était pas un tueur, ce n’était qu’un homme politique qui avait hérité de sa famille, ce n’était qu’un homme parmi d'autres, ni plus original, ni plus extraordinaire. Gabrielle voulait voir le problème là où elle avait envie de le voir. 

Et puis, elle n’avait pas envie d’y croire. Elle ne voulait, tout simplement, pas que cela soit vrai. 

Elle commença à chercher Marguerite dans la maison, elle avait besoin de compagnie et de se changer les idées, son niveau d’angoisse ayant atteint un niveau quasi insupportable. Peut-être irait-elle se promener dans le parc Monceau également. Il lui fallait de l’air, encore plus. 

A suivre...

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